Louie CK est un humoriste de stand-up américain méconnu en Europe mais qui cartonne depuis 20 ans outre-Atlantique. Son style est l'approche dépressive et vulgaire de sa vie quotidienne: mariage, divorce, garde des enfants. En 2006, il s'était essayé à la sitcom pure et dure (décors minimalistes, en direct devant un public, vie de famille et vannes faciles) avec un succès quelque peu mitigé.
Il est revenu l'année dernière sur la chaîne FX avec une nouvelle série sobrement intitulée "Louie". Et là, adieu les canons de la sitcom, on débarque en territoire inconnu. En fait, à part un certain humour, la série Louie ne ressemble à rien qui existe déjà, et c'est ce qui en fait sa force.
Voyez plutôt: il n'y a pas de personnages vraiment récurrents, à part Louie lui-même. Les épisodes durent toujours 21 minutes (comme une sitcom traditionnelle), mais leur structure est complètement... déstructurée: la série est composée de sketchs d'environ 3 à 7 minutes entrecoupés d'extraits du spectacle de Louie CK dans la vraie vie, en tant qu'humoriste (à la façon de Seinfeld).
Il n'y a quasiment par de continuité entre les épisodes (à part une vague intrigue amoureuse qui reste irrésolue à la fin de la saison 1). L'humour est changeant: parfois terre-à-terre, parfois absurde, parfois visuel, parfois grossier; on ne sait jamais à quoi s'attendre. En tout cas, il n'y a pas de "recette" d'épisode. D'ailleurs, le montage des séquences est très libre: le tempo varie d'épisode en épisode, selon la nécessité des sketchs. En ce sens, Louie tient plus du film à sketchs que de la série télé.
Parfois, Louie se met à parler à un personnage que l'on a jamais vu avant, et que l'on ne verra plus après, et qui semble pourtant être son père... ou son psy, on ne sait pas trop. Les quelques personnages secondaires vont et viennent sans crier gare. Il en ressort un immense sentiment de solitude, et c'est exactement ça que Louie ressent dans sa vie de divorcé bedonnant et chauve.
Louie n'est donc pas une sitcom. Mais il n'existe pas de mot pour la décrire. Au mieux, "série humoristique", mais c'est loin de convenir.
L'humour de Louie CK est auto-destructeur: Louie se trouve trop gros, trop moche, trop vieux, trop fainéant. Et il pose un regard totalement désabusé sur le monde. "Been there, done that", dirait le vieux cowboy qui a déjà tout vécu et à qui on ne la fait pas.
Sauf qu'évidemment, pour le recul comique, Louie est loin d'être un lonesome cowboy: c'est un tocard. Tellement incapable de s'y prendre avec les filles qu'il en devient désagréable, mécanisme de défense bien connu des moches.
Il est enfin utile de noter que la série est tournée sur un budget rikiki: 200 000$ l'épisode, tous frais compris. Louie fait office d'auteur, réalisateur, monteur, producteur et interprète. La série est tournée en digital, avec un caméra Red, pour les connaisseurs. Ca donne un rendu très cinématographique, vraiment plus classe que toutes les sitcom du monde. Il y a un travail sur l'ambiance qui rend bien la solitude du protagoniste.
Evidemment, le vrai prix à payer pour se permettre cette posture d'auteur nouvelle-vague-à-l'âme, c'est me nombre de rires. Si les séquences de stand-up filmées en live sont toujours efficace, les sketchs eux, sont vraiment "off-beat" et lents. On y rit une, deux fois, parfois pas du tout. Pas parce que les effets sont ratés: il n'y a pas d'effets. C'est assez étrange dans une série dite "humoristique".
En tout cas, Louie est une série à voir, ne serait-ce que pour goûter à d'autres saveurs dans le domaine de l'humour télévisé. Ca fait du bien de voir quelque chose qui sort de l'ordinaire de temps en temps.
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