21 avril 2012

Girls, la série qui divise

La chaîne HBO a lancé la semaine dernière une nouvelle série produite par Judd Apatow, "Girls", écrite, réalisée et interprétée par Lena Dunham, une jeune artiste de 25 ans à peine. Le pitch est simple: de nos jours, c'est pas facile d'être une fille de 25 ans à New York! Après la diffusion de l'épisode pilote, les critiques se sont déchirés: certains crient au génie, d'autres à l'arnaque du siècle... Alors, qui a raison?

Difficile, évidemment, de juger sur un seul épisode, mais on peut d'ores et déjà évacuer les deux principales critiques qui fleurissent sur les blogs:

1) le népotisme
Les quatre actrices principales sont des "filles de". Elles représentent le New York riche qui a la vie facile, et en temps de crise, ça énerve! Mais est-ce vraiment une critique recevable? Michael Douglas est-il moins talentueux parce qu'il est le fils de son père? Nicolas Cage parce qu'il est issu du clan Coppola? Bien sûr que c'est une critique ridicule... Exit donc le népotisme.

2) le manque de diversité
Girls parle de jeunes bourgeoises blanches, qui sortent avec de jeunes bourgeois blancs, et qui ne feront jamais que des bébés blancs! Où sont les afro-américains, les arabes et les asiatiques? Oh, il y en a deux: le noir est un sans-abri et l'asiatique une pro de l'informatique! Là, les critiques touchent un point sensible. La créatrice Lena Dunham a même déclaré qu'elle rectifierait cette omission lors de la saison 2. Mais, réellement, peut-on critiquer une série parce qu'elle n'est pas culturellement diversifiée? La fiction doit-elle toujours être un échantillon représentatif de la société? Girls est une série qui parle de jeunes filles de bonnes famille... Est-ce vraiment impensable qu'elles n'aient pas de copains noirs et arabes? Au contraire, je trouve ça plutôt réaliste. D'ailleurs, je suis persuadé que Lena Dunham, qui a basé la série sur sa propre vie, n'a jamais vraiment réfléchi à cette question au moment de l'écrire. Le lui reprocher aujourd'hui, c'est donner raison au marketing plutôt qu'à la bonne dramaturgie.

Les vraies critiques
Une fois ces deux questions évacuées (elles prennent pourtant la plus grandes partie des discussions au sujet de la série!), on peut passer à la vraie question: Girls est-elle une bonne série, oui ou non? Examinons le pour et le contre...

Le pour
"I may be the voice of my generation" ("Je suis peut-être la voie de ma génération") explique Lena à ses parents. C'est peut-être bien vrai! Ou, comme elle précise, "d'une certaine génération". Les pérégrinations de filles égoïstes, fainéantes, cherchant un sens à leur vie dans une économie catastrophique, c'est un vrai miroir de cette jeunesse "YouTube" et "Facebook", ces adulescentes qui ont beaucoup de mal à entrer dans un âge adulte vraiment pas accueillant. Je ne suis pas une fille New Yorkaise, mais du haut de mes 27 ans, je m'y suis retrouvé, en partie.

Je pense donc que Girls brosse un portrait réaliste d'un drame qui se joue de nos jours, celui d'une génération entière de bourgeois qui se rend compte avec effroi, et lentement, que sa classe sociale tend à disparaître, et que le seuil de pauvreté se rapproche dangereusement. En quelque sorte, c'est la fin de l'Ancien Régime pour les classes moyennes! Et ça, on le sent bien dans Girls. Cette ambiance "fin de règne" désabusée, en rupture totale avec le mode de pensée de nos parents, rend la chose très pessimiste, et l'on peine à voir la lumière dans l'épisode pilote...

Cette lucidité sur son temps s'accompagne de répliques cinglantes et intelligentes. L'écriture est haut de gamme, dans Girls. On sent que l'on n'est pas face à un monde de carton pâte: il y a du vécu derrière. D'ailleurs, si la série est beaucoup comparée à "Sex in the city" (pour le côté groupe de filles qui parlent de cul), Girls est la version sans fard ni paillettes. La scène de sexe - avec ou sans capote - est révélatrice: on est dans l'anti-prince charmant, l'anti-Disney, la désillusion complète.

Le contre
Bien sûr, trop de clairvoyance n'est jamais une bonne chose. Beati pauperes spiritu... A force de cynisme, Lena Dunham a rendu l'ensemble de son casting totalement désagréable. Il n'y a pas un seul personnage sympathique dans le tas. Même elle, l'actrice principale, la moins bizarre du lot, n'est pas un exemple de protagoniste facile à aimer. Ces riches égoïstes qui papotent sur des détails de la vie alors que le monde dehors à faim, c'est un peu dur à avaler. C'est ici que l'on explique le rejet total du népotisme dans les critiques des gens: ils confondent les actrices et leurs personnages. Ces salopes n'ont qu'à s'en prendre à elles-mêmes!

L'humour est "extra-dry". Ca n'aide pas à faire descendre la pilule. D'ailleurs, je n'ai pas vraiment ri en regardant l'épisode pilote. Girls a beau être produite par le nouveau pape de l'humour Judd Apatow (40 ans toujours puceau, En cloque mode d'emploi, Funny People), ce n'est pas une sitcom. Girls possède un ton très sûr de lui, cynique, condescendant, qui explique les critiques divisées. On peut se sentir exclu... Or l'objectif d'une série n'est-il pas de nous rendre accroc? De nous donner envie de revenir?

Ce ton de film d'étudiant artsy hipster n'est peut-être pas le plus adaptée à une série, bien que, rappelons-le, nous sommes sur HBO, qui nous a habitué à prendre des risques payants.

Verdict.
Les critiques son divisées parce que la série est loin d'être parfaite, c'est aussi simple que ça. Mais comme elle mélange le très bon et le très mauvais, il est difficile de faire un diagnostic sensé et raisonnable, d'où les attaques stupides sur le népotisme et la diversité... Personnellement, j'ai envie de voir où Lena Dunham va mener sa barque. Je lui donne trois épisodes pour me convaincre totalement. Après, je ne suis pas Mère Teresa non plus: à trop me faire tourner en bourrique, on pourrait me vexer.

1 commentaire:

alexc a dit…

Super ton blog, tes articles sont très intéressants :)

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