Je poursuis mon analyse de Seinfeld, en m'intéressant aujourd'hui à certains mécanismes de l'humour dans la série.
Nommer l'innommable
Dans l'article précédent, j'observais que l'humour chez Seinfeld se base principalement sur l'observation du quotidien. Le moindre petit moment gênant de la vie de tous les jours peut devenir la source d'un épisode entier. Pensons aux vêtements qui ne nous vont pas, aux lunettes mal choisies, à une odeur désagréable dont on n'arrive pas à se débarrasser, à ce tic de langage qui énerve, à tel autre détail insignifiant...
Seinfled ne se contente pas d'observer ces petits incidents du quotidien. Là où il nous fait rire, c'est qu'il prend le temps - et le recul - pour les classifier, et les nommer.
Pourtant ces détails gênants sont souvent tabous: personne n'en parle jamais car ils ne sont pas assez importants pour mériter qu'on en parle, mais ils restent toutefois assez communs pour que tout le monde comprenne de quoi il s'agit.
Le simple fait de leur donner un nom les élève de l'insignifiant au comique. Par leur nom, ils deviennent une chose tangible, partageable (et l'on rit mieux de ce que l'on partage).
Pensons au fameux "double-dip". Constanza trempe son nacho dans la sauce, en mord une bouchée, puis trempe son nacho une deuxième fois dans la sauce, au plus grand dégoût de ses hôtes. Cette attitude vraiment banale, a priori pas très drôle, devient comique dés l'instant où l'interlocuteur de George nomme son geste: "double-dip", pour mieux l'enguirlander.
Presque chaque épisode de Seinfled - et plus tard, de Curb Your Enthusiasm - possède un exemple de cet humour inédit, où les personnages nomment l’innommable.
Evidemment, plus le geste nommé est gênant, plus drôle devient le gag.
Pensons à toutes ces fois où sans trop y réfléchir on offre à quelqu'un un cadeau qui nous avait été offert auparavant... un peu pour s'en débarrasser car on n'en a pas l'utilité. C'est pas glorieux et un peu gênant, mais totalement vivable tant que l'on ne peut pas être rangé dans la catégorie des gens infâmes qui commettent une telle atrocité.
Chez Seinfled, on les appelle les "re-gifters" (les "re-offreurs"). Et c'est un qualificatif que l'on ne se targue pas de porter!
Les métaphores
Par moment, la nomenclature vire du côté non-sense, comme le fameux "anti-dentite", parodie du mot "antisémite" appliquée aux dentistes. Dans ce cas de figure, ce n'est plus le fait de nommer la chose qui est le fondement du gag - même si ça reste drôle - mais c'est toute la comparaison/métaphore au second degré qui prend le relais. Voyez cet extrait:
Dans Seinfeld, en vérité, les métaphore sont un grand sujet d'humour. Puisqu'on est dans le thème du nommable et de l'innommable, il y a des choses que l'on ne peut jamais dire en télévision, dans les années 90. Pour contourner le problème, Seinfeld emploie les métaphores.
Episode célèbre, "The Contest" est entièrement basé autour de la masturbation. Sujet délicat s'il en est. Mais il passe très bien dés l'instant où le mot masturbation n'est jamais prononcé, et remplacé par une métaphore que tout le monde aura compris sans être choqué. "Are you the master of your domain?" sera la question clé de l'épisode.
Cette importance donnée au langage explique probablement pourquoi la sitcom n'a pas eu beaucoup de succès en France. La traduction ne peut pas tout faire passer. Elle montre aussi combien Seinfeld est supérieure aux autres sitcoms (comme Friends) et mérite une deuxième chance si vous comprenez l'anglais!
24 août 2011
19 août 2011
Seinfeld
Jerry Seinfeld passera à Paris en septembre pour une représentation exceptionnelle de sa dernière tournée. Ah! Si j'habitais dans le coin, pour sûr, j'aurais acheté un ticket! Seinfeld n'est pas vraiment connu en Europe, mais c'est un demi-dieu aux Etats-Unis. Dans les années 90, il fut le héros de la sitcom la plus rentable de l'histoire, nommée tout simplement "Seinfeld".
