20 décembre 2014

Les nouvelles du front

Camarades,

Je vous ai laissé sans nouvelles depuis plus d'un an maintenant. Apparemment, je n'ai manqué à personne, donc je reviens exclusivement par sursaut d'orgueil.

En réalité, le monde du scénario me semble désormais bien lointain hélas. Je suis retombé sur ce blog suite à l'actualité entourant le film "The Interview" et la guerre froide puérile entre la Corée du Nord et les Etats-Unis. En effet, j'avais, à l'occasion du "Pitch Project" de 2011, écrit un pitch qui - dans mes souvenirs - semblait assez proche de celui de "The Interview"... Juste assez pour que j'aille vérifier. Bon, en fait, dans le pitch, j'évoquais juste la Corée du Nord et rien d'autre... Fichue mémoire!

Mais revenir ici m'a donné une bouffée de nostalgie et je me dois désormais de faire le point sur ma carrière et mes ambitions.

Disons-le tout net: aucune de mes ambitions artistiques n'aura été comblée, et je n'ai pas été capable de mener à bien mes rêves. Je fête bientôt mes 30 ans, et je gagne relativement bien ma vie en tant que... programmeur informatique (long story). Yep: l'exact opposé de tout ce dont je rêvais.

Ne me comprenez pas de travers, j'aime mon métier et l'activité de programmation me procure pas mal de plaisir (comparable à celui qu'on ressent en écrivant, une sorte de plénitude "zen" quand on est "in the zone"). Bien entendu, je n'écrivais pas uniquement pour atteindre cet espèce de nirvana méditatif, mais c'était la manifestation la plus concrète du plaisir que l'écriture provoquait.

Le plaisir de raconter une histoire, de provoquer des émotions, a été entièrement éradiqué de ma vie. Dans un accès de colère orgueilleux, j'ai décidé que je n'étais pas digne d'écrire des histoires. J'ai arrêté mes scénarios, mes romans, et même le journalisme.

Je m'en suis donc tenu à écrire des listes d'instructions à destination d'une machine. Avec la douce certitude que la machine, toujours fidèle à elle-même, ne me trahirait jamais. En ce sens, la programmation est une activité extrêmement reposante.

A un niveau superficiel, je suis sûrement plus heureux aujourd'hui que quand je me prenais pour un écrivain. Je gagne bien ma vie, mon emploi est stable, mes parents sont contents, et les choses que je produis (en général, des sites internet) sont utiles à mes clients.

Mais creusez un peu - ou lisez cet article - et vous comprendrez bien vite que le manque est là. Qu'il ne partira jamais, et qu'il me ronge. Et que programmer des ordinateurs n'est qu'un pâle substitut, qui remplace le prestige par l'argent, mais qui suffoque toute bravoure, toute fierté. Je ne suis plus le héros de ma vie, je suis devenu le figurant dans la vie de mon employeur.

Le ton de cet article est d'une aigreur à faire doubler les ventes de Rennie. Pardon pour cela. Mais c'est un peu la conclusion triste de ce blog qui fut, je l'espère, souvent plein d'espoir. Et c'est aigre car il n'y a plus vraiment d'espoir. Bien sûr, on pourra toujours me dire qu'il n'est jamais trop tard pour écrire. Que je peux encore inventer des histoires! Que je peux encore faire des séries TV!

Bien sûr...

Mais si je n'avais plus vraiment envie? Si je n'avais plus la force... Si, dans mon rêve, il était sous-entendu: "je deviendrai écrivain car je suis bon pour cela"? Et que la vie réelle m'avait systématiquement prouvé qu'en réalité, je n'étais pas si bon que je l'espérais? Si mon rêve ne résistait pas à la nécessité de faire ses preuves envers et contre tout? Non, dans mon rêve, ça se passait facilement, car mon talent était évident...

Dans la vraie vie, c'est mon talent pour l'informatique qui semble trouver grâce aux yeux de ceux qui peuvent me donner des projets intéressants. Un talent pour lequel je n'ai jamais étudié, ni pour lequel je n'ai jamais écrit le moindre blog. Un talent qui ne m'a jamais fait rêvé outre mesure. Mais un talent qui rend tout si facile.

Est-ce que c'est ça, devenir adulte? Se rendre compte qu'on suivait le mauvais rêve depuis le départ? Ou accepter que le rêve doit rester un rêve? Ou comprendre que l'on ne peut jamais vraiment se connaître soi-même? Que l'on se croit fort dans des domaines où l'on est à peine médiocre? Et d'autre domaines où l'on se croit faible, mais où l'on surnage tout de même?

Devenir adulte, ça craint un peu... Car malgré tout ça, on ne m'enlèvera jamais totalement de l'idée que j'aurais fait un bon *jeune* scénariste.

Maintenant, au mieux, je serai un bon *vieux* scénariste.

13 commentaires:

rabesandratan a dit…

Nous sommes avec toi et merci pour tout.

Barbu a dit…

Ah ! quel dommage...
J'avais lu à l'époque l'intégralité de ton blog, tant il était passionnant !
Bonne continuation (dans le même métier que moi, du coup. :P)

Anonyme a dit…

Je découvre ton blog qu'aujourd'hui ! "Courageux" soit courageux !
Ne Lâche pas l'affaire, mec ! Le talent, c'est du travail...encore du travailles, et passionnément tu travailles ...Et tu l'As ! Alors arrêtes les analyses blo(a)gueuses et reconcentre-toi sur tes créations et ton imagination ... D'ailleurs ou peut-on voir tes créations, tes maux imaginaires ?!? ... Tes mots visuels ??? ....

