Pourquoi allons-nous au cinéma?
Vaste question, et chacun y trouvera son mot à dire, mais en fin de compte, une chose est sûre: on y va pour voir de bons films!
Dans de bons films il y a de bonnes scènes.
Ca ressemble à une lapalissade, mais - si l'on y réfléchit bien - on se rend compte que plein de scénaristes (européens, oserais-je ajouter) zappent les "bonnes scènes".
Ils ont une structure; ils ont d'excellents personnages; une ambiance très bien travaillée; une intrigue retorse à n'en pas douter... Mais il n'y a aucune scène pour faire plus de bruit que l'autre. Le film arrive à son terme, l'intrigue est bouclée, il s'est passé des choses, mais on ressent un manque, on a l'impression de ne pas en avoir eu pour son argent.
Comment se fait-ce?
Il manque "l'instant bande-annonce": cette scène où l'on sait précisément pourquoi on a payé 10€. Notez que cette scène ne se trouve pas forcément dans la bande-annonce (pour préserver le suspense), mais il faut comprendre l'expression: c'est le genre de scène grandiose, spectaculaire, le "mindfuck" qui met tout le monde d'accord. C'est indispensable car le cinéma est avant tout un spectacle, et un spectacle sans clou ne vaut pas un clou.
Voyez plutôt...
Dans Matrix, Néo finit par distordre le temps et l'espace, le fameux "bullet time"; c'est l'instant bande-annonce.
Dans North By Northwest, la course poursuite à lieu... sur le Mont Rushmore: instant bande-annonce!
Dans Apocalypse Now, les hélicoptères débarquent au son de Wagner, un instant bande-annonce de luxe.
Dans Terminator 2, T-1000 saute d'un pont avec un semi-remorque! Instant classique de bande-annonce.
Je pourrais continuer longtemps comme cela, mais vous voyez où je veux en venir: les bons films contiennent tous une ou plusieurs scènes de cet acabit. Ce sont les scènes qui finissent en général sur YouTube et qui suscitent des commentaires émerveillés même 20 ans plus tard.
On pourra me rétorquer que les films plus intelligents (ou plus intellectuels, ça reste à voir) n'ont pas besoin de tels expédients pour s'en sortir. Mais c'est là qu'est l'erreur: l'instant bande-annonce n'est pas un expédient pour les scénaristes en mal de bling-bling, c'est tout simplement un passage obligé que le spectateur attend avec impatience! C'est la raison même de l'achat de son ticket de cinéma!
La preuve la plus flagrante est le dernier Robin Hood, avec Russel Crowe. Quand j'ai acheté mon onéreuse place de cinéma, je m'attendais tout de même à voir une flèche partir d'un arc. J'attendais que Robin se montre digne de sa légende en étant le plus agile archer de tout Nottigham. Mais non, Ridley Scott à voulu la jouer plus fine (à l'européenne, j'ai envie de dire) et finalement tout le monde a été déçu.
Robin Hood, pas un film intelligent, me dira-t-on. Mauvaises langues! Mais j'accepte, et je continue:
Prenons un vieux film qui n'a rien de l'action pop corn... Par exemple "Mr Smith goes to Washington" de Frank Capra. Pas de bagarre sanglante, de course poursuite agitée, de baisers fougueux... Non, mais le moment bande-annonce s'y trouve quand même: l'incroyable monologue de Mr Smith au sénat! Cette scène est la traduction cinématographique du titre du film! Elle résume à elle seule la raison d'être du film.
Il est grand temps que les scénaristes intellectuels s'autorisent à faire du spectacle! Une *bonne scène* n'est pas synonyme de stupidité. C'est plutôt l'absence de *bonnes scènes* qui est stupide, car elle démontre un incompréhension profonde du médium qu'est le cinéma. Faites des thèses de philosophie, nom d'une pipe!
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