La troisième saison de Game of Thrones vient de commencer en grande pompe (il a presque même complètement éclipsé le retour de Doctor Who), avec un premier épisode dont les médias disent qu'il est "le plus piraté du monde". J'ignore comme sont effectués les calculs, mais on les croit sur parole. L'épisode en lui-même était plutôt moyen (pareil pour Doctor Who d'ailleurs), mais c'est pour moi l'occasion d'analyser la série avec un grille de lecture particulière: l'art de la contrariété.
Les personnages de la série courent tous derrière une chimère: pour les uns, c'est l'honneur, pour les autres, c'est le pouvoir. Même Tyrion Lannister, dont on a pu croire qu'il ne s'intéressait qu'aux plaisirs bien concrets de la chair, s'est abandonné aux jeux de pouvoir et, pire, à l'amour romantique.
Dans cette course insensée, tous les personnages font constamment face à de grosses contrariétés: malgré tous leurs plans, ils n'obtiennent jamais ce qu'ils veulent.
Bien entendu, c'est une des règles de base de la dramaturgie de contrer les plans des héros, pour mieux les mettre en situation de conflit et faire ressortir leur humanité. En effet, c'est sous des circonstances exceptionnellement éprouvantes que l'on reconnaît les vrais héros. En général, toutefois, les efforts finissent par être récompensés et le héros triomphe du mal.
Mais dans Game of Thrones, les scénaristes vont plus loin: tous les personnages, sans exception, et y compris les méchants, ne semblent jamais trouver de répit. Prenons quelques exemples.
1) Tyrion, le nain, est rejeté par son père alors qu'il vient de sauver King's Landing de la ruine.
2) Sansa est rejetée par Joffroy.
3) Jon Snow qui rêve de sauver son honneur dans le Nightwatch se fait capturer par une femme.
4) Joffroy Baratheon, le roi, croit faire une bonne affaire en changeant de reine, mais il se rend compte qu'elle prend des initiatives...
5) Lady Stark est emprisonnée par son propre fils.
6) Stannis Baratheon perd la guerre.
7) Cersei se rend compte que son fils tant aimé est un incapable détesté du peuple.
8) Daenerys Targaryen perd son mari et son enfant (mais elle y gagne au moins ses dragons)
9) Les faux-frères Stark/Greyjoy se font la guerre malgré leur attachement d'enfance.
10) Arya Stak a tout perdu: sa famille, sa ville, son prof d'escrime...
On pourrait continuer longtemps. A l'exception peut-être de Lord Baelish (et de Daenerys, donc) qui tire sont épingle du jeu, tout le monde n'arrête pas de morfler.
C'est très égalitaire comme traitement: méchants comme gentils sont victimes des coups du sort, ce qui permet un attachement étonnant à des personnages a priori imbuvables. On peut furtivement se mettre à la place de Joffroy et comprendre ce qui se passe dans sa tête, ce qui rend sa folie encore plus terrifiante.
Surtout, c'est un procédé hyper efficace pour gérer cette ribambelle interminable de personnages: comment faire pour que le public ne se mêle pas les pinceaux dans tout ce monde? Simple: souffrez AVEC les personnages. Au lieu d'assister de loin à des jeux abstrait de pouvoir, on vit de l'intérieur les souffrances du vil roi et du preux chevalier. On devient les deux. Et du coup, on n'oublie rien.
Il est intéressant de constater que les personnages les plus plats sont finalement ceux qui vivent le moins de conflit: le bras droit de Daenerys (j'en oublie son nom) est un beau gosse très courageux, mais finalement pas d'un grand intérêt. Pareil pour le petit prince Stark paralysé: depuis qu'il s'est échappé de Winterfell, on se fiche pas mal de savoir ce qui lui arrive, il a perdu tout intérêt.
Bref, Game of Thrones, malgré une petite baisse de régime sur ce début de troisième saison (beaucoup d'exposition) reste d'un excellent niveau, et je vous la conseille chaudement.
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