Depuis tout le temps que je parle des sitcoms, il était inconcevable que je ne touche pas un mot de Seinfeld, qui inspira largement "Friends" et tous les autres suiveurs.
Le pitch de la série est simple: c'est une série à propos de rien. C'est en tout cas comme ça que l'a vendue son créateur, Larry David. En fait, avec le recul, c'est une série sur les embarras du quotidien, les couacs de la vie sociale et amoureuse, les normes de la société. Mais il est vrai qu'il n'y a pas de grande ligne conductrice, contrairement aux autres séries, qui suivent en général un fil rouge.
Jerry Seinfeld joue le rôle de... Jerry Seinfled, comédien de stand-up à New-York. Il est accompagné de son meilleur ami Georges Constanza, névrosé sans emploi fixe, Kramer son voisin fou, et Elaine, son ex avec qui il reste en bons termes.
Cette petite bande va et vient sur l'écran, sans but, sinon celui de mener une existence pleine de qui-pro-quos, des one-liners bien placés, et de tics rigolos.
Avec un pitch aussi anémique, comment Seinfeld a-t-elle pu avoir autant de succès, surtout pendant près de 10 ans?
J'ai l'impression de me répéter, article après article, puisque la recette est TOUJOURS la même: LES PERSONNAGES!
Dans une sitcom, le pitch n'a AUCUNE IMPORTANCE. On peut parler de tout et n'importe quoi! L'important, non, l'essentiel, est d'avoir une bonne poignée de personnages inoubliables.
Je rappelle les ingrédients: des personnages faillibles, dotés de nombreux défauts, qui seraient invivables dans la vraie vie, mais qui, comme par magie, nous semblent tellement sympathiques à l'écran.
Et là, Seinfled frappe fort:
Mais bien entendu, les personnages, ce n'est qu'une moitié de la recette. Il faut encore leur faire vivre des histoires dignes d'intérêt.
On a vu que le pitch, l'intrigue générale si on veut, n'avait pas d'importance: ça ne signifie pas que le contenu des épisodes peut se permettre d'être moins que génial. Et pour ça, il faut bien avoir quelque chose à raconter pendant les 22 minutes de chaque épisode.
Ce quelque chose, ce sont les embarras du quotidien. Les petits "rien" qui font les grands "tout". Un compliment mal placé, une coupe de cheveux mal ajustée, un pourboire mal calculé, bref: des choses tellement insignifiantes que l'on pourrait très bien ne jamais en parler.
Mais dans Seinfeld, au contraire, ces petites choses sont passées sous la loupe, gonflées, et mises sur un piédestal. Elles envahissent la vie de nos héros au point de leur pourrir l'existence. Et avec des personnages justement nevrosés et égoïste, le cocktail est explosif.
Le type d'humour dans Seinfeld est basé sur celui de Jerry Seinfeld, comique de stand-up, mais agrémenté d'éléments que seule la télévision peut amener:
1) L'observation du quotidien
Le grand classique des comiques c'est de commencer leurs phrases par: "vous avez déjà remarqué?". Seinfeld est le spécialiste en la matière. "Vous avez déjà remarqué comme tout est petit dans un avion? Petites assiettes, petits couverts, petites toilettes...", "Vous avez déjà remarqué les files d'attente au restaurant? Ca rend les gens agressifs", etc. Et bien, du stand-up à la sitcom, il n'y a qu'une étape de traduction à faire... Et l'on se retrouve avec un épisode dans un avion, un épisode dans un restaurant, etc. Il ne reste plus qu'à "milker" la situation et la faire déraper grâce au manque de savoir-vivre de nos personnages.
2) Les qui-pro-quos
En comédie, lorsqu'un personnage ment pour obtenir quelque chose, il est presque impossible que son plan fonctionne sans rencontrer au moins l'un ou l'autre qui-pro-quo. Le mensonge et la dissimulation sont deux ingrédients essentiels de la comédie. Pour rendre ces mensonges réalistes, il faut donner une bonne motivation aux personnages: attirer de jolies femmes, gagner de l'argent, éviter une raclée, etc. Le personnage de Constanza est parfait pour s'enfoncer dans des mensonges de plus en plus inextricables. Rajoutez des malentendus et l'affaire est dans le sac.
