28 février 2010

Les invincibles et la fiction française

A grand renfort de publicité, Arte lance une nouvelle série humoristique, "Les Invincibles". C'est une adaptation d'une série canadienne, et le pitch raconte ceci: "quatre amis approchant de la trentaine décident de conclure un pacte leur obligeant d'effectuer une rupture simultanée avec leur copine à 21 heures le lendemain."

A priori, les séries françaises, c'est pas vraiment mon truc, surtout quand ça se veut humoristique. A part devant "H" (avec Jamel Debbouze), il y a plus de 10 ans, je n'ai pas rigolé souvent en regardant les chaines françaises.

Mais celle-ci m'intriguait, à cause du casting notamment: Cedric Ben Abdallah est un humoriste vraiment drôle, j'avais envie de le revoir. Et je reconnaissais aussi Jonathan Cohen, rescapé de l'éphémère web-série "Putain De Serie". Deuxième bonne raison: c'est l'adaptation d'une série canadienne, qui sont généralement très drôles, donc le salut est possible...

Le paris est-il réussi?

Et bien, ayant vu le premier épisode (il sera diffusé dans le courant du mois de Mars sur Arte), je suis agréablement surpris. Certes, la série traîne derrière elle une ribambelle de tares franco-françaises dont on se demande quand les créateurs voudront bien se débarrasser, mais - et c'est là le principal - j'ai ri de bon coeur à plusieurs reprises.

Les bons points
Du bon côté de la balance, on peut sans conteste mettre le casting: les acteurs sont excellents et se complètent parfaitement. Quelques stars dans les seconds rôles et quelques inconnus dans les rôles principaux, voilà une recette qui a fait ses preuves dans de nombreuses séries outre-atlantique, et ici aussi, ça marche!

La bande-son est pas mal du tout pour une série française: quelques titres anglo-saxons un peu "vintage" qui collent bien à l'ensemble, malgré un tendance légèrement "publicité pour téléphone portable" dans le choix des chansons. En tout cas, il est clair qu'une bonne partie du budget s'est évaporée en musique, et c'est un choix qui imprime vraiment sa marque (de qualité) sur ce premier épisode. Un petit bémol, néanmoins: la chanson du générique, concoctée par les gars de "La Chanson Du Dimanche" est, à mon avis, complètement ratée.

L'humour. Il est subtil, et trop rare (sur 52 minutes, on ne rit qu'une dizaine de fois), mais il faut reconnaître qu'il fait mouche. Pour une fois que des scénaristes français parviennent à me faire rire, je suis content! Il semblait que la mission n'était si impossible que cela. Evidemment, on est loin des 13 rires/minutes d'une sitcom américaine. Mais "Les Invincibles" n'est pas une sitcom, que cela soit clair. C'est une série plus en finesse, malgré quelques grosses fautes de goût que je décrirai plus loin.

La réalisation n'est ni trop cheap, ni tape à l'oeil, et possède une patte "cinéma français" pas du tout honteuse. Bref, un bon moyen d'adapter un format nord américain sans vendre son âme. A mon avis, un exemple à suivre. Il y a quelques bonnes idées et un bon montage alterné lors de certaines séquences (le décompte avant 21h, par exemple) qui est vraiment prenant.

Les mauvais points
Le format. Ces 52 minutes devaient incontestablement être resserrée en 26 minutes. Le rythme est clairement trop lent, et l'histoire de scinde d'ailleurs naturellement en deux parties (l'avant et l'après "largage de copine") qu'il aurait été plus intelligent de séparer en deux épisodes distincts. C'est une occasion manquée de faire enfin de la fiction française avec un rythme soutenu. Ici, quelques baisses de régime tirent vraiment le plaisir du spectateur vers le bas,; spectateur qui, comme les héros, n'arrête pas de regarder sa montre.

Le côté obscur et dépressif à la française. C'est un mal endémique, mais il me semble que tous les acteurs français ont une tendance naturelle à soupirer, marmonner et à avoir l'air dépressifs. Même quand la situation n'est pas spécialement triste. Et ça, dans une série que l'on présente comme comique, c'est un comble. Bref, il est tant de mettre un peu de joie dans la télévision française. Délivrer ses répliques avec un peu d'entrain, et arrêter de faire des dialogues pour des personnages qui n'arrêtent pas de geindre et râler. Prenons exemple sur un Bourvil, sur un Pierre Richard, qui savaient rester optimistes dans l'adversité, et qui étaient drôles en toutes circonstances!

Le marketing est d'ailleurs ambigu à ce sujet. Il y a des signaux mitigés, et le spectateur se demande tout le temps à quoi s'en tenir. Premièrement, Arte nous présente cette série comme étant une comédie. De fait, le générique semble le confirmer avec une chanson gaie et une typographie fantaisiste. Et puis, un casting rempli d'humoristes semble enfoncer définitivement le clou. On commence à regarder avec l'espoir de se marrer comme une baleine, et là c'est un peu la débandade. La tonalité est clairement plus sombre que prévu: au lieu de rire de tout, la plupart des sujets sont en fait traités gravement (un enterrement sous la pluie, des ruptures douloureuses, une guelle de bois où l'on n'a pas du tout envie de rire) et aucun événement n'est jamais "milké" pour nous faire rire. La principale source d'humour provient donc de répliques cinglantes qui sont certes drôles mais hélas très ponctuelles.

Comme d'habitude en France, certains dialogues sont totalement à côté de la plaque. Le cul entre le drame et le rire n'est vraiment pas le terrain le plus facile pour viser juste, et ça sonne très faux quand, par exemple, une actrice annonce la crise cardiaque de sa grand-mère (Je cite: "C'est mamie, elle a fait une crise cardiaque. Son cerveau a manqué d'oxygène"... au passé composé!? Qui parle comme ça?). Il faudrait choisir son camp: soit on est là pour rire, soit on est là pour pleurer. Mais ce va et vient constant ne produit que des bourdes dans le genre. Attention, je ne dis pas qu'il faut écarte complètement les moments d'émotions, mais les réserver à des moments où leur impact est maximal. Lorsque l'on fait le yoyo entre les deux sans discernement, on obtient de la soupe tiède.

Pour terminer, une remarque sur les quelques séquences en dessins animés. C'est simple: elles sont ratées. Elles sont moches, et pas drôles. Aussi, leur lien avec l'intrigue est vraiment ténu. On voit bien que l'un des personnage est dessinateur, mais ce passe-temps n'est jamais vraiment utilisé dans l'intrigue et ne lui ressemble d'ailleurs pas tellement du point de vue psychologique. Ca tombe un peu à plat. En tout cas, ces séquences n'apportent rien du tout et ralentissent le rythme. A supprimer sans états-d'âme.

Conclusion
Une demi-réussite, mais une réussite tout de même. On aimerait voir le rythme se resserrer et l'humour être mis un peu plus en avant, à la place qu'il mérite, puisque les auteurs ont pris le temps d'écrire des répliques vraiment drôles sans tomber dans les clichés. Ca serait dommage de passer à côté.

Reste les habituels tracas à la françaises. Une envie d'intellectualiser le rire qui me semble vaine... et qui plombe l'ensemble. Etait-ce bien nécéssaire?

Allez, je laisse une chance à l'épisode numéro 2. On croise les doigts.

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