Les conclusions du rapport Copé ont des implications lourdes pour les auteurs de la télévision française. La pérennité financière du service public est en jeu. Certes, il y aura toujours besoin de raconteurs d'histoires. Mais dans quelle proportion, et pour quel budget, c'est là que des questions se posent!
Il y a un an exactement, je terminais mon mémoire de fin d'études, au sujet de... la publicité sur le service public (belge). Au vu de l'actualité, j'y ai jeté un nouveau coup d'œil... Ma conclusion était plutôt gauchiste: oui, un service public "pur" - sans pub - est possible... Aujourd'hui cette conclusion est de droite! Ah! La politique!
Voilà ce que j'écrivais il y a un an:
Le recherche de l’audimat au sein de service public peut répondre à deux logiques différentes : la première consiste à dire qu’en tant que service public, il faut toucher un maximum de personnes. A titre de comparaison, un service public tel que les transports en commun est tenu de desservir l’ensemble des habitants, c’est là sa mission. Il en va de même pour l’audiovisuel, qui, contrairement aux chaînes privées, ne peut pas se contenter de s’adresser qu’à une partie du public.
La deuxième logique est celle, identique à une chaîne commerciale, qui cherche à accroître les revenus (par la publicité) pour investir dans des programmes plus attractifs.
Selon Bernard Hennebert (NdA: journaliste belge qui milite pour un meilleur service public), l’introduction de la publicité sur le service public en a perverti le fonctionnement. Elle a entraîné une surenchère dans l’achat de programmes coûteux qui ne servent que de support à la publicité. Il propose donc d’en revenir à la situation d’avant 1989 : un service public sans publicité !
Mon commentaire aujourd'hui:
Il est intéressant de noter, qu'en effet, il y eut une glorieuse mais brève époque en belgique où le service public était débarassé de tout écran publicitaire. Et je crois même me souvenir avoir lu quelque part qu'elle était financée par... les chaînes privées! Un non-sens profond ("une bonne histoire belge", commentait l'auteur), qui saute aux yeux de tout être normalement constitué: les bonnes performances du service public ne sont plus récompensées! Et pire, elles sont même victimes de leur succès: en grapillant des spectateurs aux chaînes privées, les bonnes émissions du service public font diminuer les revenus publicitaires de celles-ci, entraînant donc... une diminution des taxes qui leur reviennent! C'est aberrant!
Avec les propositions de Sarko, les chaînes publiques sont condamnées à ne plus évoluer financièrement, même si elle font du bon travail. Elles reçoivent leur enveloppe, se débrouillent avec, mais, de grâce, qu'elles n'aient pas l'outrecuidance d'être ambitieuses!
Le montage financier qui est proposé est totalement fantaisiste et contre-productif... Et c'est dommage, parce qu'un service public sans publicité, c'était une si belle idée.
Je reviens aux propos de Hennebert dans mon mémoire, qui résumait bien la situation: « Je souhaite que la RTBF soit sans publicité, afin d’en revenir aux vraies missions de service public. La publicité a entraîné la RTBF dans une spirale infernale de dépenses pour attirer les annonceurs. En fin de compte, on se demande si la publicité est si intéressante que ça ! Sans la pub, la RTBF n’aurait pas besoin d’autant investir dans des programmes racoleurs qui ne correspondent pas du tout à ses missions. Elle aurait assez de la subvention pour se concentrer sur des émissions de service public. Financièrement, la RTBF peut très bien s’en sortir de cette façon, sans la Formule 1, qui coûte une fortune, les gros blockbusters américains qui n’amènent rien, etc.… Elle doit lancer des émissions selon les besoins sociaux de la population. Le service public ne sera pas déserté par le public car il existe un véritable besoin de service public. »
C'est bien joli, tout ça, mais... quand est-ce qu'on ira faire pipi?
30 juin 2008
28 juin 2008
Dix mille visiteurs!
Aujourd'hui, le blog a passé le cap des 10.000 visiteurs uniques. Après un creux fin 2007, le blog a repris vie et ce mois de juin a compté 1.000 nouveaux visiteurs à lui tout seul! A l'évidence, les interviews ont pas mal de succès. Je poursuis donc dans cette voie.
Merci à vous, fidèles lecteurs!
Merci à vous, fidèles lecteurs!
26 juin 2008
Interview : Cédric Perrin & Jean-Christophe Hervé
On a tendance à imaginer les scénaristes comme des êtres solitaires, recroquevillés devant leur écran d'ordinateur, à l'écart du monde civilisé. Ce n'est pas le cas de Cédric Perrin & Jean-Christophe Hervé, duo de scénaristes en activité depuis quelques années. Comme aux Z'Amours, ils ont répondu à mes questions sans connaître les réponses de l'autre... Résultat de l'interview croisée: ils cultivent leur esperluette avec beaucoup d'humour et de tendresse!
La rencontre
Comment vous êtes-vous rencontrés?
Cédric: « C'était fin 2004. Je venais de m'inscrire à l'association "Séquences 7", affiliée à l'UGS. Quand je me suis présenté, j'ai parlé de la façon dont je voyais la fiction en France, de ce que je pensais des dialogues et toutes ces choses un peu prétentieuses qu'on dit quand on ne connaît pas vraiment la réalité. Il s'est reconnu dans ce que je disais. »
J-Christ: « On s'est foutu de la tronche de tous ces scénaristes, avec un sale esprit de petits cons qui croient pouvoir tout révolutionner, et c'est là qu'on a vu qu'on s'entendait vachement bien. Pour voir si il y avait la même entente dans l'écriture que sur l'ironie tête à claque, on s'est fait lire mutuellement des trucs qu'on avait écrits. Ça a fait tilt. »
Cédric: « Nos regards se sont croisés, le coup de foudre a été immédiat. On a mangé une pizza, il a posé sa main sur ma cuisse et c'était parti ! »
Vous avez eu rapidement des contrats?
J-Christ: « En ce qui me concerne, c'est une longue histoire. J'ai toujours travaillé à la télé, comme assistant-réalisateur ou comme réalisateur. J'ai co-écrit et réalisé un documentaire sur la musique cubaine pour Arte, il y a déjà de cela quelques années. Mais ma nouvelle vie de scénariste professionnelle a commencé avec l'écriture d'un épisode pour la série C com ç@, pour France 2. »
Cédric: « En fait on a eu nos deux premiers contrats à peu près en même temps, je crois. L'un pour la série jeunesse de France 2, C com ç@, et l'autre pour une série fantastique qui en est restée au stade du scénario, intitulée Dark Stories. Dans les deux cas, ça s'est passé par l'intermédiaire des blogs. Pour Dark Stories, le producteur lisait mon blog et m'a contacté par mail. Ca s'est vite et bien passé, on est allé jusqu'à la version dialoguée. Pour C com ç@ c'est Aurélie Marteau qui nous a filé le tuyau. »
J-Christ: « Le directeur de collection, Elie G. Abécéra, cherchait des auteurs et il nous a donné notre chance. Je lui en suis reconnaissant pour la vie, parce que tout le monde n'a pas cette démarche. Après ça, tout s'est enchaîné assez vite. Le plus dur, c'est de mettre un orteil dans l'engrenage. »
Cédric: « Ce sont ces deux rencontres qui nous on permis de commencer, parce que dans ce milieu, comme dans beaucoup d'autres, on ne te laisse pas vraiment ta chance si tu n'as rien fait avant. »
Ces contrats vous ont mené à un agent?
Cédric: « Oui! Avec ces deux contrats, et sous l'oeil bienveillant de Simon Jablonka, on a rencontré l'agent Lise Arif. Tout s'est ensuite enchaîné... »
J-Christ: « Comme elle n'est pas très difficile, elle nous a pris tout de suite (rires). Au début, elle nous a fait rencontrer pas mal de producteurs, nous a lancés dans le grand bain. Ça a fini par porter ses fruits. Mais c'est vrai qu'on lui a aussi apporté pas mal d'affaires de notre côté (Paris 16, Graine de maire…). Aujourd'hui, on est arrivés à se créer notre petit réseau, qui nous permet de trouver du travail, et on a de moins en moins besoin d'elle. Lise s'occupe alors surtout des contrats et des négos. Mais on sait qu'au moindre coup dur, elle nous fera rebondir en nous relançant sur d'autres pistes. Elle a un côté "maman" qui n'est pas désagréable. Même si parfois, c'est nous qui devons lui remonter le moral. Au bout d'un moment, nos relations prennent fatalement une dimension affective assez forte. »
La vie de couple
L'écriture en binôme, ça se passe comment?
