L'auteur inspiré doit diviser son esprit en deux parties: la première s'occupe de l'histoire dans sa globalité, la seconde des éléments ponctuels comme les dialogues, les figures de style, les actions des personnages.
Ces deux hémisphères doivent fonctionner simultanément, et pas séquentiellement. En effet, chaque élément microscopique du récit s'inscrit dans un ensemble qui l'influence et qu'il influence. Il ne s'agit pas d'additionner des éléments disparates qui, bout à bout, forment un récit. Cette façon de faire aboutirait à un patchwork incohérent. Hors, un long texte doit être une oeuvre cohérente.
En général, le processus créatif nous pousse à séparer Micro- et Macro-scopie, pour des raisons pratiques, et tout simplement parce que cerveau est "monotâche". Lorsque l'on se réveille un beau matin avec une idée de scène toute fraîche, très motivante, très visuelle, on est dans le cadre microscopique. C'est une scène qui dure tout au plus quelques secondes, elle nous met sur une piste esthétique, mais ne nous donne que quelques indices sur le déroulement global de l'histoire et sur la psychologie des personnages.
Plus tard, lorsque l'on ébauche un séquencier ou un traitement, on est dans le monde Macroscopique. Un vue d'ensemble sur le récit qui permet un agencement des scènes efficace. On oublie momentanément les détails microscopiques.
Arrivé à l'étape de l'écriture proprement dite, il faut mélanger les deux conceptions, et faire un effort particulier auquel le cerveau humain n'est pas habitué. C'est toute la difficulté de l'écriture. La poésie, par exemple, se focalise sur la conception microscopique uniquement: l'auteur travaille les sonorités, les syllabes, l'agencement des mots, des rimes. Cette focalisation unique permet un travail de virtuosité très spécialisé. Le roman ne permet pas cette spécialisation. En effet, si l'auteur de roman travaillait chaque mot comme un joallier, il en perdrait de vue la totalité du récit, qui pourrait en être déstructuré.
D'un autre côté, en se focalisant uniquement sur le récit dans son ensemble, le style peut s'en ressentir. Si cela n'est pas fatal dans un scénario de cinéma, c'est un péché mortel dans un roman. On retrouve parfois ce défaut dans quelques épopées-fleuves de plusieurs milliers de pages. Je pense notamment à La Tour Sombre, de Stephen King, dans lequel l'auteur écrit "en roue libre", sans grande attention au style. Il est largement pardonné par la richesse de l'imaginaire, mais je ne conseille par aux apprentis auteurs de tomber dans cet éceuil.
Alors, quelle est la solution?
Je conseille la double lecture. En première lecture on se concentre principalement sur le déroulement du récit, la psychologie des personnages et l'emboîtement des scènes. En deuxième passe, on soigne la tonalité de chaque élément, la qualité des phrases, etc.
On n'oubliera pas toutefois une lecture globale, en se positionant dans le rôle de quelqu'un d'autre: est-ce que mélange veut encore dire quelque chose?