3) La fatalité
Personnages médiocres, Jerry et Georges sont opposés par leur destin: Jerry a beaucoup de chance avec les femmes, il a du succès dans sa carrière, le monde lui sourit presque naïvement. Georges, au contraire, joue de malchance et de poisse. Cette opposition fataliste entre les deux, qui n'en restent pas moins copains comme cochon, est drôle à observer,... surtout quand la poisse de Georges vient contaminer la bonne fortune de Jerry! Du coup, le destin pathétique des deux lascars est lié et nous sommes les spectateur de leur combat s'en relâche pour s'en sortir.
Depuis tout le temps que je parle des sitcoms, il était inconcevable que je ne touche pas un mot de Seinfeld, qui inspira largement "Friends" et tous les autres suiveurs.
Le pitch de la série est simple: c'est une série à propos de rien. C'est en tout cas comme ça que l'a vendue son créateur, Larry David. En fait, avec le recul, c'est une série sur les embarras du quotidien, les couacs de la vie sociale et amoureuse, les normes de la société. Mais il est vrai qu'il n'y a pas de grande ligne conductrice, contrairement aux autres séries, qui suivent en général un fil rouge.
Jerry Seinfeld joue le rôle de... Jerry Seinfled, comédien de stand-up à New-York. Il est accompagné de son meilleur ami Georges Constanza, névrosé sans emploi fixe, Kramer son voisin fou, et Elaine, son ex avec qui il reste en bons termes.
Cette petite bande va et vient sur l'écran, sans but, sinon celui de mener une existence pleine de qui-pro-quos, des one-liners bien placés, et de tics rigolos.
Avec un pitch aussi anémique, comment Seinfeld a-t-elle pu avoir autant de succès, surtout pendant près de 10 ans?
J'ai l'impression de me répéter, article après article, puisque la recette est TOUJOURS la même: LES PERSONNAGES!
Dans une sitcom, le pitch n'a AUCUNE IMPORTANCE. On peut parler de tout et n'importe quoi! L'important, non, l'essentiel, est d'avoir une bonne poignée de personnages inoubliables.
Je rappelle les ingrédients: des personnages faillibles, dotés de nombreux défauts, qui seraient invivables dans la vraie vie, mais qui, comme par magie, nous semblent tellement sympathiques à l'écran.
Et là, Seinfled frappe fort:
- Georges Constanza (qui est le plus gâté) possède tous les défauts du monde: il est petit, chauve, au chômage, nerveux, mesquin, radin, égoïste, infidèle, hystérique, menteur, et les épithètes manquent.
- Cosmo Kramer est un arnaqueur à la petite semaine, un séducteur de bac à sable, un pique-assiette, un opportuniste, un colérique, un débile, etc.
- Elaine est superficielle, menteuse, instable, mesquine...
- Jerry, censé être le roc autour duquel les autres gravitent, n'est pas sans défauts non plus: il est infidèle, râleur, fainéant, et son ego est un peu trop grand.
Mais bien entendu, les personnages, ce n'est qu'une moitié de la recette. Il faut encore leur faire vivre des histoires dignes d'intérêt.
On a vu que le pitch, l'intrigue générale si on veut, n'avait pas d'importance: ça ne signifie pas que le contenu des épisodes peut se permettre d'être moins que génial. Et pour ça, il faut bien avoir quelque chose à raconter pendant les 22 minutes de chaque épisode.
Ce quelque chose, ce sont les embarras du quotidien. Les petits "rien" qui font les grands "tout". Un compliment mal placé, une coupe de cheveux mal ajustée, un pourboire mal calculé, bref: des choses tellement insignifiantes que l'on pourrait très bien ne jamais en parler.
Mais dans Seinfeld, au contraire, ces petites choses sont passées sous la loupe, gonflées, et mises sur un piédestal. Elles envahissent la vie de nos héros au point de leur pourrir l'existence. Et avec des personnages justement nevrosés et égoïste, le cocktail est explosif.