J-Christ: « Ca va, jusqu'à maintenant, je n'ai pas encore eu d'envies de meurtre! »
Cédric: « On se ressemble beaucoup mais nous ne sommes pas des clones. Donc, parfois, c'est vrai que nous ne sommes pas d'accord, mais c'est vraiment rare. On écrit séparément, mais on en discute toujours avant de livrer aux producteurs. On tombe souvent d'accord, ou on fait confiance à l'autre quand on a un doute. Parfois, l'un des deux sent plus "la chose" que l'autre. »
J-Christ: « Je crois que si ça marche bien, c'est qu'on est maintenant assez conscients des préférences de chacun (scénaristiques j'entends). Et quand quelque chose ne va pas, on arrive à se le dire très vite et très franchement, ce qui évite les non-dits et les quiproquos. Maintenant, chacun a sa méthode. Lui a besoin d'écrire pour pouvoir écrire (ça peut paraître logique). Moi j'ai plus besoin de brainstormer à deux avant d'écrire. Je crois beaucoup à la maïeutique, l'accouchement de la pensée et des idées. Mais ça, c'est mon côté psy…En fait, le vrai avantage d'être à deux c'est surtout pour la PS3. Le mode coopératif sur Resistance: Fall of man, c'est quand même de la bombe! »
Vous divisez les gains en deux?
J-Christ: « Ah oui tiens, tu as raison, on divise en deux, j'y avais jamais réfléchi (rires). En fait, à deux on arrive à travailler sur plus de projets, donc ça compense. Quand on bosse sur deux ou trois séries en même temps (si si, ça nous est arrivé), le volume de travail devient vite important. Mais, à vrai dire, ce n'est pas une question qui m'obsède. »
Cédric: « La question ne se pose pas vraiment, puisqu'on signe toujours tout à deux. Les producteurs ne savent pas qui a fait quoi. En fait je crois que les producteurs préfèrent ça. Ca doit les rassurer. Ils se disent que le premier a l'air vieux et que le second a l'air con mais qu'ensemble, ça peut donner quelque chose ! »
J-Christ: « Ils savent qu'à deux, il y en aura toujours un qui pourra assurer si l'autre est malade ou en vacances, et puis ils se disent qu'on aura deux fois plus d'idées ! »
Aujourd'hui, vous pourriez retourner à l'écriture en solo?
Cédric: « Tant que ça marche bien entre nous, il n'y a pas de raison que ça s'arrête. Je crois que nous avons encore besoin de construire notre écriture à travers ce binôme. »
J-Christ: « J'avoue que maintenant que j'ai goûté aux joies de l'écriture à deux avec un partenaire "sur mesure", je ne sais pas si ça m'amuserait de me retrouver seul sur un projet. Ça ne veut pas dire que je n'y arriverais pas. Mais le coeur y serait moins. Et être heureux dans ce qu'on fait, partager ce qu'on fait avec des gens qu'on aime, c'est quand même pas loin du bonheur… »
Cédric: « Après, je pense que nous aurons envie de raconter des choses qui seront peut être plus personnelles. Ca peut être pour le cinéma, ou pour autre chose. J'écris une BD en ce moment et je le fais tout seul. Je crois que ça sera nécessaire à notre équilibre. Mais pour le moment, qui plus est à la télévision, on est et on sera toujours plus forts tous les deux. Parce qu'en face, je peux te dire qu'ils sont nombreux ! »
L'écriture
L'écriture d'une série jeunesse est-elle particulière?
Cédric: « Oui, on doit faire plus attention à ce qu'on dit et à ce qu'on montre. Pour les scène de sexe en groupe, par exemple, c'est plus compliqué. »
J-Christ: « Il faut surtout faire attention à ne pas parler d'alcool ou de choses que la morale réprouve. Bref, toujours avoir une arrière pensée éducative. On divertit les têtes blondes, mais on les éduque aussi un peu au passage. Ça leur fait pas de mal à ces morveux ! Après, il ne faut pas non plus trop s'autocensurer. Il ne s'agit pas de faire les Bisounours. Les mômes vivent dans la même réalité que nous, et ils savent plein de choses. Faut pas les prendre pour des débiles. L'équilibre se fait en discussion avec la chaîne. Je dois dire que sur France 2, la qualité de notre interlocutrice permet de faire en sorte que tout le monde soit heureux là-dessus. »
Cédric: « Mais c'est très plaisant à écrire parce que pour le moment, en France, la fiction jeunesse est pratiquement le seul endroit où l'on peut se permettre du délire, du non sens, des situations et des gags très visuels. Comme si seuls les enfants aimaient ça. C'est aussi le seul lieu où on peut faire un peu de teen-drama, qui est un genre que j'aime particulièrement. En tout cas je ne me sens pas du tout à l'étroit dans ce domaine là. je crois d'ailleurs que comme il y a moins de pression (de budget, d'audience), on y est plus libre qu'en access et en prime. »
Vous travaillez en ce moment à la création d'une nouvelle série. Comment le projet a-t-il démarré?
Cédric: « C'est Laurent Germain Maury, un réalisateur qu'on connaît bien, qui nous a appelé un jour en nous parlant de son concept de départ. On s'est fait une réunion avec lui, pour bien comprendre son envie de départ, puis on a brainstormé pour en faire quelque chose qui nous ressemble un peu plus. »
J-Christ: « On a fait une bible, avec description des personnages et développement des synopsis sur 8 épisodes, soit une saison complète. Même si ça reste dans les grandes lignes, ça permet d'avoir une bonne idée du potentiel des intrigues. On a imaginé une fin bouclée ainsi qu'une fin en cliffhanger, pour relancer sur une saison 2 encore plus haletante. »
Cédric : « Je me suis occupé de la description des personnages et, comme je le fais souvent, j'en profite pour y lancer des débuts d'arches narratives relatives aux personnages. »
J-Christ: « Si les personnages sont riches, leurs interactions seront importantes, et les intrigues d'autant plus faciles à imaginer. Même si c'est beaucoup de travail, hein ! »
Pendant l'écriture, vous avez déjà en tête la chaîne qui diffusera la série?
J-Christ: « On essaie d'abord d'écrire la série qui nous plait, c'est-à-dire qu'on aimerait voir à l'écran. Sinon, à quoi bon? Il faut que l'envie soit là, très forte, et qu'on prenne beaucoup de plaisir. Ensuite, on sait bien qu'il va falloir penser aux questions "Pour qui, avec qui…etc". »
Cédric: « Notre projet a un peu voyagé. Il est allé à Canal... puis au Canada. Là, les choses se sont un peu accélérées. Un gros producteur de là bas s'est dit intéressé. Ca impliquait aussi une grosse chaîne d'ici. On s'est donc lancé dans des petits synopsis pour chacun des 8 épisodes de la première saison. C'est seulement là que la série s'est révélée à nous, parce qu'on rentrait vraiment dans le vif du sujet. Avant cette étape, ça restait un peu abstrait. On sait maintenant à quoi nous avons envie qu'elle ressemble, mais le chemin est encore long. Le fait d'écrire en pensant à la chaîne, je crois que tu ne peux pas t'y empêcher. Même si là on évite parce que sinon on se dit que ça ne se fera jamais... »
J-Christ: « Avant de "lisser" la série dans le sens de ce qu'on pense que peut-être ils aimeraient, on préfère leur apporter ce qu'on a fait avec nos envies et nos goûts, et on verra bien. Il sera toujours temps plus tard, en fonction de leur réaction, de retravailler tout ça. Mais pas question là encore de s'autocensurer, ni d'essayer de prévenir des réactions qui ne seront peut-être pas du tout celles auxquelles on pouvait s'attendre. »
Quel est votre avis sur le rapport de la commission Copé, et son impact sur l'avenir des scénaristes en France?
