Alexandre Hilaire et Yacine Badday m'ont envoyé durant l'été une copie de leur documentaire "Jean Aurenche, écrivain de cinéma", en me proposant gentiment d'écrire un article sur le sujet. J'ai accepté, mais je me suis vite rendu compte que je n'avais pas grand chose à dire.
Tous mes collègues de la blogosphère avaient déjà fait un billet sur le même documentaire il y a presque un an déjà, et je ne suis pas amateur des nouvelles défraîchies. Alors j'y ai été avec les pieds de plomb et j'ai traîné, traîné, et bien profité de mes vacances.
Puis finalement, après le traditionnel break estival, je me dis que Jean Aurenche est peut être l'homme de la situation pour lancer une nouvelle saison de "L'Auteur Inspiré". Car inspiré, il l'était, le bonhomme!
On lui doit quelques perles du cinéma français, comme Hôtel du Nord, La traversée de Paris ou encore Jeux Interdits. Bref, le cinéma à l'ancienne! Le genre de trucs qu'on regarde aujourd'hui pour essayer de paraître plus intelligent qu'on ne l'est (ou parce qu'on est dans une fac de cinéma, ce qui revient à la même chose).
Et, de fait, Jean Aurenche s'est fait bouffé tout cru par la Nouvelle Vague. Truffaut l'a carbonisé dans son célèbre essai "Une certaine tendance du cinéma français" et Aurenche ne s'en n'est jamais totalement remis. Le "cinéma des littérateurs" vivait ses derniers instants.
Il faut dire qu'Aurenche s'était fait une spécialité des adaptations-trahisons de romans. Il n'a jamais réellement respecté l'esprit de ses sources, malgré ce qu'il voulait bien dire à tout bout de champ. C'est même probablement ce manque de respect des oeuvres qui fait de lui un si bon scénariste.
Car il est bien connu (pour ceux qui ont lu Lavandier, notamment) que les adaptations cinématographiques ne peuvent valoir que par leur trahison de l'oeuvre originale: le cinéma et la littérature ne sont pas compatible sans une "interprétation", une "traduction" de l'un vers l'autre.
La vidéo a été retirée après plainte des ayants-droits. Aurenche y parlait de sa conception des adaptations cinématographiques.
Mais alors, que retenir aujourd'hui de l'apport d'Aurenche sur le métier de scénariste?
Peut-être que l'aspect qui ressort le plus du documentaire, est sa prolifique collaboration avec Pierre Bost. Ensemble, ils ont co-écrit la plupart de leurs chefs-d'oeuvre. Aurenche était le cerveau éparpillé, Bost faisait office d'organisateur d'idées. L'un faisait travailler son hémisphère gauche, l'autre le droit. C'est pour cela qu'ils étaient si complémentaires.
Le scénariste solitaire doit quant à lui rassembler les qualités de ces deux hommes en un seul cerveau: trop difficile, bien souvent!
La mécanique Bost/aurenche était bien huilée, mais relevait certainement plus d'une relation d'amitié que d'un pacte professionnel! Ils se connaissaient bien, et, comme dans un vieux couple, avaient appris à composer avec les défauts de l'autre.
Ce genre de couples de scénaristes n'est pas si courant de nos jours, du moins dans l'Hexagone. A Hollywood, on trouve encore quelques exemples de ces duos de choc (Terry Rossio & Ted Elliott, le couple Wibberly, Alex Kurtzman & Roberto Orci, etc.) et ils sont surpuissants, totalisant plusieurs dizaines de blockbusters. C'est peut-être un exemple à suivre.
L'union fait la force, la devise trouve ici tout son sens, et nous savons à quel point les scénaristes français ont besoin de force en ce moment! Peut être que pour rétablir un ordre naturel des choses, c'est à dire un scénariste maître de son oeuvre au même titre que le réalisateur, il faudra passer par une révolution de la façon d'écrire, et s'inspirer du duo Bost/Aurenche.
Ce qui est certain c'est que Bost et Aurenche ont laissé une trace dans l'histoire du cinéma français. Quoique la Nouvelle Vague ait pu trouver à redire (avait-elle raison?), le talent de nos comparses ne s'est jamais démenti.
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