04 avril 2012

Akta Manniskor

On oppose souvent à la fiction française l'exemple hollywoodien inégalable, à cause des différences de budget. Mais c'est évidemment un argument qui ne tient pas la route si l'on se tourne vers d'autres pays européens. Les lecteurs du site Le Village le savent: le vieux continent se débrouille très bien lorsqu'il s'agit de créer des séries attractives à petit budget. Ce coup-ci, c'est la Suède qui frappe fort avec "Akta Manniskor" (Les Vrais Humains), une histoire de science-fiction qui rappelle beaucoup l'oeuvre d'Isaac Asimov.


Pour ceux qui ne sont pas familiers de l'oeuvre d'Asimov, elle repose globalement sur le principe selon lequel les robots sont des créations humaines programmées pour être utiles, non violentes et généralement bienveillantes. Evidemment, des "bugs" surviennent et il faut comprendre pourquoi. On est donc loin du cliché du méchant robot exterminateur, et l'on est libre d'explorer d'autres thèmes.

Dans I, Robot, Asimov explorait principalement la dualité entre l'homme et la machine: à partir de quel niveau de pensée un robot se rapproche-t-il de l'homme? A partir du moment où il ment? Quand il se met à rêver? Quand le robot devient un dieu?

Ces questions émergent évidemment dans Akta Manniskor, mais l'auteur Lars Lundstrom passe le plus clair de son temps à sonder la société suédoise dans ce qu'elle a de plus tabou: la sexualité, ou plutôt les sexualités, le traitement des seniors, l'éducation des enfants, le chômage... Un des aspect qui pourrait surprendre dans une série (qui, rappelons-le, passe sur la première chaîne publique suédoise), c'est à quel point elle explore la sexualité entre les humains et les robots... Dans un monde où trois-quart du trafic internet est réservé au porno, j'ai trouvé ce thème particulièrement pertinent. Et gonflé! Je ne suis pas sûr qu'une telle réflexion puisse exister en France.

Evidemment, on fait face à de la SF lente. Il se se passe pas grand chose durant les épisodes, la plupart des scènes étant victimes d'un montage alterné qui les coupe avant que l'action ne s'emballe. Ceci dit, en comparaison, il se passe plus de choses dans les 5 premières minutes de l'épisode pilote que dans 10 saisons de Joséphine, Ange Gardien... Un homme renverse un robot sur la route, se fait pourchasser par une horde de robots, se barricade chez lui avec sa femme, essaie de les chasser au fusil, fini par se faire tuer avec sa femme, un des robots se fait enlever par des bandits, les autres robots s'enfuient... Générique... de début!

C'est surtout à partir du deuxième épisode que le rythme se ralentit et que les questions grinçantes lancées dans le pilote sont développée en longueur... C'est probablement un défaut (il m'arrive de regarder ma montre après la demi-heure en général), mais cela à le mérite de donner une intrigue profonde, où chaque personnage apparaît détaillé, motivé, réaliste. Il n'y a pas vraiment de protagoniste, et on se doute que les méchants ont de très bonnes raisons d'agir (je n'ai pas encore vu la fin, alors chut!)...

Peut-être que la série gagnerait à développer des scènes plus longues, avec une construction interne en trois actes, plutôt que de couper à chaque réplique choc: l'impression de vide qui en résulte frôle parfois l'ennui. On a l'impression que le scénariste évite le conflit direct et cherche une échappatoire systématique en coupant vers une intrigue parallèle. Exemple: la femme flic trouve les HuBots dans le grenier, on ignore pourquoi elle ne les poursuit pas, et cut vers une autres scène. On ne sait rien de ses motivations, et cette apnée continue dans l'ignorance et le suspense finit par devenir suffocante.

Un peu de suspense et d'inconnu d'accord, mais toute la série ne peut pas tenir sur cet unique principe.

Ceci dit, la critique est facile, mais il ne faudrait pas mal me comprendre: cette série est très agréable à regarder malgré tout. Je suis peut-être trop impatient de nature, mais à part ça, tout est bien: bons acteurs, bonne réalisation (simple et efficace), et bons cliffhangers qui nous tiennent suffisamment en haleine pour engloutir toute la saison 1 en quelques jours!

Alors, la comparaison avec la France, elle dit quoi?

1) ce n'est pas le budget qui fait le larron. Akta Manniskor n'a rien d'extravagant dans sa mise en scène et pourrait très bien être tournée en France.
2) oser parler de sexe dans une fiction dont ce n'est pas le sujet principal. En France, c'est soit rien (Julie Lescaut à poils?) soit tout (les séries artsy-cochonnes de Canal et de Arte). J'ai envie de l'on puisse parler de robot ET de thèmes mûrs, sans forcément être un lubrique explicite. Juste parler des *vraies* choses de la vie.
3) la SF, le fantastique, l'action, bref les séries de genre (autres que le policier, j'entends) se défendent très bien. De grâce, je n'en peux plus de la gonzesse avec un brassard orange "Police" qui arrive sur les lieux du crime en posant mécaniquement des questions techniques au médecin légiste. On l'a déjà vu mille fois!
4) des épisodes de 58 minutes, c'est déjà long. Imaginez ça en 90 minutes, ce serait insoutenable!

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Attention I Robot est une pure création cinématographique, une adaptation certes des romans de Asimov mais en aucun une histoire original de ce grand monsieur.

Nicolas Van Peteghem a dit…

Bah si, I Robot est un recueil de nouvelles de Asimov publié en 1950. C'est à ça que je fais allusion, pas au film avec Will Smith, qui s'en éloigne beaucoup...

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