Faire de l'humour dans un film, être "comique", est une tâche ardue. La comédie est une mécanique de précision, de nombreux auteurs le disent, mais il n'existe pas à proprement parler de "manuels de comédie" où l'on apprendrait les ficelles du genre. C'est que l'humour est fonction de son époque et des circonstances, il est en perpétuel mouvement. Figer l'humour dans des livres n'est donc pas possible.
Néanmoins, en partant de zéro, l'apprenti-auteur peut se perdre dans les dédales de calembours et de vannes vaseuses sans savoir par où commencer. La comédie est une mécanique, disions-nous, chaque mécanique comporte des pièces différentes, qu'il est aisé d'énumérer.
C'est ce que nous allons faire. Prenons les gros succès de comédies françaises et classons-les selon le type d'humour qu'ils présentent. Bien sûr, les films regroupent très souvent plusieurs éléments en même temps.
La parodie: comme Asterix et Obelix, Mission Cléopâtre. L'humour vient ici du détournement de références communes (et actuelles, d'où la courte durée de vie de ce genre), des références sérieuses tournées en dérision. Plus les références sont sérieuses, plus le détournement peut-être féroce et drôle.
Le benêt: le personnage a toujours un cran de retard sur les situations, d'où des quiproquos, des incompréhensions etc. Les films avec Pierre Richard jouent sur ce ressort. Evidemment, le benêt doit être confronté à un monde plein de dangers qui le dépassent complètement et s'en sortir indemne. C'est l'ode à la naïveté. Le dîner de cons pousse ce principe à son apogée.
Le buddy movie: deux personnages très différents sont mis ensemble contre leur gré et obligés de suivre la même aventure. De leurs différences naîtront des situations amusantes. La Grande Vadrouille et le Corniaud sont basée sur ce principe. Le bourgeois intellectuel face au "corniaud" de service. Les différences sociales vont ressortir.
La caricature: prendre un archétype de personnage et pousser ses défauts au maximum. Brice de Nice est une caricature du fils-à-papa pas très doué. Le rire provient des références à la réalité qui sont complètement exagérées.
Les bons mots: ici le rire ne provient pas de la construction de personnages, mais uniquement de phrases bien ficelées, comme savait le faire Audiard. Impossible de construire une histoire sur base uniquement de bons mots, mais il ne faut pas sous-estimer cet outil, qui se retrouve dans la plupart des films comiques. Ce sont des phrases qui font toujours sourire même sorties du contexte.
Cette liste n'est pas exhaustive. Les possibilités sont nombreuses, surtout en croisant plusieurs méthodes entre elles pour en former de nouvelles. Lorsque l'on veut faire de l'humour, il faut toujours se poser les questions suivantes: d'où vient l'humour? Est-il possible de maximiser le rire? Cet humour fait-il avancer le récit?
24 novembre 2006
19 novembre 2006
Décortiquer l'humour
John Rogers (scénariste américain), sur son blog Kung-Fu Monkey, explique régulièrement certains termes du jargon des scénaristes de séries télévisées américaines, un jargon souvent associé à l'humour.
Si à première vue ce jargon peut sembler superficiel, en réalité il démontre une connaissance approfondie des mécanismes qui font qu'une blague marche ou ne marche pas dans un scénario.
Un peu comme les esquimaux qui ont une dizaine de mots pour désigner la neige, les scénaristes comme John Rogers différencient les blagues par des termes différents. Un classement empirique qui permet rapidement de cerner les limites de chaque style de blague, et au besoin, d'en construire très rapidement.
Cette façon de faire est un peu mécanique: l'humour naît grâce à des recettes pré-établies que l'on peut ressortir à l'envi. Ce n'est pas de l'humour fin, ni très original. Mais il fonctionne, du moins dans des séries et des sitcom.
Nous allons donc faire un petit tour des techniques existantes. Je n'utiliserai pas le jargon d'origine, puisqu'il ne sera pas très parlant pour nous autres européens. Je me permets donc d'inventer des noms de toute pièce.
