Un article publié sur le blog de la scénariste Stéphanie Rouget a retenu mon attention: d'après un baromètre du CSA, les héros de fiction sont majoritairement des hommes, des blancs, et des riches. Et par majoritairement, j'entends une écrasante domination qui dépasse largement toute représentation réaliste de la diversité culturelle d'un pays comme la France. C'est un problème, d'après la blogueuse et plusieurs sociologues.
Stéphanie Rouget avoue même avoir dans sa tête une petite lumière "diversité" qui clignote pour n'oublier aucune minorité. Elle explique que c'est la responsabilité du scénariste de réfléchir à la réalité qu'il désire évoquer dans ses fictions.
Je suis d'accord, mais pas forcément pour les mêmes raisons...
La raison qu'invoquent les sociologues, c'est l'habituel "le pouvoir est aux mains des hommes blancs, ils écrasent les autres" (je caricature, mais en substance, c'est presque ça). Les médias étant dirigés par des CSP+, il serait logique d'y retrouver des héros qui leur ressemblent. Jusque là, c'est plutôt vrai... Et ce n'est pas, à mon avis, par volonté de domination ou par racisme. C'est simplement, parce que lorsqu'on crée, on a tendance à se raconter soi-même.
Quand j'étais à l'école, mes histoires parlaient d'écoliers. Quand j'étais prof, elles parlaient de transmission du savoir... Et mes héros ont suivi mon évolution, comme un miroir. Donc, si j'étais dirigeant de chaîne, il serait fort probable que les héros qui me plairaient me ressembleraient beaucoup: à savoir des hommes blancs et riches...
C'est la solution proposée par certains qui me frustre un peu: un système de quotas. Là, c'est non! Je n'ai jamais compris le système de la "discrimination positive" ni des "quotas", et ceux qui proposent ce genre de choses doivent régler leurs complexes d'infériorité avant de venir nous gâcher la vie. A chacun des chances égales, mais pas de favoritisme.
Ceci dit, toutes ces questions posées et ces solutions données restent confinées au domaine politico-social. Ce n'est pas vraiment des choses qui devraient occuper l'esprit d'un scénariste. Je n'ai pas l'impression d'avoir une responsabilité sociale envers les minorités lorsque je raconte une histoire. En cela, je ne suis pas d'accord avec Stéphanie Rouget.
Ma responsabilité, en tant que scénariste, est de raconter une bonne histoire. Point à la ligne. Si mon histoire peut être très bien racontée avec des blancs riches, et bien tant mieux.
Ceci dit, il est fort probable que la majorité des bonnes histoires n'impliquent pas directement les blancs riches, pour la simple et bonne raisons que les blancs riches ne vivent pas, tout au long de leur vie, de conflit aussi profond que d'autres types de personnes.
Or, en fiction, on s'intéresse justement au conflit. Alors pourquoi focaliser 85% du temps d'antenne sur les batifolages amoureux de quelques cadres supérieurs alors que des histoires autrement plus épiques peuvent être racontées avec des moins nantis? Et je ne parle pas forcément de faire un remake des Misérables.
(Note: le premier qui me sort l'argument de la publicité peut aller se cacher. Ce n'est pas parce qu'on est riche qu'on ne peut pas s'identifier au conflit que vivent les pauvres et/ou les étrangers. A part les investisseurs, les gens ont du coeur, en général)
Donc voilà le vrai noeud du problème: ces mâles blancs ont beaux être riches en argent, ils ne sont pas riches en conflits, ni en intrigues passionnantes. Concentrer tous les efforts de la fiction sur ces quelques bienheureux nous prive d'un immense répertoire d'histoires bien plus excitantes que "des soucis et des hommes"...
Alors, que votre docteur en médecine soit noir et gay ne changent strictement rien au problème. C'est un faux pansement bien-pensant. Le fond se trouve ailleurs: il faut raconter des histoires de gens qui vivent du vrai conflit. Qui ont une vie de chien. C'est avec ceux-là qu'on fait de bonnes histoires.
(A part dans la tragédie grecque, mais le genre n'est plus très vivace depuis quelques centaines d'années, pas vrai?)
La responsabilité revient aux programmateurs d'antenne, ceux qui choisissent quelles histoires raconter et quelles histoires mettre au placard. C'est certainement à ce niveau là que s'opère la bifurcation vers le consommateur parfait prêt à acheter au magasin ce qu'il a vu pendant les pubs, autrement dit le mâle blanc riche. C'est évidemment une erreur de conception des dirigeants et des gens du marketing. Mais ils jureront du contraire...
Je hais la pub!
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire