15 septembre 2005

La page blanche

Le plus grand ennemi de l'apprenti-auteur est l'arrêt prolongé de l'acte d'écriture. C'est en écrivant qu'on devient écrivain, il ne faut donc jamais s'arrêter. De nombreux parasites de la vie peuvent éloigner l'auteur de son activité. Il doit donc avoir assez de force mentale pour les surmonter et se donner une règle de conduite irréprochable.

Mais face à la feuille blanche, le problème de la non-écriture n'est pas résolu. Ecrire, c'est facile, en fait: il suffit de retranscrire en temps réel le soliloque qui émerge à l'instant où l'auteur est assis à son bureau. Toute la difficulté, bien entendu, est d'obtenir un soliloque digne d'être retranscrit.

Le travail de l'auteur consiste donc à produire un soliloque et à poser un jugement sur celui-ci en même temps. C'est là le noeud du problème: un auteur trop laxiste par rapport à son soliloque se contentera d'un verbiage sans consistance, mais un auteur trop sévère se paralysera et entrera dans un spirale d'auto-dépréciation qui ruinera toutes ses chances de terminer son roman.

La plupart des apprentis-auteurs tombent dans l'un ou l'autre extrême. Les plus optimistes écriront "au kilomètre", enverront leurs manuscrits à tous les éditeurs du pays et s'étonneront d'être incompris. Les plus réalistes se rendront rapidement compte que le niveau de leurs écrits n'arrive pas à la cheville des Auteurs Inspirés et entreront dans la spirale infernale. C'est principalement eux qui connaîtront le problème de la page blanche.

La bonne nouvelle, c'est que ce processus négatif n'est pas une fatalité: il peut être renversé et utilisé à bon escient.

La première étape consiste à déceler dans les romans des Auteurs Inspirés les éléments qui font défaut dans l'oeuvre des apprentis-auteurs. Il faut particulièrement insister sur la démystification de ces différences. Ces différences porteront sur la forme et sur le fond. Les Auteurs Inspiré forment des phrases qui s'enchaînent avec fluidité, dans une belle sonorité et dans un rythme agréable. Ils éviteront, contrairement à moi, d'utiliser systématiquement des phrases neutres ou passives qui alourdissent la lecture (comptez dans cet article le nombre d'infinitifs ou de "il" impersonnels, c'est effrayant). Les Auteurs Inspirés racontent des histoires structurées selon des règles de dramaturgie. Ils font éventuellemen passer des messages.

Lorsque l'apprenti-auteur aura recensé avec honnêteté (l'aide d'une critique extérieur est souvent indispensable) l'ensemble des éléments qui font défaut à son écriture, il se rendra compte que la fossé qui le sépare des Auteurs Inspirés n'est pas si large que ça. Au moins, il aura un but à atteindre. Et le meilleur moyen d'atteindre un but, c'est simplement de se le fixer.

La deuxième étape consiste à diminuer le niveau d'auto-critique qui s'effectue à priori sur l'écriture. L'apprenti-auteur doit faire taire sa conscience critique momentanément, sans quoi il retourne dans la spirale de la défaite. Néanmoins, il ne doit pas l'oublier complètement: cet esprit critique doit absolument resurgir a posteriori. La pire chose à faire est de relire le début d'un roman en cours d'écriture: l'esprit critique sera tellement acerbe que l'envie de poursuivre se volatilisera aussitôt. Il vaut mieux tout écrire d'une traite, quitte à retravailler des passages par après.

Il vaut mieux oublier tous les rituels d'écriture, qui sont de toute manière complètement irrationnels. Ils bloquent plus qu'ils n'inspirent.

