Je suis très heureux de vous annoncer le retour de la rubrique des interviews, parce que c'est un aspect du blog qui me tient à cœur - après tout, je suis journaliste de formation, quoi de plus normal que d'aimer poser des questions à mes idoles?
L'idole d'aujourd'hui, c'est Aurélie Marteau. Si vous n'êtes pas un habitué de la scribosphère, son nom ne vous dit peut-être rien. Et pourtant, la lecture de ses blogs (dont le dernier, Saison 3) est réjouissante. Partie de rien - au même point que vous et moi, chers lecteurs - Aurélie a raconté au monde entier son ascension dans le métier ô combien passionnant de scénariste. Une ascension qui n'est pas sans mal, comme nous allons le voir.
Bonjour Aurélie, raconte-nous comment tu es devenue scénariste.
Aurélie Marteau: C'est un peu un coup de bol. Je connaissais des scénaristes, Cedric et JC, qui m'ont présentée au producteur de Graine de Maire, une série en cours d'élaboration. De là, tout s'enchaîne: je le rencontre, je passe le test de la série et je suis recrutée. Avec la promesse de ce contrat (et sur présentation de Cedric), je rencontre Lise Arif (ndlr: l'agent de scénaristes la plus connue de France), qui me prend dans son écurie. Donc ce n'est pas particulièrement le fruit d'un long travail (même si j'ai travaillé longtemps avant que ça arrive), ce sont juste les circonstances qui se sont bien goupillées pour que ça se passe comme ça.
Démarrer comme scénariste, c'est financièrement viable?
A la base, il était prévu que j'écrive deux épisodes, le nombre prévu pour chaque auteur. J'ai rapidement fait mes comptes, et je me suis dit que je n'avais plus besoin de travailler comme ouvreuse dans un ciné pour vivre. J'ai donc quitté mon job. Malheureusement, le deuxième épisode de Graine de Maire se fait attendre, à cause de problèmes de production, et je n'ai plus de revenus. Aujourd'hui, j'envisage sérieusement de me retrouver un petit boulot !
Tu n'es donc jamais certaine du lendemain?
En ce moment, c'est vrai, je n'ai pas de travail rémunéré en perspective. C'est parfois un peu dur pour le moral mais cela reste vivable parce que je suis d'une nature confiante. Je prospecte, je travaille sur des projets personnels en espérant qu'une prod' posera une option... Je garde espoir ! Et surtout j'ai la chance d'être bien entourée.
A propos d'entourage, quel est le rôle exact de ton agent?
Elle me permet d'avoir une crédibilité, de passer certains "filtres" auprès des producteurs (qui feraient moins confiance à un auteur sans agent), elle me donne des numéros de téléphone... Concrètement, ce n'est pas elle qui me trouve du boulot, ce n'est pas son rôle, c'est à moi de passer les tests et d'être assez douée pour être embauchée. Ensuite, elle négocie, elle gère les contrats, la paperasse, elle relance les prod' pour que j'aie mes chèques. Il est clair que sans elle, ce serait plus difficile.
Comment s'organise le travail d'un scénariste en télévision?
Un producteur ou un auteur crée un concept de série, avec des personnages, un ton, une histoire... Des auteurs sont embauchés pour écrire cette série. Parfois, ça peut être à différents niveaux, pour écrire un épisode entier, ou juste les dialogues. Le directeur de collection est là pour s'assurer de la cohérence globale de la série, afin que dans chaque épisode le ton soit respecté, que les personnages agissent en accord avec leur caractérisation. Notre rôle d'auteur, c'est de créer des situations, des dialogues, etc...
Les scénaristes sont libres d'écrire ce qu'ils veulent?
Dans le cadre du concept de la série et des consignes qui nous sont données (qui peuvent être : 30% de scènes d'extérieurs / 70% d'intérieurs, 230 répliques, pas plus de tant de personnages dans une séquence, le ton, etc.), on a toute liberté. Mais il faut savoir que chaque étape de l'écriture (synopsis, séquencier, dialogué) est validée. Plusieurs versions sont prévues à l'avance, contractuellement. Cela signifie que le producteur pourra nous demander de ré-écrire deux fois la continuité dialoguée, par exemple.
Les chaînes de télévision interviennent-elles également dans le processus d'écriture?