Le râteau: quelque chose de drôle se répète jusqu'à n'être plus drôle... et se répète encore pour en devenir finalement irrésistiblement drôle. Cette méthode est bien connue dans un épisode des Simpsons, où Homer marche sur un râteau, se fait mal, se retourne et marche sur un autre râteau... et ainsi de suite pendant une minute entière!
L'entrée fracassante: un personnage fait son entrée à un moment amusant. Exemple:
Personnage A : "Mais quelle espèce d'abruti pourrait bien avoir fait ça?"
Personnage B (il entre, tout naïf) "Sa-luuuut!"
La réponse cut: un personnage jure qu'il ne fera pas quelque chose. Cut. On le voit en train de le faire.
L'idiot: dans une scène très dramatique, insérer un idiot qui a toujours un temps de retard sur les autres et qui comprend tout de travers.
Mettre un défaut en lumière: si il y a un défaut de logique dans le scénario qui ne peut être résolu, autant faire en sorte qu'un personnage en parle de manière très explicite. C'est drôle mais ça affaibli l'ensemble du scénario.
L'aparté: un personnage rit avec tous les autres, puis subitement fait un aparté face caméra pour se plaindre. Cela montre son hypocrisie de manière drôle.
Voilà quelques exemples typiques que l'on retrouve dans de nombreuses sitcoms. Bien utilisées, elles peuvent être tordantes. Mais leur effet peut aussi être nul si la situation n'est pas bien préparée: dans la comédie, le rire est le dénouement d'une situation inextricable. Il n'arrive pas comme un cheveux dans la soupe.
Le rire c'est comme une grenouille: quand on la dissèque, elle meurt. Il convient de laisser une place importante à l'improvisation et au rire spontané. Mais dans un scénario de long-métrage, impossible de se passer de la construction méthodique de situations inextricables. Tous les films de Pierre Richard, par exemple, sont très construits.
Des théoriciens ont cherché à percé les secrets du rire provoqué par la comédie. Henri Bergson, par exemple, a publié en 1900 un essai sur le rire. Sa lecture n'est pas d'un grand secours pour les scénaristes. Tout au plus dégage-t-il quelques tendances. Les voici:
Premièrement, le rire est humain, et dans la comédie il est provoqué par les humains. La nature peut être belle, laide, puissante ou insignifiante, elle n'est jamais drôle. Donc la base de toute comédie ce sont des personnages bien construits, atypiques.
Deuxièmement, le rire ne s'adresse pas aux émotions, mais à l'intelligence. Le rire est issu d'un raisonnement logique. Les situations comiques doivent donc avoir un fondement logique, ou justement se moquer du manque de logique d'une situation.
Troisièmement, le rire n'est pas solitaire. Le rire est une communion. La comédie doit donc parler au gens, faire raisonner en eux des choses vécues. On ne rit pas de situations que l'on n'a jamais pu connaitre.
Bergson explore plus loin dans son ouvrage de nombreuses théories sur l'origine du rire dans la comédie. Mais faut-il lire Bergson pour écrire un scénario comique? Probablement pas.
Décortiquer l'humour est un jeu dangereux. Connaitre les recettes retire un peu de saveur à l'humour. C'est comme décortiquer le texte d'un humoriste. Instructif, mais pénible. A vous de voir.
Si à première vue ce jargon peut sembler superficiel, en réalité il démontre une connaissance approfondie des mécanismes qui font qu'une blague marche ou ne marche pas dans un scénario.
Un peu comme les esquimaux qui ont une dizaine de mots pour désigner la neige, les scénaristes comme John Rogers différencient les blagues par des termes différents. Un classement empirique qui permet rapidement de cerner les limites de chaque style de blague, et au besoin, d'en construire très rapidement.
Cette façon de faire est un peu mécanique: l'humour naît grâce à des recettes pré-établies que l'on peut ressortir à l'envi. Ce n'est pas de l'humour fin, ni très original. Mais il fonctionne, du moins dans des séries et des sitcom.
Nous allons donc faire un petit tour des techniques existantes. Je n'utiliserai pas le jargon d'origine, puisqu'il ne sera pas très parlant pour nous autres européens. Je me permets donc d'inventer des noms de toute pièce.
