31 mars 2010

Choisissez le plan B

L'expérience est formelle: un scénariste qui écrit est fainéant. Pour poursuivre son rythme de croisière sans faire fondre son cerveau, il a rapidement tendance à utiliser des clichés, des petits raccourcis, les grosses ficelles. C'est valable pour tous les domaines de l'écriture: création de personnages, préparation/paiements, obstacles, répliques, etc;

Un exemple simple: notre protagoniste, un scientifique un peu fou, veut prévenir monsieur le Maire que le volcan du coin est sur le point de se réveiller. Oui, mais voilà, le Maire refuse de l'écouter. Pourquoi?

Le cerveau fainéant fait rapidement son oeuvre, et, selon les références ingérées pendant l'enfance, le scénariste échafaude un plan du genre: c'est une ville touristique, et on ne peut pas se permettre d'évacuer tout le monde, surtout juste avant la Fête Nationale.

Ca, c'est le plan A. J'ai eu besoin de 15 centièmes de secondes pour l'inventer.

Il est pourri.

Car, en réalité, je n'ai rien inventé du tout. J'ai simplement utilisé un "module interchangeable d'intrigue" (je devrais déposer l'expression) pompé dans un des innombrables navets abusant du cliché.

Le travail du scénariste ne commence que quand il dépasse le stade du plan A, et se met à réellement *imaginer* un plan B. C'est infiniment plus difficile. Mais plus gratifiant, aussi.

Le Maire pourrait refuser, parce que le scientifique a sauté sa femme. Parce que le Maire est son petit frère qui fait un complexe d'infériorité et qu'il veut tout gérer tout seul.... Parce que le Maire est une féministe qui n'a pas à recevoir des ordres d'un homme.

On invente ce que l'on veut. Mais que l'on *invente*.

Faites l'effort de toujours choisir le plan B.

25 mars 2010

La leçon de scénario de David Mamet

Le scénariste et romancier américain David Mamet a écrit en 2005 un mémo à l'attention des scénaristes de sa série télé "The Unit". La lettre vient de filtrer sur le web et c'est un véritable condensé de dramaturgie: une perle que je m'empresse de traduire pour vous.

"Aux scénaristes de The Unit.

Salutations.

Pendant que nous apprenons comment écrire cette série, un problème récurrent apparaît clairement.

Le problème est le suivant: faire la différence entre le *drame* et le non-drame. Permettez-moi de vous expliquer.

Tous les gens impliqué dans la création nous prient de rendre la série limpide. Il semble que nous ayons la lourde tâche de fourrer une chiée d'*informations* dans un minimum de temps.

Nos amis, les pingouins (ndt: les producteurs), pensent donc que nous sommes engagés pour communiquer de *l'information* et, parfois même, nous le pensons aussi.

Mais notez-bien: les spectateurs ne zappent pas chez nous pour regarder de l'information. Vous ne le feriez pas, je ne le ferais pas. Personne ne le ferait ni ne le fera. Les spectateurs veulent seulement zapper chez nous pour regarder un drame.

Question: qu'est-ce qu'un drame? Le drame est la quête du héros pour triompher de toutes ces choses qui l'empêchent d'atteindre un but spécifique et *profond*.

Donc: nous, les scénaristes, devons nous poser ces trois questions *pour chaque scène*:
1) Qui veut quoi?
2) Que se passe-t-il s'il ne l'obtient pas?
3) Pourquoi maintenant?

Les réponses à ces questions sont comme du papier de tournesol: appliquez-les, et elles vous diront si la scène est dramatique ou pas.

Si le scène n'est pas écrite de manière dramatique, elle ne sera pas jouée de manière dramatique.

Il n'existe pas de poudre de perlimpinpin qui va faire fonctionner une scène embêtante, inutile, redondante, ou simplement informative une fois qu'elle quitte votre machine à écrire. *Vous* les scénaristes avez la responsabilité de vous assurer que *chaque* scène est dramatique.

Cela signifie que toutes les *petites* scènes d'exposition où deux personnes parlent à propos d'une troisième (et nous avons tous tendance à en écrire lors du premier jet) sont complètement inutiles, si elle étaient finalement - dieu nous en garde - filmées.

