On donne souvent aux jeunes auteurs le conseil de ne pas écrire pour quelqu'un en particulier. "Écris ce qui te fait plaisir et tu trouveras ton public automatiquement". Si la recherche désespérée du plus large public est une vaine entreprise, ce genre d'aveuglement l'est tout autant. En réalité, il est presque impossible d'écrire sans s'imaginer, ne serait-ce que furtivement, même vaguement, l'esquisse d'un public-cible.
Il faut partir du principe que les publics sont multiples, comme l'expliquerait Bourdieu. "Le" public n'existe pas. Ce sont "les" publics. Par exemple, pour ce blog, j'imagine assez facilement que le gros de mon lectorat est fait de scénaristes amateurs (et un peu moins amateurs depuis que j'interviewe le gotha du PAF). Le reste étant ceux qui sont tombés sur ce site par hasard en tapant "Yann Barthes" dans Google (private joke).
Si l'on accepte l'idée qu'un certain public est plus à même d'apprécier ce que l'on écrit, pourquoi ne pas aller plus loin? Pourquoi ne pas essayer, comme en marketing, d'optimiser l'écriture pour ce public-cible? "Parce que c'est l'inverse de ce que l'art doit être, patate!" crient les uns. "Parce qu'alors tout le monde écrirait tout le temps la même chose, andouille!" lancent les autres.
Et ils ont raison. La conclusion dialectique de ce nœud inextricable, c'est que si vous voulez faire de l'art, faites ce que vous voulez. Si vous voulez vendre, ou faire de la télé (ce qui revient un peu au même), soyez conscient de votre public.
(Cette conclusion n'a de dialectique que le nom et Hegel se retourne dans sa tombe).
Ah! Tiens, je suis en mode name-dropping intello aujourd'hui. Ca c'est typiquement le genre de trucs qui peut dégoûter un certain public, et faire jouïr un autre. Et, grâce à un compteur de visites sophistiqué, je peux même le mesurer. Je peux donner le pourcentage de gens qui se seront déconnectés en lisant "Hegel" (bon j'exagère un peu, mais presque).
Je parle des publics, parce que j'ai regardé ce matin les audiences de la chaîne sur laquelle je travaille. Minute après minute, on sait combien de personnes nous regardent. Je sais par exemple que (si je déconne pas trop), ce jeudi, près de 50.000 personnes entendront mes textes à la télévision. Sans savoir que c'est de moi, bien entendu. Mais même, ça reste motivant. Ca met la pression.
Pour satisfaire ces gens, j'essaie de savoir qui ils sont. A l'heure de l'émission, probablement des ados fraîchement rentrés de l'école, en train de faire leurs devoirs. Surtout des filles, des petites fan-girls hystériques, le genre lourd mais adorable. Celles qui se passionnent pour Tokyo Hotel et risquent de téléphoner à la chaîne pour se plaindre si jamais on dit une bétise.
Le meilleur public en fait.
Comme j'ai les outils pour connaître mon public, si je commence à parler de Hegel et Bourdieu, je vais droit dans le mur. donc, je m'adapte. Au contraire, si je parle à des hommes sensés, je ne leur parle pas de Tokyo Hotel.
Ecrire pour un public en particulier, non seulement ça facilite un peu le travail (en réduisant le champ de liberté), mais ça permet d'entrer en contact avec son public par le biais de codes. Les films de genre ont leurs codes, et il est suicidaire de vouloir en changer (à moins de faire de l'Art), sans quoi le public décroche.
Ne reste plus qu'à trouver lesdits codes. Et pour ça, se mettre dans le bain, c'est efficace. Il suffit de s'imprégner assez longtmpes d'une certaine culture, de se confondre avec son public. Pour le comprendre entièrement et ne faire plus qu'un. Conclusion, si vous voulez écrire pour un public, soyez un membre de ce public. Vouloir écrire pour ce que l'on n'est pas est en soi une erreur, et source de frustration.
Parce qu'en fin de compte, votre premier lecteur c'est vous.
...
Est-ce que cet article veut dire quelque chose? J'ai l'impression que ça n'a ni queue ni tête. Je suis complètement à la masse. Ca y est tient, une toute petite semaine de travail et je suis K.O. Bon, je vais regarder les Bronzé 3. Oui, je sais... Je l'avais déjà vu au cinéma.
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