Le râteau: quelque chose de drôle se répète jusqu'à n'être plus drôle... et se répète encore pour en devenir finalement irrésistiblement drôle. Cette méthode est bien connue dans un épisode des Simpsons, où Homer marche sur un râteau, se fait mal, se retourne et marche sur un autre râteau... et ainsi de suite pendant une minute entière!
L'entrée fracassante: un personnage fait son entrée à un moment amusant. Exemple:
Personnage A : "Mais quelle espèce d'abruti pourrait bien avoir fait ça?"
Personnage B (il entre, tout naïf) "Sa-luuuut!"
La réponse cut: un personnage jure qu'il ne fera pas quelque chose. Cut. On le voit en train de le faire.
L'idiot: dans une scène très dramatique, insérer un idiot qui a toujours un temps de retard sur les autres et qui comprend tout de travers.
Mettre un défaut en lumière: si il y a un défaut de logique dans le scénario qui ne peut être résolu, autant faire en sorte qu'un personnage en parle de manière très explicite. C'est drôle mais ça affaibli l'ensemble du scénario.
L'aparté: un personnage rit avec tous les autres, puis subitement fait un aparté face caméra pour se plaindre. Cela montre son hypocrisie de manière drôle.
Voilà quelques exemples typiques que l'on retrouve dans de nombreuses sitcoms. Bien utilisées, elles peuvent être tordantes. Mais leur effet peut aussi être nul si la situation n'est pas bien préparée: dans la comédie, le rire est le dénouement d'une situation inextricable. Il n'arrive pas comme un cheveux dans la soupe.
Le rire c'est comme une grenouille: quand on la dissèque, elle meurt. Il convient de laisser une place importante à l'improvisation et au rire spontané. Mais dans un scénario de long-métrage, impossible de se passer de la construction méthodique de situations inextricables. Tous les films de Pierre Richard, par exemple, sont très construits.
Des théoriciens ont cherché à percé les secrets du rire provoqué par la comédie. Henri Bergson, par exemple, a publié en 1900 un essai sur le rire. Sa lecture n'est pas d'un grand secours pour les scénaristes. Tout au plus dégage-t-il quelques tendances. Les voici:
Premièrement, le rire est humain, et dans la comédie il est provoqué par les humains. La nature peut être belle, laide, puissante ou insignifiante, elle n'est jamais drôle. Donc la base de toute comédie ce sont des personnages bien construits, atypiques.
Deuxièmement, le rire ne s'adresse pas aux émotions, mais à l'intelligence. Le rire est issu d'un raisonnement logique. Les situations comiques doivent donc avoir un fondement logique, ou justement se moquer du manque de logique d'une situation.
Troisièmement, le rire n'est pas solitaire. Le rire est une communion. La comédie doit donc parler au gens, faire raisonner en eux des choses vécues. On ne rit pas de situations que l'on n'a jamais pu connaitre.
Bergson explore plus loin dans son ouvrage de nombreuses théories sur l'origine du rire dans la comédie. Mais faut-il lire Bergson pour écrire un scénario comique? Probablement pas.
Décortiquer l'humour est un jeu dangereux. Connaitre les recettes retire un peu de saveur à l'humour. C'est comme décortiquer le texte d'un humoriste. Instructif, mais pénible. A vous de voir.
12 novembre 2006
Les plans ne marchent jamais
Il y a une règle quasi universelle dans la fiction: quand le héros élabore un plan, rien ne va se passer comme prévu, tout va aller de travers, toutes les prévisions vont s'avérer fausses.
Dans Scarface, par exemple, Tony Montana est d'accord de piéger la voiture d'un politicien, mais au dernier moment la petite fille du pauvre gars monte dans la voiture... renversant tous les plans de Tony.
Dans les thrillers, cette règle est facile à comprendre pour faire monter le suspense. Mais dans d'autres genre aussi, elle peut se montrer très puissante.
Prenons une simple comédie romantique.