Cédric: « Je suis plutôt de nature optimiste, donc je pense qu'on va pouvoir continuer à écrire et à faire des choses avec le service public. Et je crois vraiment que la suppression de la pub est une bonne chose. Alors après, on pourra toujours parler du financement. mais ce n'est pas à nous de régler ce problème, je crois. Quant à notre avenir à nous, je sais qu'il sera fait de hauts et de bas, comme c'est le cas depuis nos débuts. Mais si tu n'as pas pleinement conscience de ça, je crois qu'il est inutile de faire ce métier ! The best is yet to come ! »
J-Christ: « Il y aura toujours des histoires à raconter et des gens pour vouloir les écouter. Et donc toujours des gens pour les produire et les diffuser. Sur le service public comme ailleurs. Maintenant dans quel volume, est-ce qu'il y aura des morts ? Je ne sais pas. Le morcellement de l'audience, avec la montée de la TNT, peut laisser espérer que les petites chaînes auront un jour les moyens de produire elles aussi des fictions (cf. NRJ12). Ça devrait, à terme donner du boulot à pas mal d'auteurs. Je ne suis pas vraiment pessimiste là-dessus. On vit, c'est sûr, une période d'agitation et ça va tanguer un peu pendant quelques temps. Mais je crois qu'à terme, une fois la tempête passée, le ciel bleu devrait à nouveau revenir pour les auteurs, les producteurs, les diffuseurs, et aussi les téléspectateurs. Parce qu'ils veulent des séries, mais des "bonnes" séries. »
Si vous voulez en savoir plus sur ce duo de scénaristes, rendez-vous sur leurs blogs : Drama drama drama !(Cédric) et Journal dans ma tête(Jean-Christophe). Tout ce qu'on peut leur souhaiter, c'est plein de succès et de réussite pour la suite de leurs aventures trépidantes!
La rencontre
Comment vous êtes-vous rencontrés?
Cédric: « C'était fin 2004. Je venais de m'inscrire à l'association "Séquences 7", affiliée à l'UGS. Quand je me suis présenté, j'ai parlé de la façon dont je voyais la fiction en France, de ce que je pensais des dialogues et toutes ces choses un peu prétentieuses qu'on dit quand on ne connaît pas vraiment la réalité. Il s'est reconnu dans ce que je disais. »
J-Christ: « On s'est foutu de la tronche de tous ces scénaristes, avec un sale esprit de petits cons qui croient pouvoir tout révolutionner, et c'est là qu'on a vu qu'on s'entendait vachement bien. Pour voir si il y avait la même entente dans l'écriture que sur l'ironie tête à claque, on s'est fait lire mutuellement des trucs qu'on avait écrits. Ça a fait tilt. »
Cédric: « Nos regards se sont croisés, le coup de foudre a été immédiat. On a mangé une pizza, il a posé sa main sur ma cuisse et c'était parti ! »
Vous avez eu rapidement des contrats?
J-Christ: « En ce qui me concerne, c'est une longue histoire. J'ai toujours travaillé à la télé, comme assistant-réalisateur ou comme réalisateur. J'ai co-écrit et réalisé un documentaire sur la musique cubaine pour Arte, il y a déjà de cela quelques années. Mais ma nouvelle vie de scénariste professionnelle a commencé avec l'écriture d'un épisode pour la série C com ç@, pour France 2. »
Cédric: « En fait on a eu nos deux premiers contrats à peu près en même temps, je crois. L'un pour la série jeunesse de France 2, C com ç@, et l'autre pour une série fantastique qui en est restée au stade du scénario, intitulée Dark Stories. Dans les deux cas, ça s'est passé par l'intermédiaire des blogs. Pour Dark Stories, le producteur lisait mon blog et m'a contacté par mail. Ca s'est vite et bien passé, on est allé jusqu'à la version dialoguée. Pour C com ç@ c'est Aurélie Marteau qui nous a filé le tuyau. »
J-Christ: « Le directeur de collection, Elie G. Abécéra, cherchait des auteurs et il nous a donné notre chance. Je lui en suis reconnaissant pour la vie, parce que tout le monde n'a pas cette démarche. Après ça, tout s'est enchaîné assez vite. Le plus dur, c'est de mettre un orteil dans l'engrenage. »
Cédric: « Ce sont ces deux rencontres qui nous on permis de commencer, parce que dans ce milieu, comme dans beaucoup d'autres, on ne te laisse pas vraiment ta chance si tu n'as rien fait avant. »
Ces contrats vous ont mené à un agent?
Cédric: « Oui! Avec ces deux contrats, et sous l'oeil bienveillant de Simon Jablonka, on a rencontré l'agent Lise Arif. Tout s'est ensuite enchaîné... »
J-Christ: « Comme elle n'est pas très difficile, elle nous a pris tout de suite (rires). Au début, elle nous a fait rencontrer pas mal de producteurs, nous a lancés dans le grand bain. Ça a fini par porter ses fruits. Mais c'est vrai qu'on lui a aussi apporté pas mal d'affaires de notre côté (Paris 16, Graine de maire…). Aujourd'hui, on est arrivés à se créer notre petit réseau, qui nous permet de trouver du travail, et on a de moins en moins besoin d'elle. Lise s'occupe alors surtout des contrats et des négos. Mais on sait qu'au moindre coup dur, elle nous fera rebondir en nous relançant sur d'autres pistes. Elle a un côté "maman" qui n'est pas désagréable. Même si parfois, c'est nous qui devons lui remonter le moral. Au bout d'un moment, nos relations prennent fatalement une dimension affective assez forte. »
La vie de couple
L'écriture en binôme, ça se passe comment?
J-Christ: « Ca va, jusqu'à maintenant, je n'ai pas encore eu d'envies de meurtre! »
Cédric: « On se ressemble beaucoup mais nous ne sommes pas des clones. Donc, parfois, c'est vrai que nous ne sommes pas d'accord, mais c'est vraiment rare. On écrit séparément, mais on en discute toujours avant de livrer aux producteurs. On tombe souvent d'accord, ou on fait confiance à l'autre quand on a un doute. Parfois, l'un des deux sent plus "la chose" que l'autre. »
J-Christ: « Je crois que si ça marche bien, c'est qu'on est maintenant assez conscients des préférences de chacun (scénaristiques j'entends). Et quand quelque chose ne va pas, on arrive à se le dire très vite et très franchement, ce qui évite les non-dits et les quiproquos. Maintenant, chacun a sa méthode. Lui a besoin d'écrire pour pouvoir écrire (ça peut paraître logique). Moi j'ai plus besoin de brainstormer à deux avant d'écrire. Je crois beaucoup à la maïeutique, l'accouchement de la pensée et des idées. Mais ça, c'est mon côté psy…En fait, le vrai avantage d'être à deux c'est surtout pour la PS3. Le mode coopératif sur Resistance: Fall of man, c'est quand même de la bombe! »
Vous divisez les gains en deux?
J-Christ: « Ah oui tiens, tu as raison, on divise en deux, j'y avais jamais réfléchi (rires). En fait, à deux on arrive à travailler sur plus de projets, donc ça compense. Quand on bosse sur deux ou trois séries en même temps (si si, ça nous est arrivé), le volume de travail devient vite important. Mais, à vrai dire, ce n'est pas une question qui m'obsède. »
Cédric: « La question ne se pose pas vraiment, puisqu'on signe toujours tout à deux. Les producteurs ne savent pas qui a fait quoi. En fait je crois que les producteurs préfèrent ça. Ca doit les rassurer. Ils se disent que le premier a l'air vieux et que le second a l'air con mais qu'ensemble, ça peut donner quelque chose ! »
J-Christ: « Ils savent qu'à deux, il y en aura toujours un qui pourra assurer si l'autre est malade ou en vacances, et puis ils se disent qu'on aura deux fois plus d'idées ! »
Aujourd'hui, vous pourriez retourner à l'écriture en solo?
Cédric: « Tant que ça marche bien entre nous, il n'y a pas de raison que ça s'arrête. Je crois que nous avons encore besoin de construire notre écriture à travers ce binôme. »
J-Christ: « J'avoue que maintenant que j'ai goûté aux joies de l'écriture à deux avec un partenaire "sur mesure", je ne sais pas si ça m'amuserait de me retrouver seul sur un projet. Ça ne veut pas dire que je n'y arriverais pas. Mais le coeur y serait moins. Et être heureux dans ce qu'on fait, partager ce qu'on fait avec des gens qu'on aime, c'est quand même pas loin du bonheur… »
Cédric: « Après, je pense que nous aurons envie de raconter des choses qui seront peut être plus personnelles. Ca peut être pour le cinéma, ou pour autre chose. J'écris une BD en ce moment et je le fais tout seul. Je crois que ça sera nécessaire à notre équilibre. Mais pour le moment, qui plus est à la télévision, on est et on sera toujours plus forts tous les deux. Parce qu'en face, je peux te dire qu'ils sont nombreux ! »
L'écriture
L'écriture d'une série jeunesse est-elle particulière?