Si la scène vous ennuie lorsque vous la lisez, soyez sûrs qu'elle va *assurément* ennuyer les acteurs, et donc, qu'elle ennuiera les spectateurs. Et nous voilà revenu au seuil de la médiocrité.

Quelqu'un doit rendre la scène dramatique. Ce n'est pas le job des acteurs (leur job est d'être vrais). Ce n'est pas le job des réalisateurs. Leur job est de filmer la scène de manière précise et de rappeler aux acteurs de parler vite. C'est, en fin de compte, *VOTRE* job.

Chaque scène doit être dramatique. Cela signifie: le protagoniste doit avoir un besoin simple, précis et pressant qui le pousse inéluctablement à apparaître dans la scène.

C'est pour cela qu'il est *venu*. C'est de cela que parle la scène. Sa tentative de satisfaire à son besoin va conduire, à la fin de la scène, à *l'échec* - c'est de cette façon que la scène se *termine*. Cet échec nous conduira, par nécessite, à la scène *suivante*.

Toutes ses tentatives, prises ensemble tout au long de l'épisode, constituent *l'intrigue*. Chaque scène, par conséquent, qui ne fait pas avancer l'intrigue et qui n'est pas autonome (c'est-à-dire qui est dramatique par-elle même) est soit superflue soit mal écrite.

Oui, mais! Oui, mais, dites-vous: que fait-on de la nécessite d'inclure toutes ces fameuses *informations*? Et je réponds: *démerdez-vous*. Le premier crétin venu en costard a appris à dire "rends la scène plus limpide", ou "on veut en savoir plus sur *lui*".

Lorsque vous avez rendu la scène si limpide que même le crétin en costard est content, vous allez tous les deux perdre votre job.

Le métier du dramaturge est de forcer les spectateurs à se demander ce qu'il va se passer ensuite. *Pas* de leur expliquer ce qui vient de se passer, ni de leur * suggérer* ce qui arrive ensuite.

Le premier crétin venu, comme on a vu, peut très bien écrire: "Mais, Jim, si nous n'assassinons pas le premier ministre dans la scène suivante, toute l'Europe sera à feu et à cendres".

Nous ne sommes pas payés pour *comprendre* que les spectateurs ont besoin de l'information pour comprendre la scène suivante, but bien pour écrire la scène de telle manière que les spectateurs s'intéresseront à la suite de l'histoire.

Oui, mais! Oui, mais, répétez-vous.

Et je réponds: *démerdez-vous*.

*Comment* trouver le bon équilibre entre la distribution et la rétention de l'information? C'est *ça* la tâche essentielle du dramaturge. Et la capacité de *faire* ça est ce que vous sépare des sous-hommes en costard bleu.

Démerdez-vous.

Commencez, à chaque fois, avec cette règle inviolable: *cette scène doit être dramatique*. Elle doit commencer parce que le héros à un problème, et elle doit culminer avec le héros qui se retrouver contrarié ou mené sur une nouvelle voie.

Examinez vos séquenciers. Chaque ligne qui commence par "Bob et Sue discutent..." ne décrit pas une scène dramatique.

Et pourtant remarquez comme nos synopsis sont spectaculaire, en général. Tout le drame s'échappe entre le synopsis et le premier jet du scènario.

Pensez comme un cinéaste plutôt que comme un fonctionnaire, car en réalité c'est *vous* qui faites le film. Ce que vous écrivez, il le filmeront.

Voici les sonnettes d'alarme: chaque fois que deux personnages parlent d'un troisième, la scène est un bâton merdeux.

Chaque fois qu'un personnage dit à un autre "comme tu le sais", autrement dit quand il donne à un autre personnage une information que vous, scénariste, avez besoin de donner aux spectateurs, la scène est un bâton merdeux.

N'écrivez *pas* de bâtons merdeux. Ecrivez des scènes époustouflantes de trois, quatre, sept minutes, qui font avancer l'histoire, et bientôt vous pourrez vous acheter une maison à Bel-Air et *engager* quelqu'un pour y vivre à votre place.

Souvenez-vous que vous écrivez pour un media visuel. La plupart des scénarios de télévision, y compris les nôtres, sonnent comme de la *radio*. La *caméra* donne les explications pour vous. *Laissez-la faire*. Ce que *font* les personnages, littéralement. Ce qu'ils tiennent en main, ce qu'ils lisent. Ce qu'il regardent à la télévision, ce qu'ils *voient*.