Le type d'humour dans Seinfeld est basé sur celui de Jerry Seinfeld, comique de stand-up, mais agrémenté d'éléments que seule la télévision peut amener:
1) L'observation du quotidien
Le grand classique des comiques c'est de commencer leurs phrases par: "vous avez déjà remarqué?". Seinfeld est le spécialiste en la matière. "Vous avez déjà remarqué comme tout est petit dans un avion? Petites assiettes, petits couverts, petites toilettes...", "Vous avez déjà remarqué les files d'attente au restaurant? Ca rend les gens agressifs", etc. Et bien, du stand-up à la sitcom, il n'y a qu'une étape de traduction à faire... Et l'on se retrouve avec un épisode dans un avion, un épisode dans un restaurant, etc. Il ne reste plus qu'à "milker" la situation et la faire déraper grâce au manque de savoir-vivre de nos personnages.
2) Les qui-pro-quos
En comédie, lorsqu'un personnage ment pour obtenir quelque chose, il est presque impossible que son plan fonctionne sans rencontrer au moins l'un ou l'autre qui-pro-quo. Le mensonge et la dissimulation sont deux ingrédients essentiels de la comédie. Pour rendre ces mensonges réalistes, il faut donner une bonne motivation aux personnages: attirer de jolies femmes, gagner de l'argent, éviter une raclée, etc. Le personnage de Constanza est parfait pour s'enfoncer dans des mensonges de plus en plus inextricables. Rajoutez des malentendus et l'affaire est dans le sac.
3) La fatalité
Personnages médiocres, Jerry et Georges sont opposés par leur destin: Jerry a beaucoup de chance avec les femmes, il a du succès dans sa carrière, le monde lui sourit presque naïvement. Georges, au contraire, joue de malchance et de poisse. Cette opposition fataliste entre les deux, qui n'en restent pas moins copains comme cochon, est drôle à observer,... surtout quand la poisse de Georges vient contaminer la bonne fortune de Jerry! Du coup, le destin pathétique des deux lascars est lié et nous sommes les spectateur de leur combat s'en relâche pour s'en sortir.
14 août 2011
Louie, saison 2
Il y a quelques mois je vous avais parlé de la série humoristique Louie, diffusée sur la chaîne américaine FX. Je me dois d'en reparler, car la saison 2 qui est diffusée en ce moment (tous les jeudis soirs) est encore meilleure que la première, et, du coup, probablement la meilleure série humoristique du moment!
Pendant la saison 1, Louis CK, auteur et interprète principal, expérimentait en marchant le long de l'étroite frontière entre le rire franc et le bizarre, le triste, le pathétique. Ca donnait un ton nouveau, inédit en sitcom, mais qui pouvait rebuter le spectateur lambda par son côté un peu abstrait et intellectuel.
Cette année, Louie va plus loin: il plonge à pieds joints dans le côté obscur, et n'hésite plus à explorer pendant tout un épisode des questions graves et profondes (comme le suicide, dans l'épisode magistral avec Doug Stanhope). La noirceur de son univers est sans limite.
Ce qui différencie vraiment la saison 2 de la première, c'est qu'on sent très nettement que Louis CK est sincère dans sa démarche. Alors que les digressions philosophique de l'année dernière avaient parfois un goût de film d'avant-garde suédois, les nouveaux épisodes sonnent justes et touchent leur cible au millimètre.
Pourtant, et c'est là évidemment que se trouve le génie, on n'en oublie pas de rire. Pour tout dire, la saison 2 est même un peu plus drôle! Chapeau, l'artiste!
Faites-moi confiance, regardez cette série!
Et si vous êtes un producteur, essayez de faire un truc comme ça en France. Et engagez-moi pour l'écrire!
Pendant la saison 1, Louis CK, auteur et interprète principal, expérimentait en marchant le long de l'étroite frontière entre le rire franc et le bizarre, le triste, le pathétique. Ca donnait un ton nouveau, inédit en sitcom, mais qui pouvait rebuter le spectateur lambda par son côté un peu abstrait et intellectuel.
Cette année, Louie va plus loin: il plonge à pieds joints dans le côté obscur, et n'hésite plus à explorer pendant tout un épisode des questions graves et profondes (comme le suicide, dans l'épisode magistral avec Doug Stanhope). La noirceur de son univers est sans limite.