Cédric: « Oui, on doit faire plus attention à ce qu'on dit et à ce qu'on montre. Pour les scène de sexe en groupe, par exemple, c'est plus compliqué. »
J-Christ: « Il faut surtout faire attention à ne pas parler d'alcool ou de choses que la morale réprouve. Bref, toujours avoir une arrière pensée éducative. On divertit les têtes blondes, mais on les éduque aussi un peu au passage. Ça leur fait pas de mal à ces morveux ! Après, il ne faut pas non plus trop s'autocensurer. Il ne s'agit pas de faire les Bisounours. Les mômes vivent dans la même réalité que nous, et ils savent plein de choses. Faut pas les prendre pour des débiles. L'équilibre se fait en discussion avec la chaîne. Je dois dire que sur France 2, la qualité de notre interlocutrice permet de faire en sorte que tout le monde soit heureux là-dessus. »
Cédric: « Mais c'est très plaisant à écrire parce que pour le moment, en France, la fiction jeunesse est pratiquement le seul endroit où l'on peut se permettre du délire, du non sens, des situations et des gags très visuels. Comme si seuls les enfants aimaient ça. C'est aussi le seul lieu où on peut faire un peu de teen-drama, qui est un genre que j'aime particulièrement. En tout cas je ne me sens pas du tout à l'étroit dans ce domaine là. je crois d'ailleurs que comme il y a moins de pression (de budget, d'audience), on y est plus libre qu'en access et en prime. »
Vous travaillez en ce moment à la création d'une nouvelle série. Comment le projet a-t-il démarré?
Cédric: « C'est Laurent Germain Maury, un réalisateur qu'on connaît bien, qui nous a appelé un jour en nous parlant de son concept de départ. On s'est fait une réunion avec lui, pour bien comprendre son envie de départ, puis on a brainstormé pour en faire quelque chose qui nous ressemble un peu plus. »
J-Christ: « On a fait une bible, avec description des personnages et développement des synopsis sur 8 épisodes, soit une saison complète. Même si ça reste dans les grandes lignes, ça permet d'avoir une bonne idée du potentiel des intrigues. On a imaginé une fin bouclée ainsi qu'une fin en cliffhanger, pour relancer sur une saison 2 encore plus haletante. »
Cédric : « Je me suis occupé de la description des personnages et, comme je le fais souvent, j'en profite pour y lancer des débuts d'arches narratives relatives aux personnages. »
J-Christ: « Si les personnages sont riches, leurs interactions seront importantes, et les intrigues d'autant plus faciles à imaginer. Même si c'est beaucoup de travail, hein ! »
Pendant l'écriture, vous avez déjà en tête la chaîne qui diffusera la série?
J-Christ: « On essaie d'abord d'écrire la série qui nous plait, c'est-à-dire qu'on aimerait voir à l'écran. Sinon, à quoi bon? Il faut que l'envie soit là, très forte, et qu'on prenne beaucoup de plaisir. Ensuite, on sait bien qu'il va falloir penser aux questions "Pour qui, avec qui…etc". »
Cédric: « Notre projet a un peu voyagé. Il est allé à Canal... puis au Canada. Là, les choses se sont un peu accélérées. Un gros producteur de là bas s'est dit intéressé. Ca impliquait aussi une grosse chaîne d'ici. On s'est donc lancé dans des petits synopsis pour chacun des 8 épisodes de la première saison. C'est seulement là que la série s'est révélée à nous, parce qu'on rentrait vraiment dans le vif du sujet. Avant cette étape, ça restait un peu abstrait. On sait maintenant à quoi nous avons envie qu'elle ressemble, mais le chemin est encore long. Le fait d'écrire en pensant à la chaîne, je crois que tu ne peux pas t'y empêcher. Même si là on évite parce que sinon on se dit que ça ne se fera jamais... »
J-Christ: « Avant de "lisser" la série dans le sens de ce qu'on pense que peut-être ils aimeraient, on préfère leur apporter ce qu'on a fait avec nos envies et nos goûts, et on verra bien. Il sera toujours temps plus tard, en fonction de leur réaction, de retravailler tout ça. Mais pas question là encore de s'autocensurer, ni d'essayer de prévenir des réactions qui ne seront peut-être pas du tout celles auxquelles on pouvait s'attendre. »
Quel est votre avis sur le rapport de la commission Copé, et son impact sur l'avenir des scénaristes en France?
Cédric: « Je suis plutôt de nature optimiste, donc je pense qu'on va pouvoir continuer à écrire et à faire des choses avec le service public. Et je crois vraiment que la suppression de la pub est une bonne chose. Alors après, on pourra toujours parler du financement. mais ce n'est pas à nous de régler ce problème, je crois. Quant à notre avenir à nous, je sais qu'il sera fait de hauts et de bas, comme c'est le cas depuis nos débuts. Mais si tu n'as pas pleinement conscience de ça, je crois qu'il est inutile de faire ce métier ! The best is yet to come ! »
J-Christ: « Il y aura toujours des histoires à raconter et des gens pour vouloir les écouter. Et donc toujours des gens pour les produire et les diffuser. Sur le service public comme ailleurs. Maintenant dans quel volume, est-ce qu'il y aura des morts ? Je ne sais pas. Le morcellement de l'audience, avec la montée de la TNT, peut laisser espérer que les petites chaînes auront un jour les moyens de produire elles aussi des fictions (cf. NRJ12). Ça devrait, à terme donner du boulot à pas mal d'auteurs. Je ne suis pas vraiment pessimiste là-dessus. On vit, c'est sûr, une période d'agitation et ça va tanguer un peu pendant quelques temps. Mais je crois qu'à terme, une fois la tempête passée, le ciel bleu devrait à nouveau revenir pour les auteurs, les producteurs, les diffuseurs, et aussi les téléspectateurs. Parce qu'ils veulent des séries, mais des "bonnes" séries. »
Si vous voulez en savoir plus sur ce duo de scénaristes, rendez-vous sur leurs blogs : Drama drama drama !(Cédric) et Journal dans ma tête(Jean-Christophe). Tout ce qu'on peut leur souhaiter, c'est plein de succès et de réussite pour la suite de leurs aventures trépidantes!
24 juin 2008
23 juin 2008
Les dialogues
Au fil de mes articles, j'ai abordé presque toutes les facettes de l'écriture d'un scénario, mais depuis trop longtemps maintenant j'évite le sujet qui me terrifie le plus... les dialogues. L'heure est venue d'affronter la réalité: un scénario s'évalue de prime abord par ses dialogues. C'est dire l'importance qu'ils ont.
J'ai du mal avec les dialogues. Mais je pense avoir découvert la cause de mes ennuis: je réfléchis trop. Un dialogue se doit d'être naturel, spontané. Un dialogue "écrit" se sent, et il détonne.
Cela étant dit, il ne faut quand même pas se lancer à l'improviste dans cette périlleuse aventure. J'ai remarqué que les dialogues ne sont bons que si les personnages sont bien caractérisés. Des personnages un peu mous, banals, passe-partout, sont difficiles à écrire: que pourraient-ils dire? Souvent, ces personnages "normaux" ("un adolescent normal, qui mène une vie normale, dans une ville normale") sont très proches du scénariste lui-même, qui manque de recul, et du coup, cerne mal son personnage. Et les dialogues s'en ressentent. Ils sont bancals, et sonnent souvent très faux.
C'est, je pense, le défaut principal de la grande majorité des productions françaises actuelles. Les personnages sont d'une banalité à faire peur. Prenons les adolescents de "St-Ex", l'école tout ce qu'il y a de plus normal. Ils sont ma foi très réalistes. Il y a bien quelques personnalités un peu cliché, mais dans l'ensemble, c'est proche de ce que l'on rencontre "pour de vrai". Le problème c'est que ces personnages "normaux" (pour favoriser l'identification, j'imagine) sont confrontés à des intrigues beaucoup moins banales. La collision de deux ambitions différentes (réalisme vs. intrigues tordues) donne un résultat évidemment pataud, où les dialogues sont les premiers à encaisser.
A l'inverse, les séries américaines ont nettement moins peur de créer des personnages outranciers, avec des dialogues qui glissent plus aisément dans leurs bouches. Dr House, par exemple, est un docteur peu réaliste. Sa misanthropie est tellement caricaturale que ses dialogues peuvent se permettre de dévier dans les joutes verbales que l'on ne trouve que chez lui. Et ça ne choque guère, puisque c'est à l'image du personnage.
