12 juin 2008

L'histoire précède le récit

C'est de la logique pure: il faut savoir ce que l'on veut raconter avant de le raconter! Et pourtant, les Apprentis Scénaristes ont vite tendance à écrire d'abord, réfléchir ensuite. L'idée que l'histoire va "se raconter toute seule" au fur et à mesure de l'écriture est fantaisiste, ou du moins, se borne aux petites histoires simples et linéaires. J'ose espérer que tout le monde ne se contente pas de ça.

Dés lors que le niveau de complexité de l'histoire dépasse un certain seuil, il est nécéssaire de préparer le terrain, dans une mesure plus ou moins grande. Au fur et à mesure de mon expérience, je peux affirmer que plus la préparation est importante, meilleur est le récit final (pour autant que l'idée de base ait du potentiel).

Avant d'aller plus loin, rappellons deux concepts à ne pas confondre:

1) l'histoire, qui correspond au fond, au sens de l'histoire. Ce sont les faits objectifs qui se déroulent dans l'ordre chronologique.

2) le récit, qui est la forme que l'on donne à l'histoire. C'est ce qui nous est raconté, dans l'ordre que l'auteur choisit, avec sa subjectivité.

Et donc, on en revient au titre de l'article: l'histoire précède le récit.

La préparation à laquelle je me réfère doit porter sur l'histoire, et non le récit, qui vient ensuite. Il faut prendre du recul par rapport à la manière de raconter l'histoire, pour essayer d'en explorer tous les méandres, toutes les potentialités, quitte à laisser tomber une grande partie du travail accompli.

Il faut garder en tête que l'écriture n'est pas un procédé économe: il y a beaucoup de gaspillage. C'est l'image de la montagne qui accouche d'une souris. Néanmoins, le travail accompli en amont se "sent", au final.

Je me souviens, la première fois que j'étais sur un plateau de tournage, je trouvais hallucinant qu'un type soit payé pour prendre des photos du décor pour pouvoir remettre exactement au même endroit *une peluche sur un lit*. Je m'écriais: mais quelle perte de temps! Aucun spectateur ne verra ça à l'écran!

Et la réponse, pleine de sagesse, fut: "Mais les spectateurs le *sentiront*".

Depuis, je pars du principe que chaque élément qui n'est pas correctement préparé finit toujours par se sentir, tôt ou tard. Pensez aux textes classiques de Corneille, dont la qualité n'est plus à discuter aujourd'hui. Eh bien, plusieurs siècles plus tard, des spécialistes continuent de débattre pour savoir si les réactions du Cid sont psychologiquement valables...

Vous pourrez abuser vos contemporains, un jour, un mois, un an, peut-être, mais finalement, il y aura toujours quelqu'un pour détecter les facilités, les approximations et les arnaques.

Ecrivez comme si votre texte allait être passé au scalpel, dans 5 siècles, par une armée de spécialistes. Vous n'en serez, j'espère, que plus vigilants, et serez convaincus qu'une bonne préparation est indispensable!

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