Le couvercle du cercueil s'ouvre et DRACULA se relève lentement, le teint pâle et les yeux injectés de sang. C'est un homme de grande taille, très imposant mais au visage froid et inexpressif. Il porte une cape rouge et noire. Sa démarche est lente et solennelle.Mais l'aspect physique et vestimentaire ne suffit pas à créer un personnage, loin de là. Un personnage est l'agrégation de plusieurs composantes: outre son aspect, ce sont sa façon de s'exprimer, son passé, sa façon d'être, ses choix et ses actions qui définissent tous autant l'impression globale qui va ressortir du personnage.
C'est ce nombre important de facteurs qui rend la création d'un personnage difficile. En effet, elles sont toutes dépendantes l'une de l'autre. En modifier une, revient à modifier toutes les autres. Et donc, à modifier le récit en lui-même, car les actions menée par le personnage ne seront plus les mêmes.
Lors de l'élaboration d'un scénario, il peut être tentant de s'occuper uniquement de l'intrigue, et pour le personnage "on verra plus tard". C'est une erreur: en effet, intrigues et personnages sont intimement liés. Une intrigue avance grâce à ses personnages. Et les personnages vont être plus ou moins malmené par cette intrigue, et vont donc évoluer.
Pour créer un personnage de cinéma convaincant, il faut voguer entre deux limites. La limite inférieure est celle du personnage cliché, déjà vu mille fois, qui n'a aucune personnalité propre. C'est le "juge noir", la "blonde idiote", etc. Pour créer ce type de personnage, l'auteur ne fait aucun travail de création, mais il adapte simplement un canevas habituel à son histoire. Ce n'est pas très constructif. La limite supérieure est celle de l'intelligibilité. En effet, il faut que les agissements du personnages soient compréhensibles par le public. Si la personnalité du personnage est trop complexe pour être communiqué au public (cela concerne la plupart des êtres humains réels), le scénario deviendrait obscur.
Un personnage de cinéma n'est pas un être humain réel. C'est une représentation, plus ou moins stylisée, d'une réalité vue par l'auteur. La complexité d'un personnage de cinéma doit se montrer au travers d'actions concrètes. Il n'est pas possible d'aller dans sa tête et d'exposer longuement son passé comme un romancier pourrait se le permettre.
Et abandonnez tout de suite l'idée de montrer la personnalité d'un personnage uniquement par le dialogue: ça ne marche pas. Ce que dit un personnage ne le définit pas. C'est ce qu'il fait qui importe vraiment.
Il faut donc ruser.
Plusieurs tactiques sont offertes au scénariste pour montrer la personnalité d'un personnage.
La première consiste à placer deux scènes presque identiques au début et à la fin du récit, scènes qui permettent de révéler un changement de personnalité au cours de l'histoire. C'est ce que Philippe Perret appelle le Révélateur de Changement. Ce procédé consiste à montrer dans la première scène une caractéristique du personnage (par exemple: sa méchanceté) et ensuite à replacer le personnage dans les mêmes conditions... et à la faire réagir différemment, ce qui prouve qu'il a changé (par exemple: sa méchanceté est devenue de la gentillesse).
Un autre technique consiste à utiliser le dialogue pour... ensuite montrer l'inverse! "Bien sûr que je suis généreux", dit-il a sa petite copine au restaurant... et juste ensuite, il hésite à donner un pourboire au serveur. Ce genre de contradiction est une façon puissante de montrer un trait de caractère du personnage et de l'ancrer dans la tête du spectateur... pour éventuellement s'en resservir plus tard, dans d'autres circonstances plus grave (le pourboire sauvé lui permettra d'acheter des fleurs et de sauver son couple, par exemple).
La création d'un personnage est un art délicat, mais très amusant. Mélange d'observation de ses contemporains et de création pure, le personnage est un équilibre entre plusieurs extrêmes pour former un tout cohérent.
1 commentaire:
bien expliquer
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