Le principal ingrédient d'un bon dialogue est donc l'adéquation entre les paroles prononcées et l'identité du personnage. Est-il du genre à rentrer chez lui le soir en disant "bonjour tout le monde!" ou "qu'est-ce qu'on mange ce soir?". Il faut bien connaître son personnage pour déterminer ce genre de détails.
Alors bien sûr, on pourrait parler des niveau de langage. Mais ça c'est évident: un SDF alcoolique ne parle pas comme un doctorant en philosophie.
Il ne s'agit pas que de cela. Tout le monde ne dit pas les mêmes choses. Certains s'abstiennent de commentaires, d'autres sont bavards. Et donc les mauvais dialogues viennent parfois de "l'obligation" de faire parler un personnage parce que l'intrigue le demande. C'est un mauvais calcul. Un scénario doit rester organique, pas mécanique. Si le personnage n'a pas envie de parler, trouvez une autre solution!
Ecoutez ce que vos personnages ont à vous dire, ça vous mâchera le boulot!
J'ai du mal avec les dialogues. Mais je pense avoir découvert la cause de mes ennuis: je réfléchis trop. Un dialogue se doit d'être naturel, spontané. Un dialogue "écrit" se sent, et il détonne.
Cela étant dit, il ne faut quand même pas se lancer à l'improviste dans cette périlleuse aventure. J'ai remarqué que les dialogues ne sont bons que si les personnages sont bien caractérisés. Des personnages un peu mous, banals, passe-partout, sont difficiles à écrire: que pourraient-ils dire? Souvent, ces personnages "normaux" ("un adolescent normal, qui mène une vie normale, dans une ville normale") sont très proches du scénariste lui-même, qui manque de recul, et du coup, cerne mal son personnage. Et les dialogues s'en ressentent. Ils sont bancals, et sonnent souvent très faux.
C'est, je pense, le défaut principal de la grande majorité des productions françaises actuelles. Les personnages sont d'une banalité à faire peur. Prenons les adolescents de "St-Ex", l'école tout ce qu'il y a de plus normal. Ils sont ma foi très réalistes. Il y a bien quelques personnalités un peu cliché, mais dans l'ensemble, c'est proche de ce que l'on rencontre "pour de vrai". Le problème c'est que ces personnages "normaux" (pour favoriser l'identification, j'imagine) sont confrontés à des intrigues beaucoup moins banales. La collision de deux ambitions différentes (réalisme vs. intrigues tordues) donne un résultat évidemment pataud, où les dialogues sont les premiers à encaisser.
A l'inverse, les séries américaines ont nettement moins peur de créer des personnages outranciers, avec des dialogues qui glissent plus aisément dans leurs bouches. Dr House, par exemple, est un docteur peu réaliste. Sa misanthropie est tellement caricaturale que ses dialogues peuvent se permettre de dévier dans les joutes verbales que l'on ne trouve que chez lui. Et ça ne choque guère, puisque c'est à l'image du personnage.
Le principal ingrédient d'un bon dialogue est donc l'adéquation entre les paroles prononcées et l'identité du personnage. Est-il du genre à rentrer chez lui le soir en disant "bonjour tout le monde!" ou "qu'est-ce qu'on mange ce soir?". Il faut bien connaître son personnage pour déterminer ce genre de détails.
Alors bien sûr, on pourrait parler des niveau de langage. Mais ça c'est évident: un SDF alcoolique ne parle pas comme un doctorant en philosophie.
Il ne s'agit pas que de cela. Tout le monde ne dit pas les mêmes choses. Certains s'abstiennent de commentaires, d'autres sont bavards. Et donc les mauvais dialogues viennent parfois de "l'obligation" de faire parler un personnage parce que l'intrigue le demande. C'est un mauvais calcul. Un scénario doit rester organique, pas mécanique. Si le personnage n'a pas envie de parler, trouvez une autre solution!
Ecoutez ce que vos personnages ont à vous dire, ça vous mâchera le boulot!
19 juin 2008
De toute façon...
Il y a une expression que les scénaristes - et tous les artistes du monde - devraient rayer de leur vocabulaire, c'est "de toute façon". Avec "de toute façon", on transforme l'or en plomb. Avec "de toute façon", on laisse le système remporter la victoire. Avec "de toute façon", l'art se meurt.
Quand est-ce qu'on entend les scénaristes dire ça? Sous la pression, ou en période de fatigue. "Pourquoi je prendrais la peine de réécrire l'acte 2, de toute façon le producteur a déjà signé?". "Pourquoi faire des bons scénarios, puisque de toute façon les mauvais marchent aussi?".
De toute façon, c'est l'ennemi juré de la bonne télévision. Et ça vaut pour les détails aussi. Comme disait ce bon vieux Aristote, l'excellence n'est pas une attitude, mais une habitude. C'est pourquoi, il faut relever ses manches, mordre sur sa chique, et retravailler le texte jusqu'à obtention d'un truc valable.
Mais je me demande pourquoi j'écris tout ça. De toute façon, personne n'écoute ce genre de conseils...
Quand est-ce qu'on entend les scénaristes dire ça? Sous la pression, ou en période de fatigue. "Pourquoi je prendrais la peine de réécrire l'acte 2, de toute façon le producteur a déjà signé?". "Pourquoi faire des bons scénarios, puisque de toute façon les mauvais marchent aussi?".
De toute façon, c'est l'ennemi juré de la bonne télévision. Et ça vaut pour les détails aussi. Comme disait ce bon vieux Aristote, l'excellence n'est pas une attitude, mais une habitude. C'est pourquoi, il faut relever ses manches, mordre sur sa chique, et retravailler le texte jusqu'à obtention d'un truc valable.
Mais je me demande pourquoi j'écris tout ça. De toute façon, personne n'écoute ce genre de conseils...
16 juin 2008
Interview : Jean-Marc Rudnicki
Jean-Marc Rudnicki écrit des séries françaises depuis 10 ans. Julie Lescaut, Diane, femme flic, Une femme d'honneur, Les Cordier, juge et flic, Léa Parker, et encore bien d'autres font partie de son palmarès. Il est le créateur de série Cellule Indentité, diffusée sur M6. Il est également connu chez les scénaristes amateurs pour son livre "Ecrire un court-métrage" paru aux éditions Dixit. En résumé: le pro qu'on aimerait tous devenir! Il a eu la gentillesse de répondre à mes questions.
Comment êtes-vous devenu scénariste?
Jean-Marc Rudnicki: Mon premier pas dans ce métier date de 1998, suite à une rencontre avec la productrice Isabelle Fauvel. Elle m'a placé sur une série d'animation pour France 3. Puis de fil en aiguille, j'ai fait la connaissance de Judith Louis (actuellement conseillère de programme à France 2) - à cette époque directrice littéraire chez Telfrance, et qui s'occupait de la série "Les Cordier, juge et flic". Encore jeune et peu expérimenté, je n'ai pas pu mener ce texte jusqu'à son terme. Mais ce fut une très bonne "mise en bouche" ; j'ai pu aller sur le tournage, rencontrer les acteurs, et prendre conscience des contraintes de production d'un téléfilm. Par la suite, j'ai travaillé sur du sitcom, puis des séries d'access, avant de me focaliser sur le prime-time policier, en partie pour TF1.
Vos débuts ont-ils été faciles?
En ce qui me concerne, rien ne s'est enchaîné facilement. J'avais pourtant cru qu'en ayant fait un "Cordier", tout irait plus vite. Pendant deux ans, je me suis retrouvé sur des plans "galère", mal payés, et j'avais choisi un agent débutant, qui n'a pas su faire fructifier mon maigre capital de scénariste. Mais j'ai tenu bon. Quand on me jetait par la porte, je fracassais la fenêtre ou je passais par la cheminée ! Et puis, comme souvent, il y a quelqu'un qui vous repêche du caniveau, croit en vous, et vous redonne votre chance. Dans mon cas, cet ange gardien s'appelle Marie Guilmineau. Nous avons travaillé ensemble sur un projet de série pour France 2. Elle ne s'est pas faite, mais Marie m'a jeté dans les bras de l'agent Lise Arif (que tout le monde connaît bien). Et depuis, je ne chôme pas !