Ce qui différencie vraiment la saison 2 de la première, c'est qu'on sent très nettement que Louis CK est sincère dans sa démarche. Alors que les digressions philosophique de l'année dernière avaient parfois un goût de film d'avant-garde suédois, les nouveaux épisodes sonnent justes et touchent leur cible au millimètre.
Pourtant, et c'est là évidemment que se trouve le génie, on n'en oublie pas de rire. Pour tout dire, la saison 2 est même un peu plus drôle! Chapeau, l'artiste!
Faites-moi confiance, regardez cette série!
Et si vous êtes un producteur, essayez de faire un truc comme ça en France. Et engagez-moi pour l'écrire!
08 août 2011
Quel est votre propos?
Une des questions qui m'ont été posées lors du concours d'entrée au CEEA, au sujet du synopsis que j'avais écrit, était:
Et moi de répondre par un silence, l'oeil hagard...
Après quelques secondes je leur demande ce qu'ils veulent dire par là? Mon propos? La morale de l'histoire vous voulez dire? Ah non, pas la morale, le propos. On m'assure que chaque histoire possède bien un propos, et je suis prié de donner le mien.
Faute de meilleure définition du terme, je suis obligé de répondre que mon synopsis ne contient pas de morale: je l'ai écris pour l'amusement des spectateurs, et que je n'ai pas de plus hautes ambitions.
Ouh! L'erreur! Le visage horrifié, les membres du jury biffent nerveusement leurs carnets, comme si je venais de franchir le Rubicon.
Bonne leçon: au CEEA, on veut des auteurs qui ont un propos. Mais on ne nous dit pas exactement ce que c'est.
Je vais donc essayer de le faire aujourd'hui.
J'ai fait quelques recherches croisées sur les mots "propos" et "scénario" et force est de constater que les chercheurs et autres académiciens en sont plus friands que les scénaristes eux-mêmes, qui parlent plus volontiers de "thème".
Le "thème" du scénario. Voilà l'objet de ma recherche.
Je veux trouver la définition. Je vais donc poser la question à des scénaristes hollywoodiens, des professionnels oscarisés, connus et reconnus. Je me dis qu'ils ont sûrement une très bonne réponse.
(Si vous me croyez pas, je vous assure qu'avec internet il est très facile de joindre ces gens! Et ils répondent!)
Mais là, à ma grande déception, il semble bien qu'il n'existe aucun consensus autour de ce mot, le "thème". Certains parlent d'un élément qui assure la cohésion de l'oeuvre, comme une sorte de mot-clé qui chapeaute chaque séquence, chaque scène, chaque réplique. Mais aussitôt ils ajoutent qu'ils n'écrivent jamais leurs histoires en pensant au thème. C'est quelque chose qui s'analyse après coup... C'est ce que font les académiciens, pas les artistes.
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que j'avais tort au sujet de la "morale": ça n'a rien à voir. Une morale est une réponse à une question donnée ("il vaut mieux arrêter la drogue"). Le thème, en réalité, c'est la question elle-même ("jusqu'où la drogue peut-elle nous déshumaniser?").
Donc lorsqu'on vous demande "dans votre scénario, quel était votre propos?", répondez par une question (cette technique fonctionne pour draguer les filles et impressionner les intellectuels de pacotille).
Ceci dit, ça nous avance pas beaucoup plus sur l'utilité du thème, en pratique, pour l'auteur. Il y a deux écoles: ceux qui découvrent leur thème en cours de route, et s'en servent consciemment pour faire des choix artistiques qui explorent les mêmes territoires tout au long de l'oeuvre. Cela donne une grande cohésion à l'ensemble: les mêmes obsessions reviennent, les mêmes idées sont illuminées par plusieurs côtés. Puis il y a ceux qui négligent le thème du début à la fin, et, suivant leur instinct, font des choix artistiques qui leur semblent cohérents.
Pour un long débat sur la question (en anglais) : le forum http://messageboard.donedealpro.com/boards/showthread.php?t=63186 laisse les scénaristes amateurs et pros se déchirer pendant des dizaines de pages.
Pour moi le point à retenir de ce forum, c'est que lorsqu'on demande au scénariste de Minority Report quel est son thème (des années après la sorti de film!), il répond "j'en sais rien".
