05 juin 2010

Exposé sur l'exposition

L'exposition dans un scénario, c'est cette partie délicate ou rien n'existe et où tout est à inventer. Elle est difficile à maîtriser, car le scénariste est tenu de faire passer un maximum d'informations alors qu'aucune action ne le justifie. C'est logique: au début d'un scénario, on ne sait rien sur le monde qui nous entoure, sur le passé des personnages, sur leurs relations. Bref: on doit tout apprendre, et sans s'ennuyer, s'il vous plaît!

Le premier (mauvais) réflexe de l'apprenti scénariste sera probablement d'avoir recours à la voix-off. A mon avis, c'est un choix désastreux. Prenons Avatar (que je n'ai pas aimé). On ne peut pas taxer James Cameron d'être un piètre scénariste, et pourtant je trouve que son choix de présenter le personnage principal par le biais de la voix-off déforce beaucoup le film. Le personnage n'est pas introduit par un acte qui le différencie des autres, par une qualité quelconque qui fait de lui le héros. Il est simplement là par hasard (son frère est mort). Et cette mort n'est pas poignante: elle est expédiée par voix-off. Cette façon de procéder ne donne pas au spectateur l'occasion de s'identifier au héros: il est relativement anonyme et passe-partout. C'est... un simple avatar.

Une technique plus efficace pourrait être de commencer le film en plein milieu d'une action extraordinaire, de place le héros en situation, et d'apprendre à le connaître sur le tas. Speed fournit un bon exemple: Keanu Reeves est en mission spéciale pour arrêter un tueur fou, et nous ne savons rien des circonstances, mais nous apprenons néanmoins plein de choses: sa façon de travailler, son héroïsme, ses relations avec les collègues... C'est amplement suffisant, et ça permet de faire démarrer le film sur les chapeaux de roues. Autrement plus bandant que la pauvre voix-off.

En réalité, l'erreur consiste à croire que le spectateur à besoin d'en savoir beaucoup sur les personnages avant d'apprécier leurs aventures. C'est faux: on peut totalement être pris d'empathie pour un total inconnu. La seule clé qui ouvre les portes de l'identification, c'est ce (bref) moment où l'on partage une expérience humaine commune: une gêne, une honte, un rire, une souffrance, une victoire, etc. Dés lors que héros et spectateur auront vécu ce moment ensemble, peu importe leur biographie, leurs diplômes, leur situation matrimoniale, le contexte socio-politique de leur pays, etc.

Prenons l'exemple de Slumdog Millionaire. Ce pauvre enfant des bidonvilles gagne Qui Veut Gagner des Millions. Nous présente-t-on la situation déplorable des bidonvilles avec une voix-off? Nous raconte-t-on comment il a participé aux épreuves de pré-sélections pour arriver sur le plateau de télévision? Non: on s'en fout. Danny Boyle ouvre le film par une scène où le pauvre jeune homme se fait torturer, sans nous expliquer pourquoi. La compréhension des événements vient bien assez vite d'elle-même, inutile d'alourdir le tout avec des voix-off explicatives.

On pourrait prendre cet article pour un réquisitoire contre les voix-off, mais pas du tout: seulement lorsqu'elles sont utilisées à des fins d'exposition! Une voix-off peut très bien décrire certaines sensations invisibles, ou fournir un contrepoint humoristique à certaines images (par exemple la voix-off dans American Beauty - qui par ailleurs ruine une bonne dose de suspense).

Le problème de l'exposition dans un scénario est donc un faux problème, dans le sens où, bien souvent, il suffit de ne pas donner l'information du tout pour régler le problème! Mais les scénaristes ont peur d'être incompris, alors ils noient leurs intrigues dans une surcharge d'informations. Effacez tout ça!

Quand l'information est primordiale pour produire son effet (par exemple, la bombe qui fait tic tac sous la table alors que les protagonistes boivent un cocktail sans se douter de rien), le seule bonne manière de faire passer l'exposition est de l'intégrer dans du drame, dans du conflit. Par exemple, les bandits doivent installer la bombe avant telle heure, mais un importun les retardes, etc. Ca ne doit par être très long, juste une situation qui transforme l'information en drame.

Un scénario ne se compose pas d'informations, mais de situations!

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