Le héros, peu habile avec les filles, prépare savamment son rendez-vous amoureux. Il prévoit un restaurant délicieux, il prévoit de termine la soirée dans un bar branché, il prévoit de ne pas trop parler de lui-même, il prévoit d'embrasser la fille, il prévoit de ne pas la laisser s'échapper sans fixer un nouveau rendez-vous. Tout à l'air parfaitement orchestré. Le héros s'est préparé à la victoire. Il la mérite.
Mais c'est le héros. Et un héros n'a pas droit à la victoire facile. Pour créer du conflit, ingrédient principal d'une fiction, tous les éléments vont se retourner contre le héros. D'abord le restaurant sera fermé, l'obligeant lui et sa conquête d'aller manger au hasard dans le premier bistrot venu. Ensuite, emporté par son élan, le héros va ne parler que de lui, sans s'en rendre compte. Puis, il n'osera jamais l'embrasser: jamais il ne trouvera un moment adéquat malgré ses multiples essais. Il y aura toujours quelqu'un, quelque chose, pour le retenir. Et puis en fin de soirée, lorsqu'il s'apprête à fixer un nouveau rendez-vous galant, voilà qu'il se met à pleuvoir des cordes, obligeant les tourtereaux à courir pour trouver un abris et se perdre définitivement de vue...
Ce genre de choses, dans la vie réelle, font passer le héros pour un sombre idiot. Dans une fiction, elles le rendent éminemment sympathique, car le spectateur aura probablement vécu des situations similaires. Il y a donc un sentiment d'empathie qui se crée. Et le héros devient attachant. Le reste de ses péripéties prendront donc une importance plus grande aux yeux des spectateurs.
Néanmoins, un plan contrarié amène le héros à entreprendre de nouvelles actions pour renverser la vapeur, et arriver à son objectif initial. Ces nouvelles actions seront encore plus héroïques, car demandant un grand effort, et elles rendront la victoire finale nettement plus méritée.
Conclusion: si un plan ne fonctionne jamais comme prévu, au final le résultat voulu est obtenu.
Dans Scarface, par exemple, Tony Montana est d'accord de piéger la voiture d'un politicien, mais au dernier moment la petite fille du pauvre gars monte dans la voiture... renversant tous les plans de Tony.
Dans les thrillers, cette règle est facile à comprendre pour faire monter le suspense. Mais dans d'autres genre aussi, elle peut se montrer très puissante.
Prenons une simple comédie romantique.
Le héros, peu habile avec les filles, prépare savamment son rendez-vous amoureux. Il prévoit un restaurant délicieux, il prévoit de termine la soirée dans un bar branché, il prévoit de ne pas trop parler de lui-même, il prévoit d'embrasser la fille, il prévoit de ne pas la laisser s'échapper sans fixer un nouveau rendez-vous. Tout à l'air parfaitement orchestré. Le héros s'est préparé à la victoire. Il la mérite.
Mais c'est le héros. Et un héros n'a pas droit à la victoire facile. Pour créer du conflit, ingrédient principal d'une fiction, tous les éléments vont se retourner contre le héros. D'abord le restaurant sera fermé, l'obligeant lui et sa conquête d'aller manger au hasard dans le premier bistrot venu. Ensuite, emporté par son élan, le héros va ne parler que de lui, sans s'en rendre compte. Puis, il n'osera jamais l'embrasser: jamais il ne trouvera un moment adéquat malgré ses multiples essais. Il y aura toujours quelqu'un, quelque chose, pour le retenir. Et puis en fin de soirée, lorsqu'il s'apprête à fixer un nouveau rendez-vous galant, voilà qu'il se met à pleuvoir des cordes, obligeant les tourtereaux à courir pour trouver un abris et se perdre définitivement de vue...
Ce genre de choses, dans la vie réelle, font passer le héros pour un sombre idiot. Dans une fiction, elles le rendent éminemment sympathique, car le spectateur aura probablement vécu des situations similaires. Il y a donc un sentiment d'empathie qui se crée. Et le héros devient attachant. Le reste de ses péripéties prendront donc une importance plus grande aux yeux des spectateurs.