Si vous faisiez comme si les personnages ne pouvaient pas parler, et que vous écriviez un film muet, alors vous écrirez du bon drame.

Si vous vous privez volontairement de la béquille de la narration, de l'exposition, bref, de la *parole*, vous serez forcés de travailler dans un nouveau médium - raconter l'histoire en images (aussi connu sous le nom de scénario).

C'est une compétence à apprendre. Personne ne le fait naturellement. Vous pouvez vous entraîner, mais vous devez surtout *commencer* à le faire.

Je termine avec un conseil: regardez la *scène* et demandez-vous: "est-elle dramatique? Est-elle *essentielle*? Fait-elle avancer l'intrigue?"

Répondez-y franchement.

Si la réponse est "non" réécrivez-la ou supprimez-la.

Amitiés, Dave Mamet
Santa Monica 19 octobre 2005

(Ce n'est *pas* votre responsabilité de connaître toutes les réponses, mais c'est la vôtre, et la mienne, de se *poser* les bonnes questions encore et encore. Jusque ce que cela devienne une seconde nature. Je crois que j'en aborde quelque-unes ci-dessus.)"

24 mars 2010

Citation

"Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré."
-- Paul Eluard

18 mars 2010

Interview : Kenan Gorgun

Kenan Gorgun est un écrivain belge, auteur de Patriot Act (sorti chez First) et Fosse Commune (Fayard), entre autres. Il est également scénariste: on lui doit le dernier film de Taylan Barman, 9mm. Bref, un gros bosseur qui mérite bien sa place sur le blog de l'Auteur Inspiré!

Le parcours

Comment est-ce que tu t'es lancé dans l'écriture?
Je me suis lancé dans l'écriture avec un Bic bleu ! Et ça a longtemps duré, l'écriture à la main, plus exactement jusqu'à mon avant-dernier roman Fosse Commune, paru finalement chez Fayard, et que j'ai entièrement écrit à la main - je garde précieusement le manuscrit original comme si je possédais un vieux texte sacré qu'il me resterait à décrypter ! Ensuite seulement, et avec beaucoup de peine, je me suis familiarisé avec le clavier d'ordinateur. J'avais déjà essayé auparavant mais étant très lent à l'encodage de mes mots, le fait d'écrire à l'ordinateur entravait le flux de mon imagination et des phrases qui se formaient dans mon esprit. Aujourd'hui, ça va nettement mieux et plus vite... bien que je tape encore à deux doigts!

Tu as commencé très jeune, non?
J'avais 16 ans quand j'ai commencé à écrire, je ne sais pas si c'est tôt. Je dirais surtout que c'est arrivé tout à coup, sans prévenir, brusquement, car je n'avais jamais écrit avant, ni pensé que je pourrais m'y mettre un jour. Je n'avais même pas un goût pour la lecture - c'est bien simple, jusqu'à mes 16 ans, j'ai essayé de lire un seul livre, que j'ai abandonné après cent pages auxquelles je n'avais rien compris! Je ne donnerai pas de titre mais je dirai que le livre en comptait 600, de pages ! Je ne soupçonnais pas évidemment que j'adorerais les romans-fleuve plus tard et que je m'essayerais à en écrire moi-même. Il y a encore aujourd'hui une mystique de l'écriture, pour moi, que j'ai du mal à déchiffrer. Ecrire m'est indispensable et c'est tout ce que je sais !

Comment as-tu franchi le cap d'écrivain amateur à professionnel?
Je ne sais pas ce qu'est un écrivain professionnel. Sincèrement, c'est quoi, un auteur pro ? J'en suis venu à connaitre pas mal d'écrivains de plus près, au fil de mes propres publications, mais je n'ai jamais rencontré un écrivain de cette sorte. Tous, et certains des plus illustres sur la scène actuelle, m'ont au contraire donné le sentiment de revivre toujours les mêmes tracs, les mêmes angoisses, qu'à leurs débuts. Il y a une insécurité dans l'acte d'écrire, dans sa solitude qui vous abandonne devant la page blanche sans personne pour vous aider, aucune équipe pour vous entourer comme c'est le cas sur un tournage... Et je crois que cette insécurité est essentielle : il peut arriver un moment, n'importe quand, où on est bloqué face au langage, les mots nous résistent, les idées ne prennent plus forme comme elles devraient, et on se retrouve incapables d'écrire correctement ! Avec l'expérience, on découvre certains trucs qui peuvent aider à débloquer les choses, mais cette activité se résume quand même la plupart du temps à beaucoup d'essais, de sueur, de tracas, de retours en arrière...