Les Auteurs Inspirés ne sont pas à l'abri de la page blanche, mais ils développent des boucliers qui leur permettent de s'en débarasser. En voici quelques-uns:
1) la rigeur horaire. Amélie Nothomb écrit tous les jours sans exception pendant 4 heures. Cette constance lui permet d'écrire jusqu'à 3 romans par an (pour un seul publié) ce qui lui enlève une partie de la pression et de l'esprit critique. De plus, l'exercice quotidien de l'écriture a pour effet d'améliorer sensiblement la qualité de l'écriture et une production littéraire abondante augmente les chances de réussite (c'est statistiquement prouvé).
2) l'écriture parallèle. Si la fiction entraîne souvent la peur de la page blanche, c'est moins le cas de la littérature "pratique" ou journalistique. L'exercice de l'écriture peut donc se faire via des moyens détournés, comme des livres de voyage, des biographies, des livres de cuisine, etc. Vous qui lisez ces articles voyez un exemple parfait de cette technique!
3) l'écriture forcée, l'écriture organique, l'écriture libérée: dans le pire des cas, faites confiance à votre génie et écrasez complètement votre esprit critique. Commencez à écrire sans plan préalable, et continuez à improviser jusqu'à la fin. Ne vous inquiétez nullement de la qualité de votre oevure. Ne vous donnez aucun plan en cours d'écriture. Ne suivez aucun chemin connu. Ecrivez véritablement en homme libre! Avec un peu de chance, le résultat de l'expérience sera satisfaisant.

Comme vous venez de le constater, la peur de la page blanche relève plus de l'ignorance et de l'obscurantisme que d'une inaptitude à l'écriture. Tout homme raisonné en viendra à bout au prix de quelques efforts.

11 septembre 2005

Toucher l'humain

Il y a trois étapes successives dans l'écriture:

1) Trouver une bonne histoire. "Il se passe ceci, ensuite il arrive cela, puis il y a un retournement de situation, etc." Un enfant de huit ans en est capable.
2) Ecrire correctement, trouver un style. Les adolescents en sont déjà capables à partir de 15, 16 ans, lorsqu'il commencent à peser la valeur des mots.
3) Toucher la nature humaine. Seuls les meilleurs adultes en sont capables.

Un livre qui ne touche jamais la nature humaine, qui ne nous en dit pas plus sur notre condition, n'est jamais plus qu'un roman de gare. Tous les grands romans ont au moins un point commun, c'est qu'ils parviennent à sonder notre âme, à en tirer l'essence, et à l'utiliser dans le cadre de leur récit.

Le cas est particulièrement frappant pour les livres de genres: les auteurs qui s'enferment dansun genre avec ses codes, ses contraites, qui utilisent ses limites pour pondre une littérature abondante mais sans relief, n'ont aucune chance de sortir des collections "spécialisées" qui ne ravissent qu'un petit groupe de fans peu exigeants. Ceux qui sortent du lot vont plus loin et utilisent les ressources de leur genre littéraire pour "toucher l'humain".

Prenons l'exemple du roman policier: des auteurs médiocres sont parfaitement capables de mettre au point des énigmes extrêmement complexes et rusées, mais n'écrivent que dans le but de les démonter comme des mécaniques. Leurs oeuvres ne dépassent pas le stade de l'exercice intellectuel et sont oubliées sitôt lues. Des Auteurs Inspirés comme Simenon ou Agatha Christie ne se contentent pas de monter avec virtuosité des intrigues retorses, ils s'appesantissent sur la psychologie des personnages. Ils expliquent comment "monsieur tout-le-monde" peut devenir un assassin.

Il en va de même avec tous les genres (héroïc-fantasy, science-fiction, fantastique, etc.). Il faut utiliser les ressources d'un genre comme d'une amorce (commerciale?) pour toucher l'humain, terme que j'utilise avec facilité pour expliquer une notion bien plus vague en réalité.

Car finalement, c'est quoi "toucher l'humain" ?

C'est une notion si fichtrement compliquée que je ne suis pas certain de pouvoir vous la définir avec exactitude. Car en fait, cela revient à dire: qu'est-ce qu'un humain? Et là, à chacun sa définition. Toucher l'humain dans un texte, c'est faire transparaître dans ses écrits sa propre définition de la nature humaine. Tout un programme!

Je ne prêche pas pour une littérature psychologique et torturée, l'affirmer serait mal me comprendre. Mettre en scène des schizophrènes introvertis n'est pas forcément d'un grand secours. Ni le genre littéraire ni la santé mentale des protagoniste n'ont d'importance. L'humanité se situe à un niveau plus fondamental, moins concret.

Il y a deux façons de toucher l'humain:
1) par l'intrigue. Les événements qui constituent le récit peuvent donner un éclairage nouveau sur la nature humaine.
2) par le style. L'auteur peut présenter des événements a priori anodins sous un angle nouveau, qui, sous sa plume, peuvent en dire plus sur la nature humaine.