Néanmoins, un plan contrarié amène le héros à entreprendre de nouvelles actions pour renverser la vapeur, et arriver à son objectif initial. Ces nouvelles actions seront encore plus héroïques, car demandant un grand effort, et elles rendront la victoire finale nettement plus méritée.
Conclusion: si un plan ne fonctionne jamais comme prévu, au final le résultat voulu est obtenu.
10 novembre 2006
Pourquoi écrire ?
Parfois on se demande si tous les efforts que l'on fait servent à quelque chose. L'espoir d'être publié s'amenuise, la confiance en soi aussi. A quoi bon persévérer?
Je pense que l'on n'écrit pas pour être publié, premièrement. Sinon, une fois le but atteint, l'écriture perdrait tout son intérêt. Or, ce n'est pas le cas. On n'écrit pas pour en faire son métier. Pas que pour ça, en tout cas.
Si on devait écouter Freud, on écrit pour attirer des partenaires sexuels tous azimuts. C'est un peu réducteur, mais il y a de ça: la volonté de plaire.
Mais c'est plus tordu: on veut plaire, non pas en écrivant des choses que l'on sait plaisantes, mais en écrivant avec notre coeur, avec nos tripes. Notre texte est une part de nous-même. Et donc, si le texte plait, d'une certaine façon c'est nous, en tant que personne, qui plaisons. Et ça, c'est vraiment gratifiant.
Alors, quand on n'est pas publié, que les textes sont lus uniquement par quelques proches, ou quelques internautes égarés, comment savoir si l'on plait? Et bien, tout simplement, un moment ou un autre, certains lecteurs séduits se manifestent.
C'est rare, mais ça arrive. Une petite lettre d'encouragement. Un message de félicitations. Oh! N'espérez pas en recevoir si vous n'offrez pas vos textes à la lecture du public, évidemment. Il faut oser montrer ses tripes et son coeur au grand jour, avec un certain courage.
Et parfois, par hasard, ce courage séduit. Un inconnu nous félicite. Une inconnue nous embrasse. Et ça, c'est le plus beau cadeau que les milliers de mots et de phrases peuvent nous apporter.
Je pense que l'on n'écrit pas pour être publié, premièrement. Sinon, une fois le but atteint, l'écriture perdrait tout son intérêt. Or, ce n'est pas le cas. On n'écrit pas pour en faire son métier. Pas que pour ça, en tout cas.
Si on devait écouter Freud, on écrit pour attirer des partenaires sexuels tous azimuts. C'est un peu réducteur, mais il y a de ça: la volonté de plaire.
Mais c'est plus tordu: on veut plaire, non pas en écrivant des choses que l'on sait plaisantes, mais en écrivant avec notre coeur, avec nos tripes. Notre texte est une part de nous-même. Et donc, si le texte plait, d'une certaine façon c'est nous, en tant que personne, qui plaisons. Et ça, c'est vraiment gratifiant.
Alors, quand on n'est pas publié, que les textes sont lus uniquement par quelques proches, ou quelques internautes égarés, comment savoir si l'on plait? Et bien, tout simplement, un moment ou un autre, certains lecteurs séduits se manifestent.
C'est rare, mais ça arrive. Une petite lettre d'encouragement. Un message de félicitations. Oh! N'espérez pas en recevoir si vous n'offrez pas vos textes à la lecture du public, évidemment. Il faut oser montrer ses tripes et son coeur au grand jour, avec un certain courage.
Et parfois, par hasard, ce courage séduit. Un inconnu nous félicite. Une inconnue nous embrasse. Et ça, c'est le plus beau cadeau que les milliers de mots et de phrases peuvent nous apporter.
07 novembre 2006
Les détails
Avec un ordinateur, l'outil le plus courant des écrivains modernes, il est possible de passer des semaines entières sans écrire une ligne de texte utile. C'est ce qui est en train de m'arriver, et ce n'est ni la première, ni la dernière fois. C'est juste extrêmement agaçant, et, comme un cercle vicieux, m'empêche de ma concentrer sur l'écriture.