On ne termine pas une oeuvre, on l'abandonne ! Alors n'abandonne pas, mec ! ... Et essai de lier les deux ...par le lien amoureux ... "Courageux", programme tes mots dans ton nouveau travail ! Je ne ne sais pas, lie les mots dans tes programmations, etc ... la nuit le week-end ! etc ...trop long ; Bref bon courage à toi et à ton entourage...

À votre sagesse, à votre jeunesse !

OuiOuisansNom.

Ghat a dit…

Bonjour.
Je découvre ce blog aujourd'hui et j'ai été très touché par ce témoignage. Qu'à cela ne tienne, je sais bien le risque que j'encours, de me retrouver dans une situation similaire d'ici une dizaine d'années, mais je ne lâcherai pas et je vais redoubler d'efforts !
Bonne continuation et bon courage à toi !

Unknown a dit…

Rien est perdu tout au contraire. Pendant 10 ans j'ai été graphiste dans des bureaux. Ma carrière à réellement commencé à mes 30 ans. J'ai édité ma première BD à 34 ans et aujourd'hui je suis chez Delcourt. Le truc c'est de toujours fabriquer. tu n'es pas vieux, tu t'es juste perdu un moment. Et comme dirait Larcenet : Il te reste à baiser le monde.

Unknown a dit…

c'était un grand plaisir de lire tes témoignages qui sont loin d'être ennuyeux, continue de rêver, qui sais? peut être un jour le rêve sera réalité!

Unknown a dit…

c'était un grand plaisir de lire tes témoignages qui sont loin d'être ennuyeux, continue de rêver, qui sais? peut être un jour le rêve sera réalité!

airfix a dit…

bonjour,
je viens de découvrir votre blog. Il est passionnant et très intelligent. je suis peiné que vous n'ayez jamais pu percer dans le métier de scénariste.
je suis moi même auteur et réalisateur avec une carrière faite de haut et de bas... la vie de scénariste est difficile mais elle mérite que l'on s'y cramponne.
bien à vous
Laurent Firode

Anonyme a dit…

J'ai l'impression de lire des mots que je pourrais écrire. Seulement, contrairement à vous, je n'arrive pas à passer à autre chose. Que faire quand les rêves prennent le pas sur la réalité?

Si vous avez la réponse...

Que votre chemin vous apporte tout de même quelques satisfactions. ;)

ed199 a dit…

J'arrive un peu tard mais je suggère à tous ceux qui veulent un jour avoir du succès dans ce monde de se sortir les doigts du cul et de FAIRE. Rien n'est erreur, tout est apprentissage. Et rappelez-vous que bien d'autres avant vous étaient dans le doute avant d'être un jour, sans prévenir, éclairer d'une lueur et de mettre au monde ce qu'on appellerait leur "chef-d'oeuvre"...

Anonyme a dit…

Bonjour Nicolas, c'est très dommage de passer à coté de ses envies par sécurité. Tu manques de courage et de ténacité, j'ai envie de te faire courir nu dans les bois en plein hiver pour que tu réalises ta bêtise. C'est là que tu dois creuser. Avoir du talent n'est pas suffisant, il faut la persévérance; la folie et un peu de chance aussi. Un homme que tu connais très bien.

Unknown a dit…

Le talent ou l'envie créative trouve toujours son chemin. Un peu comme la vie, l'inspiration artistique s'implante en nous. Comme une graine qui portée par le vent finit sa course dans une fissure d'un mur. Puis germe. Cela peut prendre très peu ou énormément de temps.
Je découvre votre blog aujourd'hui (suite à une recherche sur set-up/payoff, qui est le seul site après 20 minutes de recherche qui a répondu à ma question).
Je suis cinéphile et littéraire, bibliothécaire de formation et programmateur sur le tas. Je me sens fort proche de vous.
J'ai également des volontés d'écrivain. J'ai eu de petites reconnaissances à des concours amateurs de poésie. Je slame, et je pense ne pas être trop mauvais. Mais c'est difficile à dire car le milieu est soit hypocrite, soit trop fraternel.
Pour en revenir à cette graine qui attend pour germer, ce week-end, le jour de mes 42 ans (et 42 ça a un sens pour moi), j'ai joué un second rôle dans un film d'étudiant. Un rêve qu'un professeur de Rhétorique (en Belgique, c'est la dernière année du secondaire) avait brisé en annulant la représentation d'une pièce de théâtre car on n'était pas assez bon. Et le hasard fait que 25 ans plus tard, sans que je le recherche, j'ai pu jouer, suite à la rencontre d'un désormais pote.
Je ne veux pas me raconter (un peu quand même) mais partager avec vous cette épiphanie.
Je trouve que tu as - pardon, vous avez - un réel talent d'écriture, une envie de partager, vous vous faites parfaitement comprendre.
Croyez-en vous, rêvez ! Et l' "art" viendra vers vous et vous fournira énergie et motivation.
En toute amitié
Charles

Anonyme a dit…

Allez, arrête de pleurer et écris, t'adores-ça.

Enregistrer un commentaire