En définitive, seul le talent de l'auteur pourra réellement faire éclater l'humanité de son histoire. Mon rôle ici n'est pas de donner la recette qui permettrait de l'atteindre facilement, mais simplement de vous faire prendre conscience qu'une telle humanité est une nécéssité et qu'il ne faut pas la perdre de vue. Je vous prie donc de ne jamais tomber dans la facilité.

09 septembre 2005

Le texte fondateur

Auteur : Aristote (384-322 av. J.-C.)
Titre : Poétique d'Aristote, traduction française par Ch. Batteux
Publication : Paris : J. Delalain, 1874

J'en parle régulièrement, mais c'est du vent si personne ne le lit. La Poétique d'Aristote est un texte fondateur, indispensable à l'apprenti-auteur. Non seulement le philosophe trace les grandes lignes théoriques de la dramaturgie, mais il donne aussi une multitude de conseils pratiques très pragmatiques qui n'ont pas perdu de leur pertinence en deux millénaires.

Certes, les exemples qu'il donne pour illustrer son propos ne sont pas très parlants, à moins de connaître l'histoire du théatre grec dans le détail. S'informer fatigue. La lecture de cette cinquantaine de pages est parfois fatiguante, mais c'est un effort qui sera largement récompensé.

Les enseignements du maître sont disponibles gratuitement dans ce fichier Acrobat Reader.

08 septembre 2005

Les marathoniens

Je suis à peu près sûr que 99% de la population à déjà écrit un début de roman, souvent à l'adolescence. Environ 99% de ces débuts de romans ne dépassent pas 10 pages. Ce qui laisse une infime portion de romans effectivement achevés.

Ecrire un roman, c'est long et pénible. Il faut que tout soit cohérent sur la longueur. Car, après tout, atteindre un niveau professionel d'écriture est donné à tout le monde, sur un texte court. Mais quand il faut être parfait tout au long de 300 ou 400 pages, les candidats au poste sont moins nombreux.

La plupart abandonnent par découragement, par fainéantise, mais les plus tenaces arrêtent parce qu'ils ne savent plus quoi écrire! Une histoire doit se construire avant même de prendre le stylo. Il faut avoir une vague idée de l'endroit vers lequel il faut aller. C'est une question de motivation: le pauvre soldat Philippidès n'aurait jamais pu crier "nenikamen" ("nous avons gagné") après la bataille de Marathon, en Grèce, s'il ne s'était pas mis en tête d'atteindre Athène à tout prix. Il s'était donné une destination dés le départ. Sans cela, il aurait perdu courage en cours de route et se serait laissé tomber avant d'avoir atteint son but.

Pour écrire un roman, l'apprenti-auteur doit connaître sa destination. Il doit également connaître son moyen de transport, la façon dont il va atteindre son but: le style, les thèmes abordés, en somme, tout l'apparat qui mettra en valeur la profondeur du texte.

Afin de ne pas écrire "dans le vide", l'apprenti-auteur peut s'appuyer sur les règles de la dramaturgie. Son récit n'en sera que plus palpitant. Quelles sont ces règles? La Poetique d'Artistote en décrit les principales. Je vous conseille donc de jeter un coup d'oeil sur cet ouvrage.

Le plan de travail peut servir d'aide mémoire pour des textes dont l'écriture s'étalle sur une longue période. L'apprenti-auteur peut s'aider de fiches, de listes, de toutes sortes d'artifices pour pallier l'étroitesse de son cerveau.

Pour terminer le marathon en bonne santé, l'apprenti-auteur veillera à se donner un horaire de travail raisonnable, constant et régulier. Il n'oubliera pas les moments de repos, mais n'en abusera pas. La pratique d'un exercice physique est chaudement recommandé.

En conclusion, seule la motivation profonde de l'apprenti-auteur pourra le distinguer des 99% de la population. Mais une motivation mal organisée peut souvent menée à la déception.

07 septembre 2005

Essuyer un refus

"Notre comité de lecture a attentivement examiné votre manuscrit. Malheureusement, il n'entre pas dans le cadre de notre politique éditoriale actuelle."

Six mois après l'envoi de votre oeuvre magistrale, voilà que tous les espoirs s'effondrent. La maison d'édition x ou y ne veut pas de votre prose. Enfer et damnation!

