Avec un budget frôlant le zéro absolu, la sitcom "It's always sunny in Philadelphia" est parvenue assez rapidement à engranger un public d'habitués, même si le succès mainstream n'a jamais été de la partie (rarement plus de 2 millions de téléspectateurs aux Etats-Unis)... Et ce, malgré la présence de l'hilarant Danny DeVito. Analyse.
Je vais vous faire une confidence: si je devais tourner une sitcom un jour, elle ressemblerait beaucoup à "It's always sunny in Philadelphia". Des mecs basiques et vulgaires, vivant dans la crasse et l'alcool, toujours prêts à faire un mauvais coup. Des filles, ici en minorité, qui ne sont pas beaucoup mieux: généralement moches, au mieux passables, mais jamais charmantes, elles ne représentent aucun fantasme (contrairement aux canons qui peuplent en général les autres sitcoms).
La bêtise humaine est ici poussée à son paroxysme. Charlie, le personnage principal, est illettré, et sa principale activité consiste à récurer les toilettes d'un bar mal famé. Il vit dans un appartement déglingué, sniffe de la colle, et n'a aucune vie sexuelle, son coeur battant pour une fille qui le déteste plus que tout.
Ses copains sont machos, pas futés, égoïstes, radins, drogués, orphelins, alcooliques, parfois vraiment méchants, bref: des véritables héros de sitcom! On ne le répétera jamais assez, les bons personnages comiques se doivent d'être des loques humaines. Les auteurs ont ici chargé leur plume, et c'est tant mieux.
Que reste-t-il alors pour nous faire apprécier ces monstres?
A vrai dire, pas grand chose... sinon l’accoutumance. La première saison est pour cette raison difficile à apprécier pleinement au premier regard: on tombe vraiment en territoire inconnu, et c'est parfois rebutant. Mais au fur et à mesure, on apprend à les connaître, et - comme avec des copains d'enfance - on leur pardonne beaucoup.
Ceci dit, les scénaristes nous facilitent la tâche: ils ont créé ce que l'on appelle des "underdogs", des gars à qui rien ne réussit. Et ça, c'est une constante de la dramaturgie: le public a *envie* de les soutenir dans l'adversité.
Prenez Charlie, le personnage principal. Il ne bénéficie pas de plus de temps d'écran que ses compagnons, il n'a pas une histoire plus profonde que les autres (au contraire, on n'en sait pas grand chose sur sa vie), mais la seule et unique raison pour laquelle il ressort comme étant le *héros*, c'est parce qu'il poursuit un amour qui le rejette. Parlez d'une adversité! C'est universel, c'est noble, et c'est parfait pour lui excuser tous ses sales coups et des accès de colère.
Dumb & Dumber
L'humour fonctionne rarement dans la bêtise pure. Il faut en général confronter la bêtise à une certaine forme d'intelligence pour que le contraste soit la source du rire. Dans le cas de "It's always sunny in Philadelphia", point de salut: personne n'est là pour rattraper l'autre. La technique que les scénaristes utilisent alors est une sorte de surenchère de la bêtise (qui peut parfois agacer d'ailleurs), un peu comme dans le film Dumb & Dumber. Le premier personnage va émettre une proposition stupide, mais va se voir directement rétorquer par son interlocuteur que son idée est idiote... Ce dernier va donc proposer une solution, qui se révèle bien sûr encore plus débile que la précédente. Et le premier de la trouver ingénieuse!
Ce schéma revient systématiquement, au début de chaque épisode, qui lance l'intrigue avant le générique. C'est répétitif, mais dans la configuration de la série, difficile de faire autrement.
Le cartoonesque sans conséquences
Contrairement à des séries comme How I Met Your Mother ou Parks and Recreation, beaucoup plus sérieuses, les actions des personnages n'ont ici aucune conséquence sur l'avenir. Chaque épisode commence comme si rien, ou peu, ne s'était passé avant. Certes, l'un ou l'autre personnage secondaire possède un arc (comme par exemple le prêtre défroqué qui fait quelques apparitions), mais aucun des protagoniste n'est vraiment touché par ce qui arrive. En ce sens, "It's always sunny in Philadelphia" ressemble beaucoup à un cartoon. Situations absurdes sans conséquences. C'est un rire différent, qui nécessite des effets plus lourds, des gags plus visuels, et une ambiance totalement désaxée relativement rare en télévision. C'est là l'originalité de la sitcom.
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