A force d'analyser toutes les sitcoms de la planète, un jour viendra où j'aurai forcément fait le tour des bonnes et où je devrai me rabattre sur les mauvaises... Si vous n'avez vu que la première saison de Parks and Recreation, vous seriez même tenté de croire que ce jour est arrivé. Et bien non!
Exemple rare de sauvetage réussi après une première saison catastrophique, Parks and Recreation est devenue petit à petit un rendez-vous apprécié par quelques initiés (l'audience est faible mais la critique est conquise). Je vais donc sacrifier à mon habitude, zapper le pilote (qui n'est pas terrible), pour me concentrer cette fois-ci sur les changements qui ont permis à la série d'éviter la noyade.
Parks and Recreation a démarré comme une sorte de spin-off de The Office, récupérant son format mockumentary. Les premières critiques pointaient du doigt le sujet banal et déjà vu, affirmant que ce n'était là qu'une énième copie de l'original. Mais ils se trompaient.
Comme nous l'avons vu tout au long de mes précédentes analyses, le sujet d'une sitcom n'a qu'une importance minime, voire nulle. Par exemple, Seinfeld ne parle de rien. Friends parle de la vie amoureuse de quelques copains trentenaires. How I Met Your Mother parle de la vie amoureuse de quelques copains trentenaires. That 70s show parle de la vie amoureuse de quelques copains adolescents. Etc...
Bref: ce n'est pas dans le sujet qu'il faut chercher l'originalité d'une sitcom.
On le sait, le point le plus important dans la sitcom, ce sont les personnages. Il faut absolument que la sauce prenne. Hélas, tout le long de la première saison de Parks and Rec, le sauce n'a pas pris. Les personnages semblaient un peu distants, vacants à leurs occupations et laissant l'entièreté des gags reposer sur les frêles épaules de Amy Poehler (l'actrice principale). Une sitcom n'est pas un one-man-show, et - bien vite - la pauvre Amy devait en faire des tonnes pour extirper quelques rires forcés aux téléspectateurs.
Lorsqu'on compare le temps de présence de toute l'équipe de Leslie dans les saison suivantes, on se rend compte que les scénaristes ont corrigé leur erreur: les personnages secondaires ont bénéficié de plus d'espace pour évoluer et apporter des sources de gags supplémentaires. Jerry, par exemple, n'avait que quelques lignes de dialogues dans l'ensemble de la saison 1. Il faisait tapisserie. Au fil des saisons, il s'est doté d'une personnalité, d'un vrai rôle au sein de l'équipe, qui lui permet d'être drôle. C'est non seulement un bon point pour les scénaristes, qui peuvent s'appuyer sur un personnage supplémentaire pour leurs gags, mais également pour l'acteur, qui jouit désormais de plus de latitude pour exprimer son potentiel comique.
Même chose pour Ron Swanson, le boss libertaire de Leslie. Saison 1, il apparaît par intermittence, ponctuant ses entrées par quelques remarques certes drôles, mais assez impersonnelles (il est difficile de s'identifier à un libertaire extrémiste). Au fil des épisodes, lorsque l'on explore sa vie privée (ses ex-femmes, par exemple), on comprend mieux sa façon de concevoir le monde, et du coup on est directement dans l'empathie avec lui... On est presque même d'accord avec sa conception de la politique, c'est ça la magie des personnages bien écrits!
Bref, je pourrais passer en revue la liste complète des personnages pour montrer comment ils sont passés de la simple caricature monomaniaque, à des personnages multidimensionnels auxquels on peut s'attacher. C'est une bonne leçon d'écriture: les gags, aussi bons soient-ils, ne peuvent pas se suffire à eux-mêmes. Ils font qu'ils servent une brochette de personnages assez bien définis pour que l'on puisse s'identifier à eux.
La recette pour créer un personnage réussi, c'est d'aller au-délà de sa caricature. Entrer dans sa tête et le mettre face à des situations extrêmes. Sa vraie nature émerge alors, et l'on comprend mieux qui il est vraiment.
C'est par exemple pourquoi j'ai beaucoup de mal à comprendre le succès de Scènes de ménage, sur M6. Pour moi, ça tombe toujours à plat car je ne me reconnais dans aucun des couples, et je n'ai pas l'impression de cerner leur personnalité profonde. Cette série me rappelle un peu les comic-strip pas drôles qu'on trouve dans les journaux. Comparons avec Fais pas ci, fais pas ça, qui bénéficie de personnages plus fouillés, et donc plus drôles. Logiquement. Les gags en eux-mêmes ne sont même pas si importants: c'est avant tout une question de personnages!
Et ça, Parks And Rec l'a bien compris, un peu tard certes, mais le chef a réussi à rattraper sa sauce pour notre plus grand plaisir!
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