Ne vous suicidez pas directement: lisez d'abord mes quelques conseils sur la gestion d'un refus.

D'abord, il faut éviter de tomber dans la déprime. Evidemment, c'est un coup dur, une effroyable sensation de faiblesse vous envahit, vous vous sentez médiocre, raté, fini. Lessivé. Mais sachez une chose: un refus ne veut rien dire!

Même Proust a dû s'y prendre à plusieurs reprises pour faire publier sa Recherche du Temps Perdu.

Premièrement, un refus ne vous vise pas, vous, en tant que personne, mais vise votre oeuvre, en tant que production littéraire. Un peu de détachement ne peut donc pas faire de tort. Une fois que vous jetez votre manuscrit en pâture aux comités de lecture, c'est comme si vous abandonniez votre propre enfant. Sa mise à mort ne doit plus vous émouvoir. Vous devez couper toute relation sentimentale avec votre oeuvre dés que celle-ci est achevée. Son sort ne vous regarde plus.

Deuxièmement, un refus n'est pas synonyme de médiocrité esthétique. Bien sûr, dans la majorité des cas, des apprentis-auteurs envoient leut manuscrit trop tôt, avant même de s'être assurés de sa qualité. Mais si l'oeuvre est mûre, bien écrite, des raisons plus profondes peuvent pousser le comité de lecture à la rejeter. Il ne faut pas perdre de vue que le monde de l'édition est un business comme un autre. Si votre roman n'a pas une vocation commerciale, elle peut passer à la trappe plus facilement.

Attention, toutefois, à ne pas tomber dans le complexe de l'artiste incompris: votre oeuvre ignorée à cause du grand capitalisme, un comité de lecture trop ignorant pour comprendre votre art avant-gardiste, etc. N'y pensez même pas! Ces gens sont bien payés et compétents. Ils savent que s'ils manquent un chef-d'oeuvre, ils font un cadeau à la concurrence.

Votre manuscrit a donc été refusé pour une très bonne raison. La remise en question, c'est sur vous-même qu'il faut la faire. Avez-vous bien ciblé la maison d'édition? Avez-vous éliminé toutes les fautes d'orthographe, de grammaire, de style, toutes les tournures lourdes, maladroites, erronées, toutes les erreurs factuelles, les incohérences, et toutes ce qui ne convient pas?

Votre roman raconte-t-il quelque chose d'intéressant? Avez-vous évité les clichés? Vous démarquez-vous de la "foule"?

N'oubliez pas que les comités de lecture sont assaillis par les apprentis-auteurs comme vous. Vous devez vous livrer à un concours sans merci avec des centaines d'autres candidats. Il faut être le meilleur.

Une fois que vous avez répondu à toutes ces questions, que votre manuscrit vous paraît approprié, alors il est peut-être temps de tenter votre chance avec une autre maison d'édition.

En cas d'échec répété, il est conseillé d'abandonner et de se lancer dans l'écriture d'un nouveau roman.

06 septembre 2005

Tenter sa chance

Envoyer son texte à un comité de lecture d'une maison d'édition, c'est un peu comme courir nu dans la rue en espérant qu'une fille canon tombe sous le charme.

Les chances de réussite sont faibles, mais pas nulles.

Vu le nombre considérable de manuscrits envoyés, les lecteurs n'ont aucune pitié. Avant même d'avoir lu la moindre ligne de texte, ils pourront distinguer le bon grain de l'ivraie.

Heureusement, je vais vous aider à passer le stade du premier coup d'oeil.

Voici quelques consignes à respecter scrupuleusement:
- tapez votre texte à l'ordinateur, dans une police de caractères très lisible (Courier ou Courier New, 12 points), avec un double interligne.
- n'ajoutez aucun dessin, aucune couleur, aucune fantaisie. Vous êtes écrivain, pas artiste-peintre.
- sur la couverture, mentionnez votre nom, le titre et votre adresse, rien de plus. Pas de notice légale, pas de dessin, pas de date.
- sur une feuille séparée, indiquez vos coordonées complètes et un court résumé du texte (pas plus d'une page).
- reliez les feuillets.
- justifiez votre texte à gauche, mais pas à droite: il faut éviter l'effet "colonne de journal".
- réglez les marges pour obtenir environ 250 mots par page.