Comment as-tu publié ton premier roman?
Je connaissais depuis un bon moment Luce Wilquin, qui a publié mon premier roman. J'écrivais des nouvelles pour la revue "Marginales" qu'elle éditait à l'époque, et l'idée qu'elle publie un jour un roman à moi était dans l'air. Ca a été "L'Ogre c'est mon enfant", où j'ai emprunté l'identité d'une femme comme narratrice principale. Je vais même te confesser ceci : un de mes romans, je ne dirai pas lequel, a été refusé par le comité de lecture... Et l'éditeur en personne a été le reprendre pour le relire et marquer son désaccord avec le comité, c'est ainsi que le livre a vu le jour.... Comme quoi, tout ne tient qu'à un fil.

Peut-on vivre de sa plume, aujourd'hui en Belgique?
Ce n'est pas encore mon cas. "Fosse Commune" et le dernier, "Patriot Act", se sont assez bien vendus, malgré qu'ils soient épais, mais pas assez que pour faire vivre son homme. Je tire l'essentiel de mes revenus de mon activité de scénariste....

Le travail

Comment organises-tu ton travail?
C'est une question de rigueur, de discipline, et de connaissance de ses propres capacités de travail. Plus on connait ses méthodes, mieux on les utlise, au plus on est capables d'évaluer le temps que les choses peuvent prendre, et on s'organise en fonction de ça. Je crois qu'il n'y a pas de secret : il faut se mettre à l'ouvrage, même si on a envie de toute autre chose certains jours.

Tu es à la fois scénariste et écrivain: ceux deux formes d'écriture sont-elle si différentes l'une de l'autre?
Très différentes dans les outils, moins dans l'objectif, qui est de raconter une histoire et au mieux, de lui conférer l'intensité, la force, d'une expérience. Là encore, la manière dont un livre ou un film peuvent faire partager cette expérience sera différente. Un livre fort ne me laisse pas avec les mêmes sensations qu'un film fort, sauf une : un profond contentement, une admiration devant l'oeuvre accomplie, et le sentiment que tout, pour un moment, est exactement à sa juste place !

Comment gères-tu ce "marathon" de l'écriture?
Caféine ! Caféine, clope, concentration, coordination (des doigts, des idées, des personnages, des divers temps du récit). J'adore créer des univers, des narrations amples, alors le "marathon", comme tu dis, est un terrain de jeu où je me sens naturellement à l'aise. Mais j'aime énormément écrire des nouvelles aussi, mon second livre était un recueil de nouvelles, "L'Enfer est à nous", et j'ai encore des dizaines de nouvelles bouclées dans mes tiroirs que je publierai peut-être un jour.

Prépares-tu un plan de l'histoire avant de te lancer dans l'écriture proprement dite?
Ca dépend des besoins du récit. Généralement, je ne fais aucun plan, j'ai des évènements-clés en tête au départ et je sais qu'ils vont servir de jalons à l'histoire... Que je crois! Il est arrivé que la raison première pour laquelle j'avais envie d'écrire un livre ne se soit même pas retrouvé dans la version finale. A l'inverse, je peux aussi structurer très fort les choses avant même d'écrire un mot. Ca a été le cas du dernier, Patriot Act, qui est une longue enquête dans les mileux de l'espionnage et des technologies de pointe. J'avais un plan complet du livre. Résultat : certains lecteurs ont trouvé que l'intrigue, pour le coup, était trop complexe. Je peux comprendre ce sentiment mais je ne crois pas que ce soit le cas. La structure du livre est d'une précision d'horloger, mais elle a quelque chose d'expérimental, directement lié au sujet du roman. J'y ai essayé des choses que je n'avais pas lues ailleurs. Cela comporte certains risques, mais c'est stimulant d'essayer !