Oui, les chaînes interviennent. Beaucoup pensent qu'elles interviennent trop et ne prennent pas toujours les bonnes décisions. Elles donnent des axes d'écriture, elles peuvent imposer des personnages, elles interviennent à tous les niveaux (même dans la réalisation et le choix des comédiens, voire des costumes !). Mais comme elles payent, beaucoup de prod' n'osent pas trop lutter.
Cela semble fort contraignant! N'y a-t-il aucune place pour l'initiative personnelle?
Bien sûr que oui. Par exemple, pour Graine de Maire, dans ma continuité dialoguée, une séquence n'allait pas. En réunion, avec les directeurs de collection, nous avons trouvé une autre solution pour raconter cette séquence. Mais ça ne me satisfaisait pas complètement. Une fois chez moi j'ai trouvé autre chose, et j'ai fait le pari d'écrire la scène de cette manière. C'est passé (mais ça aurait pu être refusé), ce qui veut dire que mon initiative a été appréciée. Ce n'est pas évident, parce que d'un côté, il faut répondre à une demande, avec un cahier des charges extrêmement strict, et de l'autre, c'est un travail créatif, donc avec une grande part d'interprétation et de subjectivité. Trouver un équilibre là dedans est sans doute ce qu'il y a de plus difficile dans le fait d'écrire pour une commande (qui peut être pour la télé ou le cinéma).
Cela ne provoque-t-il pas des tensions entre tous les intervenants?
Les rapports entre les producteurs, les auteurs et les diffuseurs sont très compliqués, et je crains de ne pas avoir encore assez d'expérience du métier pour les définir en détails. Cela dit, parfois ça se passe très bien, comme sur Graine de Maire. Mais l'auteur n'a pas de rapport avec les chaines, normalement. La hiérarchie classique, c'est chaîne > producteur > directeur de collection > auteur. En tant qu'auteurs, nous n'avons de rapports qu'avec le directeur de collection et la prod' (enfin, la encore ça dépend des séries, chaque cas a ses spécificités), qui sont là pour s'assurer que les auteurs répondent bien à la commande qui leur est fait, et qui interviennent donc au niveau de l'écriture. C'est finalement assez logique.
Quels sont tes projets et tes objectifs pour le futur?
J'ai des projets de série. Mais je n'ai pas vraiment de plan de carrière. L'objectif, c'est de vivre du métier de scénariste, ce qui n'est pas encore le cas maintenant.
Merci à toi et bonne chance pour la suite!
7 commentaires:
Très intéressant! J'aime beaucoup ce genre d'articles, j'avais déjà lu des interviews similaires de réalisateurs amateurs aguerris!
Merci pour l'article.
@JC : je te remercie pour l'amateur, j'ai l'impression d'écrire des scénarios dans ma cuisine, c'est un plaisir... ^^
@ux autres : Je précise que ma réponse à la première question était une réponse pas du tout à cette question là (faut pas exagérer non plus). Non, je ne suis pas "devenue scénariste sur un coup de bol".
Le coup de bol, c'est d'avoir réussi en même temps à avoir un agent / être embauchée sur une série / que me vie privée me permette d'arrêter mon "petit boulot" (c'était la question, il fallait que je développe ce passage là de ma vie, n'est-ce pas ?).
Parce que, devenir scénariste, c'est une longue route qui a commencé en 2006 (première série écrite avec un contrat et tout) voire en 2004, pour ma première envie d'écrire pour le cinéma, voire en 1999 pour mon premier scénario écrit (un scénario de jeu de rôle)...
Sans rancune, hein, mais je voulais quand même rétablir la vérité. :)
Ahah on ne se refait pas, les journalistes ont une défaillance mentale qui les pousse invariablement à déformer les propos des gens qu'ils interrogent ;)
Merci, en voilà une idée qu'elle est bonne!
Toutes les questions qu'on ose pas poser...:)
Aurélie, prise dans les rouages du star system...
Et encore, je n'ai pas rétabli toutes les vérités, mais bon... C'est juste que j'ai dit plein de choses avec des ;) des :) et des ^^ qui se retrouvent maintenant au premier degré...
Du coup j'ai l'air de me prendre terriblement au sérieux, ce qui n'est pas le cas, je crois, en vrai, ou sur mon blog...
Je ne verrai plus les interview du même oeil, et ça me servira de leçon !
Nicolas, la prochaine fois tu lui fais faire un podcast, comme ça tout le monde sera content
Il n'y aura ni :( ni :p ni :d
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