Voilà, vous êtes déjà un professionnel ! Désormais, la seule chose qui vous sépare de la publication est la qualité de votre prose. Maintenant, vous aimeriez sans doute savoir comment envoyer votre manuscrit proprement formatté à un comité de lecture? Très bien! Il y a trois éléments à vérifier avant lacher votre texte dans la nature:
1) ciblez le type de publications des maisons d'éditions: toutes ne publient pas le même genre d'oeuvres. Dans le même ordre d'idées, ne visez pas trop grand. Certaines maisons ne publient que des auteurs célèbres. Il n'y a rien de mal à commencer par une petite maison inconnue.
2) vérifiez quelles sont les consignes d'envoi des manuscrits de la maison d'édition que vous avez choisie. Très souvent, elles sont données sur le site internet de l'entreprise.
3) cherchez l'adresse postale de la maison d'édition, affranchissez correctement votre colis (les feuilles ne doivent pas être pliées dans l'enveloppe) et n'y pensez plus. Le délai de réponse est souvent plus long que deux mois. Il ne faut rien en attendre. Ecrivez un autre roman pendant ce temps.

Certaines maisons d'édition refusent les manuscrits non-sollicités. J'ai donc fais pour vous une petite liste des éditeurs généralistes en France qui les acceptent:

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Editions Flammarion
Service des manuscrits
26 rue Racine
75006 PARIS

(fictions de plus de 100 pages - délai de réponse d'environ deux mois)

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Editions Librio (filiale de Flammarion)
87 quai Panhard et Levassor,
75647 Paris Cedex 13

(pas de fictions, uniquement livres "pratiques": cuisine, santé, etc.)

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Editions Albin Michel
Service des manuscrits
22, rue Huyghens
75014 Paris

(romans, documents et essais entre 100 et 400 feuillets)

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Editions du Seuil (filiale de La Martinière Groupe)
27, rue Jacob
75006 Paris

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Éditions Verdier
234, rue du Faubourg-Saint-Antoine
75012 Paris

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Le cherche midi éditeur
service des manuscrits
23 rue du Cherche-Midi
75006 Paris

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10/18
12, avenue d'Italie
75013 Paris

(romans policiers uniquement)

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Editions l’atalante
11 & 15, rue des Vieilles-Douves
F-44000 Nantes

(Romans de genre: science-fiction, policier, fantastique, etc.)

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Editions JC Lattes
17 rue Jacob
Paris 6ème

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Editions Anne Carrière
104, boulevard Saint-Germain
75006 Paris

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Hachette Littératures
Comité de lecture
31, rue de Fleurus
75006 Paris

(Pas de fictions. Joindre 3€20 pour frais expédition)

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Editions Laurence Teper
108 avenue Félix Faure
75015 Paris

(Témoignages, essais)

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ODIN éditions
La rédaction
39, avenue Saint-Fiacre
78100 Saint-Germain-en-Laye

(Petite maison sans prétention)

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Editions Robert Laffont
24 avenue Marceau
75381 Paris Cedex 08

05 septembre 2005

Exercices de style

Si au cinéma il est extrêmement important, le scénario ne trouve qu'une place tout à fait secondaire dans la littérature. Il s'efface devant le style. Car il y a moultes façons différentes de décrire les même faits, à tel point qu'ils en deviennent des histoires différentes.

Dans le cinéma, l'interface entre l'histoire et le public sont les images, dans la littérature ce sont les mots: il faut donc les soigner particulièrement.

Les mots ont une texture, un passé, une histoire, une odeur: il faut s'en servir. Il ne faut pas utiliser l'odeur du souffre dans une histoire d'amour, à moins que les rapports entre les protagonistes ne soient sulfureux.

Imaginons le simple scénario suivant: un petit avion de tourisme s'écrase mais le pilote parvient à sauter dans la mer avant le crash.

Dans cet état, le récit n'est pas passionant. Même un article de journal dans la rubrique des faits-divers est plus attryant. Dans un texte littéraire, il faut donner au lecteur des sentsations fortes qui l'inciteront à poursuivre sa lecture.