Le business

Que pense-tu du visage audiovisuel belge? Une lueur d'espoir ou la morne plaine?
Vieux débat. Je ne me reconnais certes pas dans le paysage audiovisuel belge, mes goûts me portent naturellement vers un autre type de cinéma. Ceux qui sont dans le même cas devraient aussi aller voir ailleurs, essayer ailleurs, autrement. Tout est possible, il n'y a qu'à se donner une chance d'essayer, de voir de plus près, et on en apprend énormément, sur soi, mais aussi sur la meilleure façon de s'y prendre pour faire les choses qu'on veut. Je suis sur le point de faire mon premier film professionel comme réalisateur, ici en Belgique, avec des fonds belges, c'est donc une belle chance ! Je sais aussi que certains des films que je veux faire ne seraient pas envisageables en Belgique, je verrai donc quelles sont les meilleures conditions pour ces films-là puis j'essayerai de réunir ces conditions. Je crois que chaque auteur doit avant tout prendre conscience de ce qu'il veut, au fond de lui, ensuite avoir le courage de se bouger pour que cela advienne. Je ne suis pas pessimiste de nature, alors dire "morne plaine", c'est quelque chose qui ne me parle pas personnellement. Chaque terre est morne jusqu'à ce qu'on la fertilise ! Il faut juste être conscient du fait que le cinéma coute cher et qu'une économie donnée, ici celle de la Belgique, ne pourra jamais engendrer des films dont elle n'a pas les moyens. Elle ne pourra pas non plus concurrencer sur leur terrain les pays, et les Etats-Unis en tête, qui sont les rois d'un autre type de cinéma. Il y a donc une certaine logique à ce que la Belgique fasse les films qui lui réussissent le mieux, ceux pour lesquels elle a réussi aussi à obtenir une certaine reconnaissance internationale. A chacun d'y trouver sa place, et le cas échéant, à la chercher ailleurs...

Le fait d'avoir été publié dans des grosses maisons d'édition a-t-il déclenché d'autres opportunités?
Des rencontres, évidemment. En circulant entre Bruxelles et Paris, entre petites et grandes maisons, tu acquiers une autre vision de l'édition, plus complète. A partir de là, les opportunités, tu te les créés. Si tu n'as pas de nouveau roman à écrire, ou écrit, ou en chantier, qu'importe que ton éditeur soit grand, petit, moyen, bon ou mauvais. La seule vraie opportunité pour un écrivain, dès lors qu'il a pu publier, c'est de porter encore un livre, le désir d'un livre, en lui.

Si tu devais donner des conseils à des jeunes auteur pour percer, ça serait quoi ?
Prenez une solide foreuse et assurez-vous d'avoir assez de mèches en réserve!

Un mot sur tes futurs projets?
Deux longs métrages en écriture, dont je serai seulement scénariste. Une série en développement pour la télévision française. J'avais dans l'idée de commencer bientôt mon prochain roman, qui sera le premier volet d'une trilogie, mais au même moment, les bugdets ont été obtenus pour le tournage de mon premier film, "Yadel", et c'est devenu là ma priorité!

15 mars 2010

Le darwinisme culturel

Une branche relativement récente de la sociologie, appelée mémétique, considère la culture comme une entité soumise aux lois de l'évolution de Darwin. Chaque élément de la culture est répliqué, imité, transformé, d'un individu à l'autre.

La théorie de l'évolution ne s'applique plus simplement à nos gènes, composants biologiques, mais également à nos mèmes, composants culturels. Et donc, les meilleurs éléments culturels sont ceux qui survivront le plus longtemps. Théoriquement...

Cette théorie n'était pas très facile à imaginer avant qu'Internet en démontre brillamment l'acuité: un élément culturel (une vidéo sur YouTube, une image, un comportement sur un forum, un smiley, un slogan) peut se propager sur la toile à très grande vitesse, et être répliqué plusieurs milliers de fois à travers le monde. Le site Know Your Meme traque ceux qui ont le plus de succès. Quelques exemples: le Rick Roll, les remix SongSmith ou encore les Face Palm.

