L'année dernière, Frédéric Mitterand a commandé un rapport sur l'état de la fiction française à Pierre Chevalier, directeur des projets d'ARTE. Celui-ci a remis sa copie ce mois, au 48e MIP TV à Cannes. Il fait l'inventaire de ce qui ne va pas dans la fiction française, et plus particulièrement dans la phase de développement de celle-ci. Il est question de scénario, j'ai donc lu ce rapport (une soixantaine de pages tout de même), et, franchement, pour quelqu'un qui veut devenir scénariste, ça fait peur. Résumé des grandes lignes.
Le principal problème soulevé dans ce rapport, c'est le sous-financement criant du scénario en France. Ce n'est pas une nouveauté, on le savait déjà, mais ici on entre dans le détail de ce qui cloche. Environ 3 à 4% des budgets sont consacrés à l'écriture. Chevalier cite régulièrement le chiffre de 10% comme objectif à atteindre (chiffre habituel pour la recherche & développement dans l'industrie). A mon avis, c'est pas demain que ça va arriver.
Mais ce qui peut changer très rapidement, à mon sens, c'est toute la dynamique entre les diffuseurs, les producteurs et les scénaristes. Enfin... j'écris dynamique, mais celle-ci est bien sclérosée. Chevalier montre comment l’ingérence des diffuseurs dans la création, l'absence totale de prise de risque financière de leur part, et les délais trop long entre la commande et le tournage, coupent court à toute tentative de créativité.
En gros, les producteurs veulent que les scénaristes travaillent gratis tant que le diffuseur n'a rien signé. Si le diffuseur accepte un projet, il a encore toute latitude de le refuser plus tard, et ce, SANS CONTREPARTIE financière. Donc le risque est totalement reporté sur le scénariste. Et pour noircir le tableau, le scénariste ne dispose pas d'un statut d'intermittent, et n'a donc pas les moyens financiers de développer un scénario tout seul dans son coin.
Du coup, ça travaille à la va-vite, sans sécurité, aux genoux du diffuseur qui peut imposer tous ses caprices, même les plus idiots (voir cet article très drôle de Denys Corel).
Le système des droits d'auteur ne simplifie pas non plus l'affaire. Je rejoins totalement les conclusions de Chevalier qui préconise un système "à l'américaine" avec un showrunner et un pool de scénaristes (que l'on imagine salariés, même si ce n'est pas dit explicitement).
Je passe sur le chapitre des système de subventions genre CNC, FAI, etc, j'avoue que je m'y perds un peu, et tout ce que j'en retiens, c'est: beaucoup d'argent gaspillé pour de l'art contemporain que personne n'achète. Il faut bien placer quelques apparatchiks dans des institutions...
Encore un mot pour le CEEA, qui est cité sous un jour plutôt favorable, et pour qui Chevalier réclame plus de moyens. Si j'y suis admis, je ne peux qu'acquiescer!
Alors, est-ce que les propositions de ce rapport seront traduites dans les faits avant que je sois à la retraite? J'en doute un peu. J'ai l'impression que beaucoup de parasites profitent encore d'un système en place, qui ne favorise pas la nouveauté et la surprise. Il n'y a aucune incentive au travail bien fait. Quand je lis certains témoignages de professionnels, j'ai des frissons dans le dos.
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