Voyons donc comment certains auteurs connus auraient traité ce passage:

Tom Clancy (techno-thriller):
Les 3522 heures de simulateur ne suffisaient pas à John McMannaghan pour parer à une telle situation: le moteur principal de son Cessna BX-488ZX, le modèle sorti des usines en 82, avait cessé de fonctionné. Une fuite dans un joint de la tuyère de contrôle avec fait fondre le réservoir. L'engin était devenu incontrôlable. Le cadran indiquait 3000 pieds, et son niveau descendait dangereusement. John n'avait plus qu'une solution: s'éjecter. Son sac à dos en nylon renforcé de fibres de carbone ultra-légères contenait, en plus d'un parachute,un petit canot de d'appoint. Il faut dire qu'en survolant la longitude 28°33' dans cette région, le plastique qui formait la coque du canot ne pouvait pas faire long feu: c'était peine perdue, John devrait compter sur la chance pour s'en sortir. Lorsque sa cuisse frappe les flots à la vitesse de 98 kilomètres à l'heure, il sentit comme une brûlure immédiatement suivie d'un froid glacial. Sa montre waterproof ne supporta pas le choc: c'est la batterie au Nickel-Cadnium qui lâcha en premier.

Aghata Christie (roman policier):
Sir John Managhan survolait paisiblement la baie de San Marco dans les Caraïbes à bord de son petit avion privé. Il pilotait bien. Son père, ingénieur, l'avait inscrit très jeune à des cours de pilotage dans la meilleure école du pays. Malgré tout, John n'avait pas appris à déceler un panne sèche de moteur. L'avion piqua du nez. John paniquait: très rapidement, il passa en revue dans sa tête la liste des personnes qui auraient pu saboter l'engin. Après tout, sa situation paisible était plus qu'enviable: son manoir bicentenaire avait déjà fait l'objet d'articles dans les grands journaux, sa femme, actrice convoitée, attirait les hommes et attisait la jalousie. Mais les pensées de John s'arrêtèrent net lorsqu'il frappa le mur d'eau de l'océan.

Stephen King (horreur):
John Managhan avait vaincu sa peur du vide à l'âge de 14 ans, lors d'un camp d'été dans la forêt de Springfield, Massachussets. Sujet aux railleries des morveux du village, il avait été obligé de grimper dans un Séquoya pour échapper à leurs coups. Sous l'effet de l'adrénaline, il avait oublié la peur, et avait fait de l'altitude un havre de paix. Il avait pris des cours de pilotage, et aujourd'hui, 20 ans après, il passait ses vacances à 3000 pieds au dessus de la Baie de San Marco, à bord de son Cessna, d'où la vue était imprenable. John contemplait l'horizon, lorsque le cadran du niveau de carburant commenca à faiblir considérablement. Un bruit sourd résonnait à l'arrière: le moteur était tombé en panne. L'avion commenca à piquer du nez. En un instant, la phobie de John refit surface. La sueur perlait de son front. Il s'imaginait d'atroces souffrance: dans moins de 40 secondes, son corps se disloquerait comme une poupée sur le mur terrible de l'océan. Il n'y avait pas de pitié à demander, personne à qui supplier: le sort de John était entre ses mains. Mais ses yeux ne voyaient que ses membres se détacher de son tronc, nettement, sans bavure, arrachés aussi secs que la tige d'un raisin. Crac. Il savait qu'il ne sentirait rien, mais la vue du sang le tuerait avant même que ses fonctions vitales ne s'arrêtent. Au dernier moment, une main divine le poussa à appuyer sur le bouton d'éjection et il échappa aux ténèbres.

Etc.

03 septembre 2005

Le plan de carrière

Le meilleur moyen de sombrer dans la déprime est de comparer son âge avec celui des Auteurs Inspirés.

Stephen King publia son premier roman ("Carrie") à 27 ans.

Amélie Nothomb ("Hygiène de l'assassin") à 25.

Alexandre Jardin ("Bille en tête") à 21.

Françoise Sagan ("Bonjour Tristesse") à 19.

Je suis déjà dépassé!

Pourquoi n'ais-je pas été publié aussi tôt? Après tout, j'ai envoyé mon premier manuscrit à Hachette quand j'ai eu 14 ans. Moi aussi, j'aurais pu être un auteur précoce.

Mais il est clair qu'à 14 ans, je n'avais pas encore une notion très claire de l'écriture. Je me contentais d'aligner des mots pour former une petite histoire sympathique, mais sans aucun regard pour le style ou la fluidité. Sans compter les fautes de grammaire, les tournures lourdes, les approximations, bref: une calamité!