Ceci dit, je serais injuste si je disais qu'on peut se débarrasser du thème aussi facilement. Une bonne question est tout de même posée: "Une histoire sans thème vaut-elle la peine d'être racontée?"
On pourra débattre longtemps sur la question.
Je reste persuadé que demander à un scénariste "quel est votre propos?", c'est de la branlette intellectuelle.
Quel est votre propos, dans ce synopsis?
Et moi de répondre par un silence, l'oeil hagard...
Après quelques secondes je leur demande ce qu'ils veulent dire par là? Mon propos? La morale de l'histoire vous voulez dire? Ah non, pas la morale, le propos. On m'assure que chaque histoire possède bien un propos, et je suis prié de donner le mien.
Faute de meilleure définition du terme, je suis obligé de répondre que mon synopsis ne contient pas de morale: je l'ai écris pour l'amusement des spectateurs, et que je n'ai pas de plus hautes ambitions.
Ouh! L'erreur! Le visage horrifié, les membres du jury biffent nerveusement leurs carnets, comme si je venais de franchir le Rubicon.
Bonne leçon: au CEEA, on veut des auteurs qui ont un propos. Mais on ne nous dit pas exactement ce que c'est.
Je vais donc essayer de le faire aujourd'hui.
J'ai fait quelques recherches croisées sur les mots "propos" et "scénario" et force est de constater que les chercheurs et autres académiciens en sont plus friands que les scénaristes eux-mêmes, qui parlent plus volontiers de "thème".
Le "thème" du scénario. Voilà l'objet de ma recherche.
Je veux trouver la définition. Je vais donc poser la question à des scénaristes hollywoodiens, des professionnels oscarisés, connus et reconnus. Je me dis qu'ils ont sûrement une très bonne réponse.
(Si vous me croyez pas, je vous assure qu'avec internet il est très facile de joindre ces gens! Et ils répondent!)
Mais là, à ma grande déception, il semble bien qu'il n'existe aucun consensus autour de ce mot, le "thème". Certains parlent d'un élément qui assure la cohésion de l'oeuvre, comme une sorte de mot-clé qui chapeaute chaque séquence, chaque scène, chaque réplique. Mais aussitôt ils ajoutent qu'ils n'écrivent jamais leurs histoires en pensant au thème. C'est quelque chose qui s'analyse après coup... C'est ce que font les académiciens, pas les artistes.
En tout cas, ce qui est sûr, c'est que j'avais tort au sujet de la "morale": ça n'a rien à voir. Une morale est une réponse à une question donnée ("il vaut mieux arrêter la drogue"). Le thème, en réalité, c'est la question elle-même ("jusqu'où la drogue peut-elle nous déshumaniser?").
Donc lorsqu'on vous demande "dans votre scénario, quel était votre propos?", répondez par une question (cette technique fonctionne pour draguer les filles et impressionner les intellectuels de pacotille).
Ceci dit, ça nous avance pas beaucoup plus sur l'utilité du thème, en pratique, pour l'auteur. Il y a deux écoles: ceux qui découvrent leur thème en cours de route, et s'en servent consciemment pour faire des choix artistiques qui explorent les mêmes territoires tout au long de l'oeuvre. Cela donne une grande cohésion à l'ensemble: les mêmes obsessions reviennent, les mêmes idées sont illuminées par plusieurs côtés. Puis il y a ceux qui négligent le thème du début à la fin, et, suivant leur instinct, font des choix artistiques qui leur semblent cohérents.
Pour un long débat sur la question (en anglais) : le forum http://messageboard.donedealpro.com/boards/showthread.php?t=63186 laisse les scénaristes amateurs et pros se déchirer pendant des dizaines de pages.
Pour moi le point à retenir de ce forum, c'est que lorsqu'on demande au scénariste de Minority Report quel est son thème (des années après la sorti de film!), il répond "j'en sais rien".
Ceci dit, je serais injuste si je disais qu'on peut se débarrasser du thème aussi facilement. Une bonne question est tout de même posée: "Une histoire sans thème vaut-elle la peine d'être racontée?"
On pourra débattre longtemps sur la question.
Je reste persuadé que demander à un scénariste "quel est votre propos?", c'est de la branlette intellectuelle.
Inscription à :
Articles (Atom)