Je parcours des livres de dramaturgie, des romans, des articles sur l'écriture, j'en écris... mais je n'arrive pas à poursuivre l'essentiel: mon scénario.
Ce n'est pas faute de préparation: j'ai déblayé le terrain pendant trois mois. J'ai une foule de documents préparatoires à ma disposition: des fiches de personnages, un séquencier, un traitement, un pitch, une analyse des thèmes, des enjeux, des actes.... Bref, normalement le scénario devrait s'écrire tout seul. Et là, non, je suis coincé.
Page treize, seulement.
Or, le plus frustrant, c'est que je sais exactement ce qu'il doit se passer dans la scène suivante: du début à la fin, j'ai tout prévu, tout planifié. Mais il y a une étape que j'ai sauté: les détails.
Je suis coincé par les détails. Je porte une attention considérable aux petits détails dans un scénario, car ce sont les choses qui sont les plus visibles à l'écran. Ce sont les choses qui feront la saveur du scénario.
La construction savamment orchestrée depuis des mois était bien sûr indispensable pour soutenir comme une charpente la substance du scénario: tous les petits riens qu'on a pas prévus et qui rendent pourtant le scénario unique. Ce sont les blagues, les bons mots, les dialogues, la mise en oeuvre de certains passages délicats, etc.
Or, tous ces détails, on peut difficilement tous les passer en revue avant même de commencer à écrire. On visualise le déroulement global du film, les scènes-clés. Mais pas toutes les petites scènes transitoires. Or, je refuse de les bâcler. Simplement, je dois envisager plusieurs approches et j'ai peur de m'engager dans une mauvaise voie.
Je sais qu'à force d'y réfléchir, je trouverai bien une issue à ce problème. Car c'est un pur problème mathématique: j'ai des éléments x (les personnages, les circonstances, l'action), et je dois les mettre en forme pour arriver à la scène y. Seulement il n'y a pas qu'une seule réponse possible. Contrairement aux mathématiques, le scénario accepte aussi les mauvaises réponses... A l'auteur de juger de son propre résultat.
Alors que la maîtrise globale de la structure constitue le b.a.-ba indispensable, la maîtrise des détails ne s'apprend pas, alors qu'elle est pourtant essentielle dans le ressenti global de la qualité du scénario. Les détails sont les preuves réelles du talent d'un auteur.
Heureusement, la talent, c'est le travail. Il y a donc de l'espoir.
Je parcours des livres de dramaturgie, des romans, des articles sur l'écriture, j'en écris... mais je n'arrive pas à poursuivre l'essentiel: mon scénario.
Ce n'est pas faute de préparation: j'ai déblayé le terrain pendant trois mois. J'ai une foule de documents préparatoires à ma disposition: des fiches de personnages, un séquencier, un traitement, un pitch, une analyse des thèmes, des enjeux, des actes.... Bref, normalement le scénario devrait s'écrire tout seul. Et là, non, je suis coincé.
Page treize, seulement.
Or, le plus frustrant, c'est que je sais exactement ce qu'il doit se passer dans la scène suivante: du début à la fin, j'ai tout prévu, tout planifié. Mais il y a une étape que j'ai sauté: les détails.
Je suis coincé par les détails. Je porte une attention considérable aux petits détails dans un scénario, car ce sont les choses qui sont les plus visibles à l'écran. Ce sont les choses qui feront la saveur du scénario.
La construction savamment orchestrée depuis des mois était bien sûr indispensable pour soutenir comme une charpente la substance du scénario: tous les petits riens qu'on a pas prévus et qui rendent pourtant le scénario unique. Ce sont les blagues, les bons mots, les dialogues, la mise en oeuvre de certains passages délicats, etc.
Or, tous ces détails, on peut difficilement tous les passer en revue avant même de commencer à écrire. On visualise le déroulement global du film, les scènes-clés. Mais pas toutes les petites scènes transitoires. Or, je refuse de les bâcler. Simplement, je dois envisager plusieurs approches et j'ai peur de m'engager dans une mauvaise voie.