Tout le problème se situe dans la définition des "meilleurs" éléments culturels. Pourquoi Rick Astley connaît-il une seconde gloire si soudaine, accumulant des millions de visites, alors que des artistes plus doués, plus à la mode, et bénéficiant de plus de marketing n'en atteignent que quelques dizaines de milliers? Pourquoi les gens disent-ils "LOL", sur Internet, plutôt que "Haha"?

Un jour, quelqu'un a pensé que LOL était un acronyme qui sonnait bien, l'a utilisé, et l'expression a fait florès. C'est un mème qui est entré dans le langage courant. Certains mèmes vont s'éteindre d'eux-mêmes dans quelques années. Le "Face Palm" est très à la mode, mais dans cinq ans, qui en rira encore? On ne peut pas le prédire avec précision.

C'est là où je veux en venir: "meilleur" ne signifie pas "de plus haute qualité artistique", ni "plus utile", ni "plus drôle". Meilleur signifie simplement "accumulant le plus grand nombre d'imitateurs". Comme un gène humain, il n'est bon qu'à se reproduire et à rien d'autre... Peut importe que les génies soient incapables de copuler, et que la Terre soit peuplée d'abrutis: c'est Darwin qui l'emporte!

Je vais maintenant développer une idée qui aura, en France, de nombreux détracteurs, et nombreux seront ceux qui y verront un sophisme. Tant pis, je me lance: l'exception culturelle française, ce protectionnisme culturel d'état, va à l'encontre du darwinisme culturel, et doit être abolie.

Je lisais récemment le compte rendu d'un colloque de scénaristes, où les auteurs se plaignaient qu'en France, les producteurs sont frileux à la comédie, à la science-fiction, au fantastique, à l'action, bref, à tout sauf Julie Lescaut. Et ils en étaient très frustrés. Et ils se demandaient pourquoi, malgré le succès de ces genre dans la plupart des autres pays du monde, la France se cantonnait à ce qu'elle avait déjà fait depuis 25 ans.

Est-ce une envie de préserver cette "exception culturelle française"? Cette envie bizarre de conserver une identité française? Qu'est-ce que ça signifie? Pourquoi, quand 90% des gens rechignent à l'idée de regarder une série télé française (ou décrivent l'expérience comme une épreuve pénible), pourquoi conserver des vieux modèles obsolètes. On sait que ça ne marche pas. Et pourtant, on continue à tenter des nouvelle séries vouées à l'échec.

Combien de blogs de collègues déçus devrais-je encore lire avant qu'on les laisse écrire des choses "modernes"? Que l'on arrête d'étouffer Darwin dans la coquille. C'est inutile, et comme un bagage génétique boiteux, voué à l'extinction, de gré ou de force.

Je suis enseignant, je vois les enfants jouer dans la cours de récré. Quand ils jouent au basket-ball, ils jouent "à l'américaine". Quand ils font la bagarre, c'est "à l'américaine". Quand ils font un bras-de-fer, c'est "à l'américaine"... Pourquoi? Pas parce qu'ils ont encore le rêve américain des années 60, ça n'existe plus ça, non: les règles à l'américaine sont plus "fun" que les vieilles règles chiantes du continent mourant qu'est l'Europe.

Pourquoi refuser de jouer "à l'américaine" en télé? Tout le monde sait pertinemment bien que c'est plus "fun" de faire des séries "cool", "light" et "bad-ass", que de conserver un intellectualisme d'académicien qui n'intéresse plus personne. En réalité, les producteurs français qui se battent contre ça, sont comme les créationnistes qui se battent contre Darwin: ils vont peut-être nous les casser quelques années, mais qu'ils sachent d'ores et déjà qu'ils ont perdu d'avance!

10 mars 2010

Le top 10 années zéro

Ca n'a aucun rapport avec l'écriture, mais j'avais envie de partager les 10 morceaux que j'ai le plus aimé pendant les années "zéro". J'ai la fâcheuse habitude de dire que la musique ne ressemble plus à rien en ces temps décadents, mais de temps en temps une petite piqûre de rappel fait du bien: il y a eu un tas de bons morceaux la dernière décennie. Tellement, d'ailleurs, que j'ai pour arriver à seulement 10 finalistes, j'ai du éliminer pas mal de challengers. Le critère qui a joué est une affaire de feeling personnel.

