Là où l'amplification ou l'hyperbole habituelle peut avoir un certain souffle épique, une portée héroïque, l'adynaton est le discours du ridicule. La différence est subtile, et dépend de la vraisemblance de la phrase: si c'est clairement impossible, ce ne peut être qu'un adynaton!
Un exemple très célèbre d'adynaton (combiné à une accumulation), c'est la tirade du nez de Cyrano de Bergerac:
"C'est un roc ! ... c'est un pic... c'est un cap ! Que dis-je, c'est un cap ? ... c'est une péninsule !"Au-délà de cette phrase, c'est l'ensemble de la tirade qui étire le nez dans des proportions telles (le nez devient tour à tour perchoir, parasol, monument) que le ridicule est évident.
Les enfants aiment bien utiliser des adynatons lorsqu'ils se plaignent! N'as-t-on jamais entendu un enfant dire à ses parents:
"Tu me l'avais promis il y a au moins dix mille ans!"L'enfant étire le temps au-délà du possible, ne laissant aucun doute sur le ridicule de son exagération. S'il avait donné une date plus réaliste ("tu me l'avais promis il y a 10 ans"), on serait face à une simple amplification et non à un adynaton.
Le langage populaire regorge d'expressions du même genre, telles que:
"Quand les poules auront des dents!"Etrangement, l'adynaton était fort employé dans la littérature antique, où il avait moins ce côté absurde. L'exagération tenait alors au sublime, au divin. Jésus, par exemple, dit dans la Bible:
"Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille qu'à un riche d'entrer dans le royaume de Dieu."Mais très vite, les auteurs ont compris qu'ils étaient tournés en dérision. Il a fallu attendre les naïfs romantiques pour retrouver une certaine noblesse dans leurs déclarations d'amour exagérées.
"Mon coeur bat pour toi comme tous les tambours du monde."On retrouve ce genre de phrase dans le journal intime des adolescentes. Mais aujourd'hui, dans une société rationelle et peu encline à l'expression des sentiments, l'adynaton est définitivement rangé dans le tiroir du risible.
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