Qu'en est-il aujourd'hui? Et comment voyez-vous l'avenir?
Les 5 dernières années étaient beaucoup plus stables qu'aujourd'hui. M'étant spécialisé dans le "polar", j'avais du travail à foison. J'écrivais "à la commande" sur des séries appréciés du grand public et j'étais assuré d'avoir mon "carnet" plein au moins sur une année voire deux. Sans parler de la culbute des droits d'auteur à la diffusion. Aujourd'hui, avec le changement de comportement du spectateur, suite à l'apparition de nouveaux réseaux télévisuels (TNT, Internet...), l'audience a baissé partout, y compris sur des chaînes leader comme TF1. Quant au service public, il subit actuellement une mutation majeure, liée à la suppression de la publicité. On ne peut pas dire de quoi demain sera fait. Et je pense ne pas être le seul à m'interroger sur l'avenir de mon métier. Mais je reste optimiste. La télévision aura toujours besoin de "conteurs".
Quelque soit le format, ou le genre...
Que pensez-vous du format 52' qui s'impose de plus en plus?
J'ai le sentiment qu'en matière de série, le 52', est le bon format. Le 90' marche bien pour les "unitaires", mais dans un polar, vous vous retrouvez avec une intrigue secondaire (familiale, le plus souvent) qui alourdit le rythme, et vous complique la vie quand il faut faire des modifications. Et ça arrive souvent. Si vous écrivez votre 52' en 4 ou 5 actes, votre vision du texte est plus claire. Je dis souvent que modifier un 90', c'est comme modifier la trajectoire du Titanic ! C'est plus compliqué... Est-ce à dire pour autant qu'il ne faut plus faire que du 52' ? Absolument pas. Tout dépend du projet. Force est de constater que ce format n'a pas été le sauveteur annoncé de l'audience en berne. Je crois davantage au sujet qu'à son format.
Comment réagissez-vous devant les critiques parfois violentes que la presse adresse aux séries françaises?
Il y a une certaine méfiance de la presse, et un à priori des téléspectateurs jeunes notamment, vis à vis des nouvelles fictions françaises. Nous l'avons constaté avec "Cellule Identité" (série pour M6, créée avec mon coauteur Simon Jablonka) en surfant sur les forums ou les blogs. "Encore une série au rabais..." "C'est français, je regarde pas..." Etc. De quoi vous flinguer le moral quand vous avez travaillé sur un projet pendant deux ans ! Les américains ont une telle avance sur nous, que la barre est très haute. Quand une série est estampillée "USA", les jeunes ont le sentiment qu'ils auront une narration vive, moderne, en phase avec eux. Et ils n'ont pas tort ! Par contre, quand ils font l'effort de venir voir les séries françaises, ils sont souvent agréablement surpris.
Quelles sont vos références en matière de séries TV?
Un peu celles de tout le monde : "Grey's..." "Desperate..." "Californication"... "Weeds"... "Sopranos..." "The office"... Mais aussi des séries françaises : les premières saisons de "Avocats & Associés", "Engrenages Saison 2"...
Merci!
Comment êtes-vous devenu scénariste?
Jean-Marc Rudnicki: Mon premier pas dans ce métier date de 1998, suite à une rencontre avec la productrice Isabelle Fauvel. Elle m'a placé sur une série d'animation pour France 3. Puis de fil en aiguille, j'ai fait la connaissance de Judith Louis (actuellement conseillère de programme à France 2) - à cette époque directrice littéraire chez Telfrance, et qui s'occupait de la série "Les Cordier, juge et flic". Encore jeune et peu expérimenté, je n'ai pas pu mener ce texte jusqu'à son terme. Mais ce fut une très bonne "mise en bouche" ; j'ai pu aller sur le tournage, rencontrer les acteurs, et prendre conscience des contraintes de production d'un téléfilm. Par la suite, j'ai travaillé sur du sitcom, puis des séries d'access, avant de me focaliser sur le prime-time policier, en partie pour TF1.
Vos débuts ont-ils été faciles?
En ce qui me concerne, rien ne s'est enchaîné facilement. J'avais pourtant cru qu'en ayant fait un "Cordier", tout irait plus vite. Pendant deux ans, je me suis retrouvé sur des plans "galère", mal payés, et j'avais choisi un agent débutant, qui n'a pas su faire fructifier mon maigre capital de scénariste. Mais j'ai tenu bon. Quand on me jetait par la porte, je fracassais la fenêtre ou je passais par la cheminée ! Et puis, comme souvent, il y a quelqu'un qui vous repêche du caniveau, croit en vous, et vous redonne votre chance. Dans mon cas, cet ange gardien s'appelle Marie Guilmineau. Nous avons travaillé ensemble sur un projet de série pour France 2. Elle ne s'est pas faite, mais Marie m'a jeté dans les bras de l'agent Lise Arif (que tout le monde connaît bien). Et depuis, je ne chôme pas !
Qu'en est-il aujourd'hui? Et comment voyez-vous l'avenir?
Les 5 dernières années étaient beaucoup plus stables qu'aujourd'hui. M'étant spécialisé dans le "polar", j'avais du travail à foison. J'écrivais "à la commande" sur des séries appréciés du grand public et j'étais assuré d'avoir mon "carnet" plein au moins sur une année voire deux. Sans parler de la culbute des droits d'auteur à la diffusion. Aujourd'hui, avec le changement de comportement du spectateur, suite à l'apparition de nouveaux réseaux télévisuels (TNT, Internet...), l'audience a baissé partout, y compris sur des chaînes leader comme TF1. Quant au service public, il subit actuellement une mutation majeure, liée à la suppression de la publicité. On ne peut pas dire de quoi demain sera fait. Et je pense ne pas être le seul à m'interroger sur l'avenir de mon métier. Mais je reste optimiste. La télévision aura toujours besoin de "conteurs".
Quelque soit le format, ou le genre...
Que pensez-vous du format 52' qui s'impose de plus en plus?
J'ai le sentiment qu'en matière de série, le 52', est le bon format. Le 90' marche bien pour les "unitaires", mais dans un polar, vous vous retrouvez avec une intrigue secondaire (familiale, le plus souvent) qui alourdit le rythme, et vous complique la vie quand il faut faire des modifications. Et ça arrive souvent. Si vous écrivez votre 52' en 4 ou 5 actes, votre vision du texte est plus claire. Je dis souvent que modifier un 90', c'est comme modifier la trajectoire du Titanic ! C'est plus compliqué... Est-ce à dire pour autant qu'il ne faut plus faire que du 52' ? Absolument pas. Tout dépend du projet. Force est de constater que ce format n'a pas été le sauveteur annoncé de l'audience en berne. Je crois davantage au sujet qu'à son format.
Comment réagissez-vous devant les critiques parfois violentes que la presse adresse aux séries françaises?
Il y a une certaine méfiance de la presse, et un à priori des téléspectateurs jeunes notamment, vis à vis des nouvelles fictions françaises. Nous l'avons constaté avec "Cellule Identité" (série pour M6, créée avec mon coauteur Simon Jablonka) en surfant sur les forums ou les blogs. "Encore une série au rabais..." "C'est français, je regarde pas..." Etc. De quoi vous flinguer le moral quand vous avez travaillé sur un projet pendant deux ans ! Les américains ont une telle avance sur nous, que la barre est très haute. Quand une série est estampillée "USA", les jeunes ont le sentiment qu'ils auront une narration vive, moderne, en phase avec eux. Et ils n'ont pas tort ! Par contre, quand ils font l'effort de venir voir les séries françaises, ils sont souvent agréablement surpris.
Quelles sont vos références en matière de séries TV?
Un peu celles de tout le monde : "Grey's..." "Desperate..." "Californication"... "Weeds"... "Sopranos..." "The office"... Mais aussi des séries françaises : les premières saisons de "Avocats & Associés", "Engrenages Saison 2"...
Merci!
12 juin 2008
L'histoire précède le récit
C'est de la logique pure: il faut savoir ce que l'on veut raconter avant de le raconter! Et pourtant, les Apprentis Scénaristes ont vite tendance à écrire d'abord, réfléchir ensuite. L'idée que l'histoire va "se raconter toute seule" au fur et à mesure de l'écriture est fantaisiste, ou du moins, se borne aux petites histoires simples et linéaires. J'ose espérer que tout le monde ne se contente pas de ça.