Peut-être découvrirez-vous dans la liste l'un ou l'autre artiste qui vous plaira. Je vous encourage à me faire part de votre top 10 en écrivant un commentaire!

Goldfrapp - Utopia (2000)
http://www.youtube.com/watch?v=xC4jgcT2N_0

LCD Soundsystem - All of my friends (2007)
http://www.youtube.com/watch?v=dL79-7oo9Xc

Annie - Heartbeat (2004)
http://www.youtube.com/watch?v=CObvp32Q4Eo

Air - Electronic Performers (2001)
http://www.youtube.com/watch?v=_grruxHpxLE

Daft Punk - One More Time (2001)
http://www.youtube.com/watch?v=bgtBlnOX6VA

Bomfunk MC's - Freestyler (2000)
http://www.youtube.com/watch?v=FXnT5NnHYEQ

The Flaming Lips - The Yeah Yeah Yeah Song (2006)
http://www.youtube.com/watch?v=rR5xTgMwpiM

Moloko - Forever More (2003)
http://www.youtube.com/watch?v=bfo1878wd60

Laurent Garnier - The Man With The Red Face (2000)
http://www.youtube.com/watch?v=3UDzAv-twYA

The Darkness - I Believe In A Thing Called Love (2003)
http://www.youtube.com/watch?v=sRYNYb30nxU

06 mars 2010

Bazinga, la comédie dans The Big Bang Theory

Chuck Lorre est une sorte de héros personnel. Bien sûr, son CV est assez impressionnant: il est le créateur de Dharma et Greg, de Mon Oncle Charlie (la sitcom la plus regardée aux USA), et puis récemment de The Big Bang Theory, dont on va parler aujourd'hui. Mais cela n'est rien comparé à ça: Chuck Lorre a composé, jadis, le générique de... Tortues Ninja, le fameux dessin animé de mon enfance! Bazinga! Il a droit à tout notre respect jusqu'à la septième génération!

The Big Bang Theory, sa dernière création, est une sitcom basée sur les geeks. Qui sont-ils? Ingénieurs en physique, en théorie quantique, doctorants fans de Star Trek pratiquant couramment le Klingon et prêts à tout pour obtenir l'autographe de Leonard Nimoy (c'est Spock!). Leur vie bien rangée de colocataires va être bouleversée quand apparaît une voisine (Penny) jeune, jolie, au QI très nettement inférieur au leur, dont le rêve est de devenir actrice mais qui n'est pour l'instant que serveuse dans un restoroute.

Je vous avoue que j'étais sceptique au départ... L'humour de geek, quel intérêt, ça fait 10 ans qu'on nous rabâche ça. Depuis la bulle Internet de 1999, le "geek" est devenu une catégorie sociale à elle seule, qui doit à vue de nez contenir 30% de la population... Donc rien de bien nouveau dans ce concept.

Mais Chuck Lorre connaît son métier, et il a évité le piège de ce fameux "humour geek" qui est très lourd, et surtout pas très drôle. En effet, après quelques épisodes, les protagonistes, Sheldon et Leonard, deviennent tellement attachants qu'il est impossibles de s'en défaire. Petite analyse de cette addiction...

La sincérité
J'en ai déjà parlé plusieurs fois, et ça se confirme, en humour la sincérité prime. Un geek "second degré" n'est pas drôle. Un geek sincère, donnant tout son coeur à apprendre le Klingon, est par contre, très drôle. Et beaucoup plus humain, aussi. On entre dans son mode de pensée, on est avec lui, et dés lors, chaque confrontation avec le monde extérieur - qu'il ne comprend pas bien - peut devenir une source de gags.

Le personnage de Sheldon est exemplaire à cet égard. C'est le plus sociopathe de tous les geeks de la série. Il vit par et pour la science. Ses amis sont avec lui "parce qu'il était là", mais il est insupportable à vivre. En colocation, il établit des règles de vie commune digne d'un traité constitutionnel, avec des exceptions aussi bizarroïdes qu'absurdes. Il est franchement antipathique: dans la "vraie vie", il serait seul. Dans la série, sa solitude se limite à la vie sentimentale. Sheldon n'a clairement jamais connu la chaleur d'un baiser. Et là où ça devient drôle, c'est qu'il s'en fiche, sincèrement. Jamais on ne ressent chez lui ce manque, cette frustration du manque d'amour. Au contraire, il est plus heureux seul: il a plus de temps à consacrer à la science.