Heureusement, je n'ai que 20 ans. Je peux encore retomber sur mes pattes et me lancer dans une carrière d'écrivain.

Ce n'est pas le moment de trouver un emploi fixe et d'être exploité pendant 20 ans avant de me rendre compte que j'ai raté ma vie: il me faut un plan de carrière!

Réfléchissons cinq minutes: je devrais être publié d'ici 5 ans, être invité chez Ardisson d'ici 10 ans, tenir un chronique littéraire dans un grand journal d'ici 15 ans, être mondialement célèbre d'ici 20 ans, entrer dans la postérité d'ici 25 ans, et entrer à l'Académie d'ici 30 ans.

Un bon programme. Pour être honnête, je serais déjà heureux de remplir la première tâche dans le courant de ma vie. Ce n'est pas si difficile.

Raisonnons un peu: un plombier qui exerce son métier avec passion pendant 10 ans devient forcément un excellent plombier. Alors si j'écris avec passion pendant 10 ans, je deviendrai forcément un excellent écrivain. Je serai donc publié. Une première publication en entraînant une autre, ma carrière sera lancée. Il ne tiendra qu'à moi de la maintenir en bonne santé.

Toute la difficulté sera donc de trouver des ressources financières durant les premières années de ma vie. Or, si je trouve un emploi fixe, je suis exploité pendant 20 ans, je perds le goût de l'écriture, et je rate ma vie.

Il faut revoir mon plan...

Disons que je passe les premières années de ma vie à écrire des ouvrages "alimentaires": Régler son magnétoscope pour les Nuls, Les 10 secrets de beauté des plus grandes stars, Les coulisses du Pentagone: on nous ment!, etc... Petit à petit, je m'écarte de ce style pragmatique pour me lancer dans la fiction, seul type d'écriture à m'intéresser réellement.

Ou alors je peux courir nu dans les prairies en philosophant...

Ou alors mon plan ne tient pas la route, et il est impossible de planifier une carrière dans ce genre de domaine. Trop de facteurs aléatoires décideront pour moi.

Cette sensation de n'avoir aucun contrôle sur sa destinée à de quoi faire peur. D'un autre côté, elle libère.

A chacun de voir le verre à moitié vide, ou à moitié plein!

01 septembre 2005

L'orthographe


Ceux qui lisent mon blog auront vite compris que je ne suis pas un champion en orthographe. Rien qu'en relisant rapidement les quelques messages précédents, j'ai déjà trouvé une dizaine de fautes.

Sur un blog qui parle d'écriture, c'est pas sérieux.

A fortiori, dans un texte qui doit être publié, non seulement c'est la marque d'un manque de professionnalisme, mais c'est carrément intolérable.

La faute de frappe n'est pas seulement une entorse à la "règle" de bonne conduite de l'écrivain, elle est plus vicieuse: elle détourne l'attention.

Pendant un infime instant, le lecteur se dit: "ah, une petite faute". Il continue aussitôt sa lecture comme si de rien n'était, mais une partie de son subconscient continue son travail de sape: "un bon écrivain ne fait pas de faute, qui est l'incapable qui a écrit ce texte?".

Au final, l'auteur perd sa crédibilité. Si les erreurs sont trop nombreuses, on n'a plus envie de lire. Le subconscient devient conscient. Et lire le texte d'un incapable n'est pas une activité agréable. Mieux vaut arrêter de lire, quitte à manquer le nouveau chef d'oeuvre du siècle.

Quelle attitude doit prendre l'apprenti-Auteur face à l'orthographe?

TOLERANCE ZERO.

Correction immédiate. Vérification systématique. Relecture obligatoire.

Sur les traitements de texte, il y a toujours un correcteur orthographique: il ne suffit pas!

Il faut imprimer le texte sur du véritable papier et le lire à tête reposée, muni d'un stylo. Il faut barrer, corriger, griffoner, torturer le texte jusqu'à ce qu'il soit absolument parfait.

Un faute toutes les pages, ça fait plusieurs centaines de fautes dans un roman. Une seule suffit à faire perdre le fil de l'histoire.

Soyez impitoyables!

(Evidemment, si une faute s'est glissée dans le présent texte, l'Auteur décline toute responsabilité!)