Si au cinéma il est extrêmement important, le scénario ne trouve qu'une place tout à fait secondaire dans la littérature. Il s'efface devant le style. Car il y a moultes façons différentes de décrire les même faits, à tel point qu'ils en deviennent des histoires différentes.
Dans le cinéma, l'interface entre l'histoire et le public sont les images, dans la littérature ce sont les mots: il faut donc les soigner particulièrement.
Les mots ont une texture, un passé, une histoire, une odeur: il faut s'en servir. Il ne faut pas utiliser l'odeur du souffre dans une histoire d'amour, à moins que les rapports entre les protagonistes ne soient sulfureux.
Imaginons le simple scénario suivant: un petit avion de tourisme s'écrase mais le pilote parvient à sauter dans la mer avant le crash.
Dans cet état, le récit n'est pas passionant. Même un article de journal dans la rubrique des faits-divers est plus attryant. Dans un texte littéraire, il faut donner au lecteur des sentsations fortes qui l'inciteront à poursuivre sa lecture.
Voyons donc comment certains auteurs connus auraient traité ce passage:
Tom Clancy (techno-thriller):
Les 3522 heures de simulateur ne suffisaient pas à John McMannaghan pour parer à une telle situation: le moteur principal de son Cessna BX-488ZX, le modèle sorti des usines en 82, avait cessé de fonctionné. Une fuite dans un joint de la tuyère de contrôle avec fait fondre le réservoir. L'engin était devenu incontrôlable. Le cadran indiquait 3000 pieds, et son niveau descendait dangereusement. John n'avait plus qu'une solution: s'éjecter. Son sac à dos en nylon renforcé de fibres de carbone ultra-légères contenait, en plus d'un parachute,un petit canot de d'appoint. Il faut dire qu'en survolant la longitude 28°33' dans cette région, le plastique qui formait la coque du canot ne pouvait pas faire long feu: c'était peine perdue, John devrait compter sur la chance pour s'en sortir. Lorsque sa cuisse frappe les flots à la vitesse de 98 kilomètres à l'heure, il sentit comme une brûlure immédiatement suivie d'un froid glacial. Sa montre waterproof ne supporta pas le choc: c'est la batterie au Nickel-Cadnium qui lâcha en premier.
Aghata Christie (roman policier):
Sir John Managhan survolait paisiblement la baie de San Marco dans les Caraïbes à bord de son petit avion privé. Il pilotait bien. Son père, ingénieur, l'avait inscrit très jeune à des cours de pilotage dans la meilleure école du pays. Malgré tout, John n'avait pas appris à déceler un panne sèche de moteur. L'avion piqua du nez. John paniquait: très rapidement, il passa en revue dans sa tête la liste des personnes qui auraient pu saboter l'engin. Après tout, sa situation paisible était plus qu'enviable: son manoir bicentenaire avait déjà fait l'objet d'articles dans les grands journaux, sa femme, actrice convoitée, attirait les hommes et attisait la jalousie. Mais les pensées de John s'arrêtèrent net lorsqu'il frappa le mur d'eau de l'océan.
Stephen King (horreur):
John Managhan avait vaincu sa peur du vide à l'âge de 14 ans, lors d'un camp d'été dans la forêt de Springfield, Massachussets. Sujet aux railleries des morveux du village, il avait été obligé de grimper dans un Séquoya pour échapper à leurs coups. Sous l'effet de l'adrénaline, il avait oublié la peur, et avait fait de l'altitude un havre de paix. Il avait pris des cours de pilotage, et aujourd'hui, 20 ans après, il passait ses vacances à 3000 pieds au dessus de la Baie de San Marco, à bord de son Cessna, d'où la vue était imprenable. John contemplait l'horizon, lorsque le cadran du niveau de carburant commenca à faiblir considérablement. Un bruit sourd résonnait à l'arrière: le moteur était tombé en panne. L'avion commenca à piquer du nez. En un instant, la phobie de John refit surface. La sueur perlait de son front. Il s'imaginait d'atroces souffrance: dans moins de 40 secondes, son corps se disloquerait comme une poupée sur le mur terrible de l'océan. Il n'y avait pas de pitié à demander, personne à qui supplier: le sort de John était entre ses mains. Mais ses yeux ne voyaient que ses membres se détacher de son tronc, nettement, sans bavure, arrachés aussi secs que la tige d'un raisin. Crac. Il savait qu'il ne sentirait rien, mais la vue du sang le tuerait avant même que ses fonctions vitales ne s'arrêtent. Au dernier moment, une main divine le poussa à appuyer sur le bouton d'éjection et il échappa aux ténèbres.
Etc.
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