L'humanité
Malgré leurs défauts probablement rédhibitoires dans un monde normal, les personnages sont ici sauvés par une humanité débordantes. Prenons pour illustrer cet aspect des choses le personnage de Howard Holowitz, l'ingénieur juif. C'est le plus pathétique des quatres geeks, car c'est le seul qui croit encore pouvoir réussir à draguer les filles en soirées. Mais il vit une relation étouffante avec sa mère, est musclé comme une crevette, et s'habille à la dernière mode de... 1972. Il est obsédé par le sexe, et offense régulièrement Penny à ce sujet. On pourrait mal le prendre. On pourrait s'en offusquer. Mais on en rit, car au sait que Howard n'est pas réellement obsédé par le sexe: c'est une parade, un masque, face à sa détresse, et à sa solitude qui est bien réelle, elle.

Dans une scène, il se révèle tel qu'il est vraiment, et se met à pleurer en avouant qu'il sait pertinemment bien qu'il n'a aucune chance de séduire une fille, que sa vie est pathérique. Un court instant, on ne rit plus, on découvre la Vérité de ce personnage. On le comprend. Il est humain et nous pouvons compatir. Evidemment, comme on est dans une sitcom, il n'apprend pas de ces erreurs: aussitôt a-t-il séché ses larmes qu'il retombe dans les mêmes travers, et se remet à draguer la première fille qui passe.

Le meta-humour
Traditionnellement, dans les sitcoms, les personnages ne font pas d'humour, car pour les spectateurs cela tomberait souvent à plat et ne serait pas drôle. Au contraire, les personnages sont les sujets de l'humour. Mais dans The Big Bang Theory, une chose rare arrive: Sheldon fait assez régulièrement des "blagues". Et elles sont hilarantes. Comment cela fonctionne-t-il?

Sheldon est une version humaine de Monsieur Spock: il ne comprends pas l'humour. C'est logique: lui, grand scientifique mais handicapé social, cherche a percer les secrets de ce qui fait une bonne blague, cet art mystérieux qui lui échappe. Dans ces conditions, Chuck Lorre peut se permettre de faire ce meta-humour, de l'humour SUR l'humour.

Sheldon met alors au point des stratagèmes extrêmement élaborés pour faire des farces à ses colocataires, qui n'en reviennent jamais du niveau d'absurdité de la chose. Et Sheldon de s'exclamer alors: "Bazinga!", onomatopée qui signifierait quelque chose comme "je t'ai bien eu!".

Le fantasme
Réalisme, humanisme, humour, voilà trois traits de caractères qui ne collent pas du tout à Penny, la jolie voisine. Dans le monde réel, la jolie voisine ne se serait jamais acoquinée avec ses terribles voisins de palier. Dans la vraie vie, elle ne leur pardonnerait pas leurs délires trois fois par épisode. Et certainement, dans la vraie vie, elle n'aurait pas de relation sentimentale avec Leonard (le leader des 4 geeks).

Penny a clairement un rôle structurel dans la série. Elle accepte tout sans se lasser, elle joue le rôle de punching-ball, à la différence qu'elle renvoie régulièrement les coups. Ce rôle un peu artificiel passe facilement car elle représente le fantasme absolu. On a tellement envie que ça se passe comme ça, que quand ça se passe, ça ne gêne personne. Et ça fait plaisir.

01 mars 2010

Vingt mille!

Je suis heureux d'annoncer que ce soir nous venons d'atteindre les 20.000 visiteurs sur le blog! Je suis content, même si j'espérais atteindre ce nombre plus tôt, quelque part à la mi-2009. Il faut dire que je n'ai pas été très actif l'année dernière, ceci explique cela.

Allez, promis, je ne vous embête plus avec ma comptabilité avant au moins... les 50.000!

Dans les prochains articles, probablement encore quelques interview, et je pense à reprendre la série "trucs et astuces" qui avait bien marché mais que j'ai arrêté par manque de temps (et d'idées). Ce coup-ci, j'ai assez de kilomètres au compteur pour vous en donner quelques bons!