Je sais qu'à force d'y réfléchir, je trouverai bien une issue à ce problème. Car c'est un pur problème mathématique: j'ai des éléments x (les personnages, les circonstances, l'action), et je dois les mettre en forme pour arriver à la scène y. Seulement il n'y a pas qu'une seule réponse possible. Contrairement aux mathématiques, le scénario accepte aussi les mauvaises réponses... A l'auteur de juger de son propre résultat.
Alors que la maîtrise globale de la structure constitue le b.a.-ba indispensable, la maîtrise des détails ne s'apprend pas, alors qu'elle est pourtant essentielle dans le ressenti global de la qualité du scénario. Les détails sont les preuves réelles du talent d'un auteur.
Heureusement, la talent, c'est le travail. Il y a donc de l'espoir.
03 novembre 2006
Créer un personnage
Dans un scénario, on indique le nom d'un personnage en majuscules lorsqu'on le rencontre pour la première fois. On décrit alors son aspect en quelques lignes.
C'est ce nombre important de facteurs qui rend la création d'un personnage difficile. En effet, elles sont toutes dépendantes l'une de l'autre. En modifier une, revient à modifier toutes les autres. Et donc, à modifier le récit en lui-même, car les actions menée par le personnage ne seront plus les mêmes.
Lors de l'élaboration d'un scénario, il peut être tentant de s'occuper uniquement de l'intrigue, et pour le personnage "on verra plus tard". C'est une erreur: en effet, intrigues et personnages sont intimement liés. Une intrigue avance grâce à ses personnages. Et les personnages vont être plus ou moins malmené par cette intrigue, et vont donc évoluer.
Pour créer un personnage de cinéma convaincant, il faut voguer entre deux limites. La limite inférieure est celle du personnage cliché, déjà vu mille fois, qui n'a aucune personnalité propre. C'est le "juge noir", la "blonde idiote", etc. Pour créer ce type de personnage, l'auteur ne fait aucun travail de création, mais il adapte simplement un canevas habituel à son histoire. Ce n'est pas très constructif. La limite supérieure est celle de l'intelligibilité. En effet, il faut que les agissements du personnages soient compréhensibles par le public. Si la personnalité du personnage est trop complexe pour être communiqué au public (cela concerne la plupart des êtres humains réels), le scénario deviendrait obscur.
Un personnage de cinéma n'est pas un être humain réel. C'est une représentation, plus ou moins stylisée, d'une réalité vue par l'auteur. La complexité d'un personnage de cinéma doit se montrer au travers d'actions concrètes. Il n'est pas possible d'aller dans sa tête et d'exposer longuement son passé comme un romancier pourrait se le permettre.
Et abandonnez tout de suite l'idée de montrer la personnalité d'un personnage uniquement par le dialogue: ça ne marche pas. Ce que dit un personnage ne le définit pas. C'est ce qu'il fait qui importe vraiment.
Il faut donc ruser.
Plusieurs tactiques sont offertes au scénariste pour montrer la personnalité d'un personnage.
La première consiste à placer deux scènes presque identiques au début et à la fin du récit, scènes qui permettent de révéler un changement de personnalité au cours de l'histoire. C'est ce que Philippe Perret appelle le Révélateur de Changement. Ce procédé consiste à montrer dans la première scène une caractéristique du personnage (par exemple: sa méchanceté) et ensuite à replacer le personnage dans les mêmes conditions... et à la faire réagir différemment, ce qui prouve qu'il a changé (par exemple: sa méchanceté est devenue de la gentillesse).
Un autre technique consiste à utiliser le dialogue pour... ensuite montrer l'inverse! "Bien sûr que je suis généreux", dit-il a sa petite copine au restaurant... et juste ensuite, il hésite à donner un pourboire au serveur. Ce genre de contradiction est une façon puissante de montrer un trait de caractère du personnage et de l'ancrer dans la tête du spectateur... pour éventuellement s'en resservir plus tard, dans d'autres circonstances plus grave (le pourboire sauvé lui permettra d'acheter des fleurs et de sauver son couple, par exemple).