Dés lors que le niveau de complexité de l'histoire dépasse un certain seuil, il est nécéssaire de préparer le terrain, dans une mesure plus ou moins grande. Au fur et à mesure de mon expérience, je peux affirmer que plus la préparation est importante, meilleur est le récit final (pour autant que l'idée de base ait du potentiel).
Avant d'aller plus loin, rappellons deux concepts à ne pas confondre:
1) l'histoire, qui correspond au fond, au sens de l'histoire. Ce sont les faits objectifs qui se déroulent dans l'ordre chronologique.
2) le récit, qui est la forme que l'on donne à l'histoire. C'est ce qui nous est raconté, dans l'ordre que l'auteur choisit, avec sa subjectivité.
Et donc, on en revient au titre de l'article: l'histoire précède le récit.
La préparation à laquelle je me réfère doit porter sur l'histoire, et non le récit, qui vient ensuite. Il faut prendre du recul par rapport à la manière de raconter l'histoire, pour essayer d'en explorer tous les méandres, toutes les potentialités, quitte à laisser tomber une grande partie du travail accompli.
Il faut garder en tête que l'écriture n'est pas un procédé économe: il y a beaucoup de gaspillage. C'est l'image de la montagne qui accouche d'une souris. Néanmoins, le travail accompli en amont se "sent", au final.
Je me souviens, la première fois que j'étais sur un plateau de tournage, je trouvais hallucinant qu'un type soit payé pour prendre des photos du décor pour pouvoir remettre exactement au même endroit *une peluche sur un lit*. Je m'écriais: mais quelle perte de temps! Aucun spectateur ne verra ça à l'écran!
Et la réponse, pleine de sagesse, fut: "Mais les spectateurs le *sentiront*".
Depuis, je pars du principe que chaque élément qui n'est pas correctement préparé finit toujours par se sentir, tôt ou tard. Pensez aux textes classiques de Corneille, dont la qualité n'est plus à discuter aujourd'hui. Eh bien, plusieurs siècles plus tard, des spécialistes continuent de débattre pour savoir si les réactions du Cid sont psychologiquement valables...
Vous pourrez abuser vos contemporains, un jour, un mois, un an, peut-être, mais finalement, il y aura toujours quelqu'un pour détecter les facilités, les approximations et les arnaques.
Ecrivez comme si votre texte allait être passé au scalpel, dans 5 siècles, par une armée de spécialistes. Vous n'en serez, j'espère, que plus vigilants, et serez convaincus qu'une bonne préparation est indispensable!
Dés lors que le niveau de complexité de l'histoire dépasse un certain seuil, il est nécéssaire de préparer le terrain, dans une mesure plus ou moins grande. Au fur et à mesure de mon expérience, je peux affirmer que plus la préparation est importante, meilleur est le récit final (pour autant que l'idée de base ait du potentiel).
Avant d'aller plus loin, rappellons deux concepts à ne pas confondre:
1) l'histoire, qui correspond au fond, au sens de l'histoire. Ce sont les faits objectifs qui se déroulent dans l'ordre chronologique.
2) le récit, qui est la forme que l'on donne à l'histoire. C'est ce qui nous est raconté, dans l'ordre que l'auteur choisit, avec sa subjectivité.
Et donc, on en revient au titre de l'article: l'histoire précède le récit.
La préparation à laquelle je me réfère doit porter sur l'histoire, et non le récit, qui vient ensuite. Il faut prendre du recul par rapport à la manière de raconter l'histoire, pour essayer d'en explorer tous les méandres, toutes les potentialités, quitte à laisser tomber une grande partie du travail accompli.
Il faut garder en tête que l'écriture n'est pas un procédé économe: il y a beaucoup de gaspillage. C'est l'image de la montagne qui accouche d'une souris. Néanmoins, le travail accompli en amont se "sent", au final.
Je me souviens, la première fois que j'étais sur un plateau de tournage, je trouvais hallucinant qu'un type soit payé pour prendre des photos du décor pour pouvoir remettre exactement au même endroit *une peluche sur un lit*. Je m'écriais: mais quelle perte de temps! Aucun spectateur ne verra ça à l'écran!
Et la réponse, pleine de sagesse, fut: "Mais les spectateurs le *sentiront*".
Depuis, je pars du principe que chaque élément qui n'est pas correctement préparé finit toujours par se sentir, tôt ou tard. Pensez aux textes classiques de Corneille, dont la qualité n'est plus à discuter aujourd'hui. Eh bien, plusieurs siècles plus tard, des spécialistes continuent de débattre pour savoir si les réactions du Cid sont psychologiquement valables...
Vous pourrez abuser vos contemporains, un jour, un mois, un an, peut-être, mais finalement, il y aura toujours quelqu'un pour détecter les facilités, les approximations et les arnaques.
Ecrivez comme si votre texte allait être passé au scalpel, dans 5 siècles, par une armée de spécialistes. Vous n'en serez, j'espère, que plus vigilants, et serez convaincus qu'une bonne préparation est indispensable!
08 juin 2008
Cher producteur...
Cher producteur,
La première fois que nous nous sommes vus, votre enthousiasme sur le projet ne faisait aucun doute: vous ne tarissiez pas d'éloges sur l'intelligence du script, sur la profondeur des personnages, sur la modernité du concept et sur le potentiel commercial de notre collaboration. Vous avez même dit que "ça vous faisait penser à du David Lynch", et même si je n'ai pas trop bien compris où était le rapport, j'ai fait "oui" de la tête. Une franche poignée de main plus tard, et je me trouvais dans le métro, rentrant chez moi avec le sentiment de tenir mon premier succès de scénariste.
C'était pourtant clair: rendez-vous dans trois semaines, pour vous laisser le temps d'établir un budget et un plan de travail. Ensuite, direction commission des subsides, démarchage auprès de collaborateurs dans toute l'Europe, et début de la production.
J'avais fait mon calcul, je devais devenir riche vers juin 2008. Juin 2008, on y est... et à ce que je sache, nous ne nous sommes plus jamais revus. Vous avez repoussé le rendez-vous à plusieurs reprises, pour des motifs aussi invraisemblables que pathétiques. Je n'ai jamais vu la couleur d'une esquisse de budget. Pas la moindre trace d'un plan de travail. Quant à un chèque avec à mon nom, ne rêvons pas!
J'ai rappelé. Vous parvenez, par je ne sais quel détour de votre psychisme malade, à rester incroyablement enthousiaste à propos de toute cette histoire. Vous niez l'évidence: ce projet ne vous intéresse pas plus que votre première chaussette. Avouez-le. Tout le monde l'a compris. J'ai déjà travaillé sur 3 projets différents entre temps. J'ai abandonné l'idée de gagner ne serait-ce qu'un centime avec ce scénario maudit.
Maudit scénario, maudit producteur! Vous m'avez fait perdre pas mal de temps avec votre carotte. Ce spectre de voir sa création percer jusqu'aux écrans de toute l'Europe, avec des versions doublées en anglais et en allemand: le pied! L'enthousiasme s'est transformé en amertume. Et en points d'expérience: je sais à quoi m'en tenir.
Je connais l'ignoble vérité: ce qu'un producteur dit, il ne faut jamais le croire. Ce qu'un producteur signe, ça, c'est la vérité. Mais pour vous faire signer quelque chose, il faut sacrifier 12 vierges une nuit de pleine lune. Et encore...
La réponse à cette affaire est bien simple: je vais finir par devenir producteur moi-même.
Oui, très cher producteur, lorsque je serai votre concurrent, je vous avalerai tout cru et, face à vos supplications, je resterai invariablement enthousiaste et souriant: ne vous inquiétez pas, bientôt tout va s'arranger! Tout va s'arranger!
Et lorsque je verrai scintiller dans vos yeux désespérés la moindre petite lueur d'espoir, j'en profiterai pour réduire à néant le fruit du travail de votre vie. "Arrêtez de nous harceler au téléphone", sera probablement la meilleure formule. Culpabiliser la victime, c'est d'un efficacité redoutable.
En espérant que cette lettre vous montre les effets de vos mensonges sur vos fournisseurs, veuillez agréer, très cher producteur, l'expression de mes sentiments les plus distingués.
C'est vrai quoi, après tout, on pourrait encore travailler ensemble dans le futur.
