06 février 2013

La figure du jour: le zeugme

En grec ancien, "zeugma" désigne le joug qui relie deux animaux. En littérature, le terme désigne une phrase dans laquelle deux termes sont reliés au même mot, alors qu'ils ne devraient logiquement pas l'être. Par exemple, dans la phrase:
"Il a enfilé sa veste et sa femme."
Veste et femme sont tous les deux reliés au verbe "enfiler", mais le sens est très différent. L'effet produit est comique. Le zeugme consiste souvent à jouer, de manière humoristique, sur le double sens du verbe (ou du nom commun par rapport à des adjectifs).

Même si l'effet comique est facile, les auteurs sérieux ont également utilisé le zeugme pour provoquer un effet poétique, comme par exemple Victor Hugo qui, en évoquant des veuves, écrivait qu'elles:
"Parlent encor de vous en remuant la cendre de leur foyer et de leur coeur!"
L'effet tragique est saisissant: la cendre évoque à la fois leur mari décédé et leur chagrin. Comme on le voit, le zeugme est une figure qui peut se montrer puissante. Mais il ne faut pas pour autant tout confondre avec un zeugme. Par exemple:
"Il a vengé son père et son honneur."
Même si cette phrase ressemble vaguement à un zeugme, le sens du verbe "venger" est rigoureusement identique dans les deux cas. Ce n'est donc pas une figure de style.

Certains zeugmes sont devenus des clichés, à éviter:
"Les soldats marchaient tambour et gifles battantes".
En plus d'être un cliché éculé, cette expression nous ramène à l'origine fautive du zeugme: le rapprochement de deux termes qui ne s'accordent pas (en genre ou en nombre ou, comme ici, les deux).

Dans ce cas de figure, sans sa valeur littéraire ajoutée, le zeugme ne serait qu'une vulgaire faute de grammaire. Pour passer outre la faute d'accord, il faut s'appeller Apollinaire, qui écrivait:
"Sous le pont Mirabeau coule la Seine et nos amours."

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