La création d'un personnage est un art délicat, mais très amusant. Mélange d'observation de ses contemporains et de création pure, le personnage est un équilibre entre plusieurs extrêmes pour former un tout cohérent.
Le couvercle du cercueil s'ouvre et DRACULA se relève lentement, le teint pâle et les yeux injectés de sang. C'est un homme de grande taille, très imposant mais au visage froid et inexpressif. Il porte une cape rouge et noire. Sa démarche est lente et solennelle.Mais l'aspect physique et vestimentaire ne suffit pas à créer un personnage, loin de là. Un personnage est l'agrégation de plusieurs composantes: outre son aspect, ce sont sa façon de s'exprimer, son passé, sa façon d'être, ses choix et ses actions qui définissent tous autant l'impression globale qui va ressortir du personnage.
C'est ce nombre important de facteurs qui rend la création d'un personnage difficile. En effet, elles sont toutes dépendantes l'une de l'autre. En modifier une, revient à modifier toutes les autres. Et donc, à modifier le récit en lui-même, car les actions menée par le personnage ne seront plus les mêmes.
Lors de l'élaboration d'un scénario, il peut être tentant de s'occuper uniquement de l'intrigue, et pour le personnage "on verra plus tard". C'est une erreur: en effet, intrigues et personnages sont intimement liés. Une intrigue avance grâce à ses personnages. Et les personnages vont être plus ou moins malmené par cette intrigue, et vont donc évoluer.
Pour créer un personnage de cinéma convaincant, il faut voguer entre deux limites. La limite inférieure est celle du personnage cliché, déjà vu mille fois, qui n'a aucune personnalité propre. C'est le "juge noir", la "blonde idiote", etc. Pour créer ce type de personnage, l'auteur ne fait aucun travail de création, mais il adapte simplement un canevas habituel à son histoire. Ce n'est pas très constructif. La limite supérieure est celle de l'intelligibilité. En effet, il faut que les agissements du personnages soient compréhensibles par le public. Si la personnalité du personnage est trop complexe pour être communiqué au public (cela concerne la plupart des êtres humains réels), le scénario deviendrait obscur.
Un personnage de cinéma n'est pas un être humain réel. C'est une représentation, plus ou moins stylisée, d'une réalité vue par l'auteur. La complexité d'un personnage de cinéma doit se montrer au travers d'actions concrètes. Il n'est pas possible d'aller dans sa tête et d'exposer longuement son passé comme un romancier pourrait se le permettre.
Et abandonnez tout de suite l'idée de montrer la personnalité d'un personnage uniquement par le dialogue: ça ne marche pas. Ce que dit un personnage ne le définit pas. C'est ce qu'il fait qui importe vraiment.
Il faut donc ruser.
Plusieurs tactiques sont offertes au scénariste pour montrer la personnalité d'un personnage.
La première consiste à placer deux scènes presque identiques au début et à la fin du récit, scènes qui permettent de révéler un changement de personnalité au cours de l'histoire. C'est ce que Philippe Perret appelle le Révélateur de Changement. Ce procédé consiste à montrer dans la première scène une caractéristique du personnage (par exemple: sa méchanceté) et ensuite à replacer le personnage dans les mêmes conditions... et à la faire réagir différemment, ce qui prouve qu'il a changé (par exemple: sa méchanceté est devenue de la gentillesse).
Un autre technique consiste à utiliser le dialogue pour... ensuite montrer l'inverse! "Bien sûr que je suis généreux", dit-il a sa petite copine au restaurant... et juste ensuite, il hésite à donner un pourboire au serveur. Ce genre de contradiction est une façon puissante de montrer un trait de caractère du personnage et de l'ancrer dans la tête du spectateur... pour éventuellement s'en resservir plus tard, dans d'autres circonstances plus grave (le pourboire sauvé lui permettra d'acheter des fleurs et de sauver son couple, par exemple).
La création d'un personnage est un art délicat, mais très amusant. Mélange d'observation de ses contemporains et de création pure, le personnage est un équilibre entre plusieurs extrêmes pour former un tout cohérent.
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