L'Auteur Inspiré
La première fois que nous nous sommes vus, votre enthousiasme sur le projet ne faisait aucun doute: vous ne tarissiez pas d'éloges sur l'intelligence du script, sur la profondeur des personnages, sur la modernité du concept et sur le potentiel commercial de notre collaboration. Vous avez même dit que "ça vous faisait penser à du David Lynch", et même si je n'ai pas trop bien compris où était le rapport, j'ai fait "oui" de la tête. Une franche poignée de main plus tard, et je me trouvais dans le métro, rentrant chez moi avec le sentiment de tenir mon premier succès de scénariste.
C'était pourtant clair: rendez-vous dans trois semaines, pour vous laisser le temps d'établir un budget et un plan de travail. Ensuite, direction commission des subsides, démarchage auprès de collaborateurs dans toute l'Europe, et début de la production.
J'avais fait mon calcul, je devais devenir riche vers juin 2008. Juin 2008, on y est... et à ce que je sache, nous ne nous sommes plus jamais revus. Vous avez repoussé le rendez-vous à plusieurs reprises, pour des motifs aussi invraisemblables que pathétiques. Je n'ai jamais vu la couleur d'une esquisse de budget. Pas la moindre trace d'un plan de travail. Quant à un chèque avec à mon nom, ne rêvons pas!
J'ai rappelé. Vous parvenez, par je ne sais quel détour de votre psychisme malade, à rester incroyablement enthousiaste à propos de toute cette histoire. Vous niez l'évidence: ce projet ne vous intéresse pas plus que votre première chaussette. Avouez-le. Tout le monde l'a compris. J'ai déjà travaillé sur 3 projets différents entre temps. J'ai abandonné l'idée de gagner ne serait-ce qu'un centime avec ce scénario maudit.
Maudit scénario, maudit producteur! Vous m'avez fait perdre pas mal de temps avec votre carotte. Ce spectre de voir sa création percer jusqu'aux écrans de toute l'Europe, avec des versions doublées en anglais et en allemand: le pied! L'enthousiasme s'est transformé en amertume. Et en points d'expérience: je sais à quoi m'en tenir.
Je connais l'ignoble vérité: ce qu'un producteur dit, il ne faut jamais le croire. Ce qu'un producteur signe, ça, c'est la vérité. Mais pour vous faire signer quelque chose, il faut sacrifier 12 vierges une nuit de pleine lune. Et encore...
La réponse à cette affaire est bien simple: je vais finir par devenir producteur moi-même.
Oui, très cher producteur, lorsque je serai votre concurrent, je vous avalerai tout cru et, face à vos supplications, je resterai invariablement enthousiaste et souriant: ne vous inquiétez pas, bientôt tout va s'arranger! Tout va s'arranger!
Et lorsque je verrai scintiller dans vos yeux désespérés la moindre petite lueur d'espoir, j'en profiterai pour réduire à néant le fruit du travail de votre vie. "Arrêtez de nous harceler au téléphone", sera probablement la meilleure formule. Culpabiliser la victime, c'est d'un efficacité redoutable.
En espérant que cette lettre vous montre les effets de vos mensonges sur vos fournisseurs, veuillez agréer, très cher producteur, l'expression de mes sentiments les plus distingués.
C'est vrai quoi, après tout, on pourrait encore travailler ensemble dans le futur.
L'Auteur Inspiré
03 juin 2008
La patate chaude
Frederik, de Screenariste, me renvoie la patate chaude: il s'agit de vous dévoiler six aspects de moi-même que je ne serais pas susceptible de vous réveler dans les autres articles. Quart d'heure anthologique / inintéressant / égocentrique (vous biffez les mentions) en perspective!
1 - A part écrire, je fais de la musique. J'ai dans ma chambre un home-studio, avec ce qu'il faut de synthés, de guitares et autres instruments plus exotiques et inutiles. Ma musique est écoutable sur des sites Internet, mais je ne suis pas encore assez sûr de moi que pour vous donner les liens!
2 - J'ai passé deux ans de ma vie chez les scouts, avant de laisser tomber définitivement le côté "garçon sociable" de ma personnalité. J'avais là-bas une petite copine, que j'aimais vraiment beaucoup. Mais, jeunesse oblige, je n'ai jamais su son nom de famille. Je l'ai complètement perdue de vue et je désespère de retrouver sa trace un jour. Alisson, si tu me lis...
3 - Je supporte mal l'alcool. Un jour(une nuit, en fait) j'ai vomi sur la fille que je convoitais. No comment. J'le f'rai plus, promis.
4 - J'ai failli tuer quelqu'un avec une boule de pétanque. Je devais avoir quelque chose comme 7 ou 8 ans. Bien trop faible que pour lancer les boules aussi loin que les adultes, j'ai utilisé la technique olympique du "lancer du marteau", mais sans filet. J'ai quelque peu manqué la cible. Sur la plage, beaucoup plus loin, somnolait sur son transat' un pauvre touriste allemand, la septantaine, la peau flasque et brûlée par le soleil. La boule a atterri pas 1 centimètre à côté de son crâne. Un peu plus à gauche, et j'avais un mort sur la conscience.
5 - Pendant mon stage à la télévision belge, je me suis engueulé tout rouge avec un célèbre journaliste qui restera ici anonyme. En effet, je le critiquais vertement sur un forum. Lui n'a rien trouvé de mieux que de "googler" son propre nom, égocentrique qu'il est! Evidemment, le forum en question se retrouve parmi les premiers résultats. Il ne lui a pas fallu 5 minutes pour faire le rapprochement avec moi, et de me dire les quatre vérités, devant toute la rédaction. Je suis persuadé qu'il avait tort. J'ai passé une très mauvaise fin de stage. Morale: il travaille toujours là-bas, moi je postule à la concurrence.
6 - Mon petit frère, trois ans plus jeune que moi, m'a un jour piqué une petite amie. C'est un traumatisme profond pour moi (et je suis sérieux)! Depuis, j'ai une aversion terrible pour les tromperies dans les couples. Je ne suis pas "jaloux", mais je ne pardonne rien. Mon frère va très bien, merci pour lui.
Je passe le relais à Michael de Screenplay Europe et à Marc de BlogNot!.
1 - A part écrire, je fais de la musique. J'ai dans ma chambre un home-studio, avec ce qu'il faut de synthés, de guitares et autres instruments plus exotiques et inutiles. Ma musique est écoutable sur des sites Internet, mais je ne suis pas encore assez sûr de moi que pour vous donner les liens!
2 - J'ai passé deux ans de ma vie chez les scouts, avant de laisser tomber définitivement le côté "garçon sociable" de ma personnalité. J'avais là-bas une petite copine, que j'aimais vraiment beaucoup. Mais, jeunesse oblige, je n'ai jamais su son nom de famille. Je l'ai complètement perdue de vue et je désespère de retrouver sa trace un jour. Alisson, si tu me lis...
3 - Je supporte mal l'alcool. Un jour(une nuit, en fait) j'ai vomi sur la fille que je convoitais. No comment. J'le f'rai plus, promis.
4 - J'ai failli tuer quelqu'un avec une boule de pétanque. Je devais avoir quelque chose comme 7 ou 8 ans. Bien trop faible que pour lancer les boules aussi loin que les adultes, j'ai utilisé la technique olympique du "lancer du marteau", mais sans filet. J'ai quelque peu manqué la cible. Sur la plage, beaucoup plus loin, somnolait sur son transat' un pauvre touriste allemand, la septantaine, la peau flasque et brûlée par le soleil. La boule a atterri pas 1 centimètre à côté de son crâne. Un peu plus à gauche, et j'avais un mort sur la conscience.
5 - Pendant mon stage à la télévision belge, je me suis engueulé tout rouge avec un célèbre journaliste qui restera ici anonyme. En effet, je le critiquais vertement sur un forum. Lui n'a rien trouvé de mieux que de "googler" son propre nom, égocentrique qu'il est! Evidemment, le forum en question se retrouve parmi les premiers résultats. Il ne lui a pas fallu 5 minutes pour faire le rapprochement avec moi, et de me dire les quatre vérités, devant toute la rédaction. Je suis persuadé qu'il avait tort. J'ai passé une très mauvaise fin de stage. Morale: il travaille toujours là-bas, moi je postule à la concurrence.
6 - Mon petit frère, trois ans plus jeune que moi, m'a un jour piqué une petite amie. C'est un traumatisme profond pour moi (et je suis sérieux)! Depuis, j'ai une aversion terrible pour les tromperies dans les couples. Je ne suis pas "jaloux", mais je ne pardonne rien. Mon frère va très bien, merci pour lui.
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